Orson Scott Card est un habitué des contes de fées. Certains de ses livres comme Espoir du Cerf sentent bon le conte, mélangeant poésie et cruauté.
Avec Enchantement, il passe à la vitesse supérieure en allant puiser son inspiration directement à la source. L’histoire éternelle de La Belle au Bois dormant lui a servi de fondation pour son histoire. Il a juste changé quelque peu les règles du jeu à commencer par la profession du héros.
En effet, l’homme qui réveille la princesse n’a vraiment rien d’un chevalier. Il a tout juste 20 ans et est étudiant en langues anciennes aux Etats-Unis. Au cours d’un voyage en Russie d’où il est originaire, il tombe sur une clairière enchantée dans laquelle une belle jeune fille pique un petit roupillon protégée par un ours gigantesque. Une envie irrésistible d’aller goûter son rouge à lèvres pousse le jeune homme à affronter la bestiole et à embrasser la sœur jumelle de Demi Moore.
Et pourtant, s’ il avait su les conséquences de son acte, Ivan aurait sans doute passé son chemin. En rompant la malédiction, il se voit projeté mille ans en arrière et obligé d’épouser la princesse. Perdu en plein Moyen Âge, dans un monde brutal où règne la magie, il doit s’adapter aux coutumes au plus vite et gagner le respect de ses chevaliers car le temps presse. La méchante sorcière Baba Yaga menace d’annexer le gentil petit royaume de la princesse et seule une union fertile avec Ivan compromettrait les plans de l’ignoble bonne femme.
Manque de bol, la jeune fille lui mène la vie dure, raillant ses habitudes de citadin du XXème siècle. Quant à ses futurs administrés (en épousant la princesse, Ivan deviendrait leur roi), ils n’ont que du mépris pour celui qui ne possède pas des bras de bûcheron à faire frémir d’horreur des chênes centenaires comme tous les chevaliers formés à la guerre. Pire, devant sa faiblesse physique, ceux-ci songent même à provoquer un « accident malencontreux » pour le remplacer par un homme plus amène de défendre le royaume.
Devant tant de difficultés, Ivan décide alors de s’échapper avec sa princesse et de revenir chez lui. Son monde civilisé renversera les rôles avec elle et lui adoucira passablement le caractère. Mais le danger ne sera pas éloigné pour autant puisque Baba Yaga arrivera à les retrouver...
Un roman bien plus profond qu’il n’y paraît
Malgré son histoire somme toute classique, Enchantement n’est pas une simple remise au goût du jour du célèbre conte. Orson Scott Card a su en faire un roman complexe, en forme de réflexion sur l’opposition des mondes (mille ans de coutumes, ça commence à compter) et sur la différence (des origines et des religions puisque qu’Ivan est Juif et sa princesse chrétienne). Un bon point pour le livre.
Pour autant, on est loin du génie uchronique d'Alvin le Faiseur. Si Enchantement est sans aucun doute un bon bouquin (certainement meilleur que ceux de nombreux auteurs), il n’est pas au même niveau que son prédécesseur dans la bibliographie de Card. Certaines ficelles sont archi-connues et par moment, l’auteur rallonge quelque peu la sauce en des longueurs inutiles. Bref, c’est décevant lorsque l’on connaît les autres romans. Mais au final tout ça n’est pas bien grave, car sans être génial, cela reste fort sympathique. A lire.