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ENtreFER

Iain Banks ( Auteur)
Langue d'origine : Anglais UK
Aux éditions : 
Date de parution : 30/09/2000  -  livre
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ENtreFER

Imaginez un pont si long, que c'est à peine si l'on se souvient de ce qu'il relie. Un pont avec des tabliers assez vastes pour y implanter des hectares de zones agricoles, et si haut qu'il peut, sur plusieurs dizaines de niveaux, héberger des millions d'individus : des cheminots, des ouvriers, des fonctionnaires, des artistes  ou des médecins ; comme le Dr Joyce, qui depuis six mois s'applique à rendre la mémoire à John Orr. Sans grand succès, il faut bien l'admettre. Ce n'est pas de l'incompétence, non ! Il faudrait plutôt envisager la question sous l'angle d'une impossibilité physique. Physique, au sens des lois fondamentales : le Dr Joyce ne peut pas guérir John Orr, car il est John Orr. Plus précisément il est un produit de son inconscient. Tout comme le pont ou bien la séduisante Aberlaine Arrol, et l'insolite M. Berkeley qui se prend pour une pièce de mobilier. Tous hantent le coma de l'alter ego de Orr. Car lorsqu'il ne rêve pas de barbares illettrés ou d'enfers mécaniques, c'est la réalité – notre bonne vieille réalité – qui vient habiter les nuits de John Orr.

Sans cesse on passe de ce pont, qui rappelle étrangement les cauchemars architecturaux de François Schuitten, à la vie pas plus morne qu'une autre d'un jeune ingénieur écossais, cloué sur son lit d'hôpital, entre la vie et la mort, à la suite d'un accident de voiture. Au long du récit on saura tout de lui, sauf son nom (les plus perspicaces pourront tout de même déduire qu'il s'appelle Lennox). Mais surtout, on suivra la lente reconstruction de sa personnalité.

ENtreFER est le second roman de Iain M. Banks, que l'on connaît surtout pour sa trilogie de la Culture. C'est une œuvre de jeunesse, presque un exercice de style, qui préfigure les brillants découpages de ce spécialiste de la haute voltige littéraire, qui s'est depuis payé le luxe d'un roman à double numérotation croisée ( deux histoires connexes, alternées dans la présentation, l'une évoluant de 1 à 13 et l'autre de XIII à I ). A parler franchement, l'histoire en elle-même n'est pas folichonne folichonne. On pense bien-sûr à Ubik mais sans la verve schizophrène de K. Dick. Toutefois l'univers de Banks tisse la toile d'une étrange poésie dans la quelle on se laisse prendre. Une ambiance nébuleuse, où la ligne de vie de John Orr se dessine sur un ciel d'orage, où l'effarante banalité du quotidien se retrouve transfigurée par la grâce de ces passages entre deux mondes. ENtreFER est un roman dépaysant. Si vous ne connaissez pas Iain M. Banks, il ne vous familiarisera avec son œuvre que dans la mesure où, déjà en 1986, il aimait à mettre en scène des héros perdus dans un monde trop grand pour eux. Ceux d'entre-vous qui n'ont jamais éprouvé cette impression s'abstiendront de lire ENtreFER, les autres se laisseront sans doute séduire…

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