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Echec et Automates

Arnaud Quéré (Dessinateur, Coloriste), Philippe Segard (Scénariste)
Cycle/Série : 
Langue d'origine : Français
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 31/12/2004  -  bd
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Echec et Automates

On ne sait combien de temps les auteurs ont mûri leur projet, mais il y a une évidence, pour une première bande dessinée, c’est un coup de maître. Laissez-vous porter par cette histoire poétique et sensible, dont la mécanique si bien huilée vous fascinera.

« C’est pas parce que ta mère est morte que c’est la fin du monde, non plus ! »

Dans une ville laissée à l’abandon et qui s’est vidée de ses eaux, une femme s’est pendue. L’homme avec lequel elle vivait la délivre de l’enfant qu’elle portait. Un bébé au front déformé apparaît alors, « tu parles d’un souvenir qu’elle me laisse ta mère » lâche l’homme. Commence alors l’initiation de l’enfant, avant que la saison touristique n’arrive. Cette ville déserte attire le chaland grâce aux horloges que l’homme remonte tous les jours et aux masques aux couleurs chamarrées que la femme, Nonette, peignait. L’homme donne en héritage à son fils un pendentif à la forme étrange que sa femme portait, qu’elle peut en être l’utilité ?

« Car il n’est pas vide mon cœur que je n’ai pas »

Comment résumer cette histoire où il n’y a rien et tout à la fois ? Une histoire si simple et pourtant si prenante. Cet album est une pépite dénichée chez Carabas, dans lequel les deux auteurs offrent au lecteur un instant de poésie rude, une tentative de lyrisme simple. Dans cette Venise vidée de ses eaux, seul un couple habite encore la ville désertée, et puisque Nonette s’est pendue, l’homme devra seul apprendre à élever l’enfant au front déformé qui est né de leur union. Un enfant étrange et sensible qui ne prononce pas un mot mais qui découvre le secret des masques peints de sa mère. En toile de fond de ce théâtre sans spectateur, le narrateur est l’homme qui nous livre ses pensées, son histoire. Avec des mots durs, qui caractérisent ce personnage rêche et bourru, on suit son quotidien , sa tournée durant laquelle il s’assure que toutes les horloges de la ville fonctionnent correctement.

Mais l’ombre du Carnaval plane encore, les apparences sont trompeuses, et les faux-semblants font chavirer notre âme. La petite mécanique des sentiments s’est déjà mise en place Et comme l’oiseau du début qui se fait avoir par un leurre, un poisson mécanique, le lecteur a mordu à l’hameçon et comprend, trop tard, que l’on est à Venise, ville du travestissement et de l’artifice. Le scénario est réussi, à n’en pas douter, et les dessins sont en adéquation totale avec l’histoire. Quéré fait un travail magnifique sur l’expressivité de ses personnages, le regard de l’enfant est déchirant par instant et lumineux à d’autres. Les couleurs atténuent la sensation de vertige de certaines cases et nous transportent dans une Venise en ruines qui n’a pas perdu de sa force poétique. On croit dur comme fer à l’histoire que les auteurs nous content, on s’attache à cet homme sans âge et à cet enfant muet qui apprennent à s’apprivoiser. Un one shot qui vous laissera sans voix et mélancolique, à vous offrir les yeux grands ouverts et les sens aux aguets.

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