A l'occasion de la parution Du Roi je serai l'assassin, Jean-Laurent Del Socorro revient pour nous sur l'écriture et la création de ce nouveau roman aux éditions Actusf.
Nouveau roman et nouvelle incursion dans l’époque des Guerres de religions avec Du Roi je serai l’assassin. Après la compagnie du Chariot que l’on avait retrouvée dans La Guerre des trois rois, c’est au tour d’un autre personnage de Royaume de vent et de colères de voir son passé dévoilé.
Actusf : Dans Du Roi je serai l'assassin, on découvre le passé de Sinan et de sa jumelle Rufaida ? Pouvez-vous nous en dire quelques mots ? Le passé de Sinan était-il déjà écrit quand vous aviez pris la plume pour narrer Royaume de vent et de colères ?
Jean-Laurent Del Socorro : Pour ce que je savais de Silas et de son histoire avant d’écrire le roman, c'est facile : rien ! (rires)
Royaume de vent et de colères n’avait pas vocation d’avoir un préquel ou une suite. C’est parce que les lecteurs et les lectrices voulaient en savoir plus sur Silas, le mystérieuse assassin, que j’ai écris ce livre. Dans Royaume de vent et de colères, Silas n’était qu’un personnage secondaire ; dans Du Roi je serai l’assassin, il est au centre du roman.
J'ai vraiment fait des hypothèses et suis vite arrivé à la possibilité de son passé à Grenade, comme morisque. L'Espagne musulmane était une thématique que je voulais aborder depuis longtemps. J'ai ensuite travaillé le contexte historique, pour me trouver avec les deux pôles finaux et leurs thématiques associées : Grenade et les morisques après la Reconquista ; Montpellier et les protestants au début des guerres de religions.
En cours d'écriture j'ai fait enfin en sorte que les liens avec les autres textes de cet univers (la novella illustrée par Marc Simonetti La Guerre des trois rois, les nouvelles que j’ai écrites dans cet univers,...) soient bien raccords et faire quelques clins d'œil entre eux.
Je voulais au final que Du Roi je serai l’assassin soit complétement indépendant pour quelque qui n’a rien lu d’autre de cet univers, et c’est le cas.
Actusf : Pourquoi créer des jumeaux ? Est-ce pour créer encore plus d’intensité entre leurs relations ?
Jean-Laurent Del Socorro : Rufaida était d’abord la sœur ainée de Silas de quelques années, puis pour de raisons d’abord pratique, j’ai décidé d’en faire des jumeaux.
Une fois cette décision prise, je l’ai en effet exploité en travaillant sur ces effet de « miroir déformant » : ils sont jumeaux, mais si leurs destins se répondent souvent, ils s’éloignent par moment l’un de l’autre.
Actusf : Si Royaume de vent et de colères se déroule à Marseille, Du Roi je serai l’assassin nous fait voyager de Grenade à la cité phocéenne en passant par Montpellier. Est-ce plus simple de faire « bouger » ses protagonistes au contraire d’un huis-clos ?
Jean-Laurent Del Socorro : C’est plus simple dans un huis-clos, où l’aire d’écriture est délimitée, cadrée. Dans Du Roi je serai l’assassin, j’ai deux contextes distincts et très ouverts à appréhender.
• Un « après » : Grenade après la Reconquista, avec comme porte d’entrée les morisques, ces musulmans qui se sont convertis au catholicisme par nécessité, pour ne pas tout perdre ;
• Un « avant » : Montpellier à l’aube de guerres de religions en France, avec comme entrée l’école de médecine de Montpellier (elle n’est pas encore appelé université) Le climat est radicalement différent, avec une ville riche, festive, qui vit ses derniers années d’insouciance avant que n’éclatent la guerre.
Actusf : Si en France les protestants et les catholiques commencent à s’affronter, l’Espagne, elle, essaie d’éradiquer toute trace d’Al Andalus. Que ce soit culturellement ou religieusement. Le climat en Europe n’était donc pas propice à la sérénité…
Comment avez-vous travaillé pour connaître les détails de la vie et de la politique de l’époque ? Avez-vous du faire beaucoup de recherches ? Des voyages ?
Jean-Laurent Del Socorro : Pas de voyages, mais des recherches documentaires.
Sur Grenade, le travail a été double. J’ai dû d’abord comprendre Al Andalus, l’Espagne Musulmane, puis sa reconquête par les rois catholiques pour pourvoir appréhender ce qui se passe après ces évènements. Cela a été une grosse somme de travail, avec pas mal de textes à croiser, car cette période est encore en perpétuelle « réécriture » par les historiens, au fil des découvertes.. etc.
Pour Montpellier, j’ai eu plus de chance. J’ai vite trouvé les excellents travaux de l’historien Jean Baumel sur la ville, dont son Montpellier au cours des XVIe et XVIIe siècles sur lequel je me suis grandement appuyé. Mon autre ouvrage de référence a été le Journal de Felix Platter à Montpellier, le journal d’un étudiant en médecine de l’époque. Cet ouvrage est très riches en anecdotes et j’en ai intégrées certaines dans Du Roi je serai l’assassin.
Actusf : Comme avec Axelle, cheffe de la compagnie du Chariot, d’autres femmes aux caractères bien trempés sont présentes, Rufaida, Aïcha ou encore Morayma. Comment les avez-vous créées ? Était-il réellement possible d’être libre à cette époque pour une femme ?
Jean-Laurent Del Socorro : Une femme pouvait trouver des espaces de liberté, je pense. Mais c’était très variable selon les endroits. Par exemple, une femme pouvait être médecin comme Aïcha dans le monde musulman… mais pas chez les catholiques. Du coup, Rufaida peut seulement suivre les cours de barbière à Montpellier – et encore, parce que Montpellier est considérée comme progressiste et le tolère.
La sœur jumelle de Sinan, Rufaida, est construite comme un des deux reflets qui se déforment au fur et mesure où les deux personnages avancent dans le temps. Aicha incarne elle Al Andalus, l’Espagne musulman avant la Reconquista. Morayma représente enfin les musulmans et musulmanes nées après la Reconquista, et qui cherchent à préserver leur identité face à l’inquisition qui veut les assimiler par tous les moyens.
Actusf : Avez-vous eu des influences particulières lors de la création de ce roman ?
Jean-Laurent Del Socorro : Je n’ai qu’une référence qui me vient à l’esprit, et elle est littéraire : Les Lions d'Al-Rassan, de Guy-Gavriel Kay, dont je suis un grand fan. Le roman évoque la fin d’Al Andalus et la Reconquista avec brio et poésie.
Actusf : Et maintenant ? Quels sont vos projets ? Pensez-vous revenir dans cet univers ?
Jean-Laurent Del Socorro : Je reviendrai dans l’univers de Royaume de vent et de colères. Du Roi je serai l’assassin s’inscrit à présent comme une sorte de prequel 30 ans avant. Je réfléchis à un tome qui clôturait un triptyque avec un 30 ans après. Un roman sous Louis XIII, avec des mousquetaires forcément. Je voudrais un texte plus lumineux pour contrebalancer Du Roi je serai l’assassin qui est quand même assez noir.
Sinon, je suis en pleine rédaction du Secret de Tamié, le tome 5 des Chevaliers de la raclette, la série que nous partageons avec Nadia Coste. On voyagera cette fois dans la Savoie du XIXe siècle, au sein du massif des Bauges, entres l’abbaye et le fort de Tamié.
Et pour aller plus loin, n'hésitez pas à (ré)écouter la rencontre live avec Jean-Laurent Del Socorro au sujet de Du Roi je serai l’assassin !