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Duel d'événements
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Duel d'événements

Je sais pas si vous partagez cette impression…mais en ces temps de rentrée littéraire, tout est événement. Les libraires devaient se rebaptiser événementaires, les bibliothèques événementhèques…Curieux ce glissement sémantique, sans vouloir donner dans le radotage nostalgique mais il me semble qu’il n’y a pas si longtemps les parallélépipèdes imprimés qu’on avait choisis pour figurer en bonne place sous les projecteurs et dans la suite logique dans les listes des meilleures ventes étaient présentés comme des « livres-événement ». Raccourci, économie, gain de temps et de place, ainsi vont les choses…

D’où l’idée cette semaine de comparer deux titres lancés comme des événements.

A ma droite, La Malédiction d’Old Haven de Fabrice Colin sorti le 3 septembre chez Wizz

A ma gauche, Stoneheart de Charlie Fletcher publié en août par Hachette Jeunesse

Alors commençons par le commencement

Qu’est ce qui fait de ces 2 livres des événements ?

Mode angélique

Fabrice Colin n’avait jamais sorti un livre jeunesse aussi épais. C’est également le livre le plus épais paru dans cette collection (Les 13 Vies et demie du Capitaine Ours Bleu avaient été scindé en 2 tomes). Donc une nouvelle gageure pour un auteur et une collection confirmés.

Pour Charlie Fletcher, C’est son premier roman jeunesse, 140 pages de moins…mais les droits d’adaptation du livre ont été achetés par Paramount Picture. Ironie du sort (décidément bien cruel celui-là) comme le fait remarquer son auteur sur le site du Telegraph http://www.telegraph.co.uk/arts/main.jhtml?xml=/arts/2006/10/07/bfamclub07.xml) puisque Charlie Fletcher s’est lancé dans cette aventure narrative pour échapper aux déconvenues de son revenu principal l’écriture de scénario.

Mode un chouia moins idéaliste

Un événement ça se créée…Alors quels moyens ont été employés pour convaincre prescripteurs et lecteurs que ce livre renvoie tous ses concurrents au stade d’opuscule insignifiant juste digne de caler une armoire ?

Côté com’, Hachette a mis le paquet, un site spécialement dédié au site avec un jeu-concours, des partenariats avec des acteurs de l’univers de l’adolescence

Malgré les réflexions marketing préalables narrées par l’auteur sur son blog (et qui débouchèrent notamment sur le changement du titre, le trop sobre Mary Wickford cédant sa place à La Malédiction…), la communication est moindre chez Wiz. Sur le site de la collection, La Malédiction d’Old Haven n’est même pas le premier titre présenté dans les nouveautés. A croire qu'ils font tout pour ne pas irriter les grincheuses anti-marketing dans mon genre.

Passons à l’objet -livre

La couv’

Premier constat y-a-t-il eu fuite, espionnage industriel, ou simplement collusion des créativités des DA ? Toujours est-il que le titre des deux événements en compétition sont inscrits en surimpression (impossible de retrouver le terme technique mais vous savez ces titres en relief) dorée.

La couv’ de Stoneheart est assez racoleuse un dragon au regard moyennement sympathique se détache sur un fond brumeux et verdâtre, avant-goût du Londres fantastique dans lequel plonge l’intrigue.

Celle de La Malédiction d’Old Haven est plus intrigante, plus subtile, l’illustration de Benjamin Carré très nuancée met l’héroïne au premier plan, le côté bucolique et apaisé de la mousse, de la végétation et de la racine sous les pieds de Mary étant mis en péril par la lumière surréelle du fond.

La quatrième de couv’, ici encore un procédé similaire

Une accroche précède le traditionnel résumé

Très cinématographique pour StoneHeart

« Aux frontières de notre esprit, il existe des mondes qu’on n’oserait soupçonner »

Une baseline qui pourrait résumer des milliers d’histoires qui se déroulent ailleurs que dans notre monde quotidien...

Moins stéréotypée et bien plus rattachée à l’histoire pour La Malédiction d’Old Haven

« Il est un trait qui nous distingue, nous les Wickford, du commun des mortels : nous ne savons pas nous soustraire au destin »

Et le texte alors ?

A moins que vous n’ayez des rayonnages vides à combler, le texte dans un livre c’est l’essentiel.

 Côte Stoneheart, une course-poursuite dans un Londres imaginaire très linéaire, un univers parallèle où évoluent des tares, des répliques et des fulgurances (cf le livre pour l’explication de ces termes mais pour les deux premières espèces disons qu’il s’agit de statues animées… de bonnes ou de mauvaises intentions) des personnages attachants (notamment Georges, le héros si peu héroïque) mais souvent prévisibles parce qu’assez manichéens.

Un parcours initiatique assez simpliste en somme avec des aspects agaçants et pourtant, on lira sans nul doute le tome 2 parce que c’est distrayant.

Chez Fabrice Colin, les univers, les références, les intrigues s’entrecroisent, s’enchevêtrent et produisent une histoire dense où les relations tortueuses entre individus évoluent de façon aussi complexe que les caractères de personnages ambigus.

Le texte est tellement riche que chaque lecteur trouvera sa façon d’appréhender ce livre, de plonger dans l’histoire.

Bilan du duel : là où Stoneheart peut apparaître comme un événement dans le loisir et/ou le divertissement, La Malédiction d’Old Haven l’est en littérature. L’œuvre de Fabrice Colin prouve si besoin était que son style tient la distance dans l’épique et ce livre entraîne, fascine puis hante son lectorat bien au-delà de la cible jeunesse.

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