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Espace-temps K de Gérard Klein
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Espace-temps K de Gérard Klein

A l'occasion de la sortie d'Espace-temps K, le 16 avril dernier, Gérard Klein revient sur cette parution aux éditions Mnémos.

Actusf : Bonjour, vous faites paraître chez Mnémos, le 16 avril, l’intégrale de vos romans de science-fiction parus depuis 1958 : Espace-temps K. Pour l’homme de lettres, éditeur et auteur que vous êtes, quelle signification a une telle parution ?

Gérard Klein : Un écrivain est toujours heureux de voir ses livres réédités, car il espère trouver de nouveaux lecteurs et peut-être aussi retrouver d’anciens lecteurs. D’autant que cette réédition est vraiment splendide. Elle devait être accompagnée au Livre de Poche du Livre des préfaces qui réunit toutes mes préfaces et postfaces publiées par cet éditeur. Mais la parution de ce gros volume a été repoussée au mois d’octobre pour cause de pandémie.

Actusf : Cette intégrale regroupe donc vos huit romans accompagnés de préfaces, de postfaces et même d’un synopsis inédit. Écrit à dix-huit ans, Le Gambit des étoiles, présent dans l’ouvrage, a été un succès vous plaçant, avec d’autres à l’époque, comme l’une des nouvelles voix de la SF francophone. Auriez-vous imaginé, à peine majeur – nous sommes en 1958, la carrière que ce texte vous offrira par la suite ?

Gérard Klein : Un écrivain, jeune ou pas, ne sait jamais quelles seront les conséquences de la parution de ses livres, a fortiori du premier. Ma carrière littéraire puis éditoriale s’est faite de bric et de broc en fonction des circonstances.

Actusf : Voiles solaires, terraformation de Mars et d’autres innovations, peu ou pas exploitées au moment de la parution de vos romans et nouvelles, sont présentes dans vos œuvres. La science vous a-t-elle inspirée ou pensez-vous, au contraire, que ce sont les auteurs de SF qui l’inspirent ?

Gérard Klein : Quoique non scientifique à proprement parler, j’ai toujours été passionné par la science depuis ma prime jeunesse et lu avidement revues et ouvrages de vulgarisation. Mais la distance est grande entre les sciences et la SF. Celle-ci n’inspire évidemment pas les scientifiques même si certains en lisent, ce qui est un phénomène assez récent. Ce serait une absurdité de penser le contraire.
Certes, la science m’a beaucoup inspiré et je n’ai à peu près rien écrit qui n’en soit dérivé.

Actusf : Puisque nous en sommes à parler sciences, vous avez eu une vie riche d’expériences professionnelles dont économiste à la Caisse des dépôts et consignation où vous avez été, entre autres, l’instigateur de l’étude validant le Plan Épargne Logement. Ce poste chronophage explique-t-il à lui seul que vous n’ayez pas davantage publié de romans ?

Gérard Klein : Non. J’ai conçu le PEL en 1969 après une longue étude. J’ai travaillé pour le Groupe de la Caisse des Dépôts de 1963 à 1987 et pour Les Éditions Laffont de 1969 à 2014. J’ai certes beaucoup travaillé, mais si vous regardez les dates, vous verrez que ça ne m’a jamais empêché de publier romans en nouvelles jusqu’en 1973 à peu près. C’est un désastre sentimental qui m’a plongé dans la dépression et empêché d’écrire de la fiction pendant des années, mais pas des préfaces et articles.

Actusf : Économiste, novelliste, romancier, vous avez également été scénariste et avez travaillé avec Jean-Pierre Mocky. Comment s’est passée cette rencontre avec ce réalisateur atypique du cinéma ?

Gérard Klein : Jean-Pierre Mocky m’a téléphoné un beau jour de 1963 pour me demander si j’accepterais de travailler avec lui sur une adaptation d’un Jean Ray, La cité de l’indicible peur. J’ai dit oui et nous avons travaillé plusieurs mois ensemble. Nous sommes restés amis même si nous n’avons plus coopéré.

Actusf : Lorsque Jean-Pierre Mocky vous présente, par hasard, Robert Laffont, patron de la maison éponyme. Que vous êtes-vous dit, à votre avis, pour que ce dernier vous propose en 1969 de prendre la direction d’une collection de science-fiction qui deviendra par la suite une référence, Ailleurs et demain pour ne pas la nommer ?

Gérard Klein : Ça ne s’est pas passé comme ça. Mocky a proposé à Robert Laffont de me rencontrer. Je suis donc allé voir Robert quelque temps plus tard et je lui ai proposé la création d’une collection de science-fiction de haut niveau. Il m’a tout de suite donné carte blanche et j’ai commencé à acheter des titres pour ce qui allait devenir Ailleurs et demain. Un titre de collection qui n’a pas soulevé l’enthousiasme, mais Robert m’a laissé faire et je crois que ce titre est devenu une référence.

Actusf : Parlons maintenant de l’un de vos romans les plus connus et les plus appréciés : Les Seigneurs de la guerre. Sept années ont été nécessaires à sa rédaction commencée juste après votre retour de la Guerre d’Algérie. On ne peut évidemment nier un lien entre cette expérience traumatisante pour le jeune homme que vous étiez et le sujet du roman. Cela explique également sans doute la gestation longue de ce titre qui s’est écoulé à plus de cent mille exemplaires. Les Seigneurs de la guerre a-t-il été un exutoire ?

Gérard Klein : Un exutoire, certainement pas. Je n’ai jamais rien voulu écrire sur cette guerre comme beaucoup de ceux qui y ont participé. Mais Les Seigneurs de la guerre ont été marginalement teintés de cette expérience. Je m’en explique dans la préface que j’ai donné à la dernière édition de ce roman au Livre de Poche.

Actusf : Vos romans, vos rencontres… nous avons peu parlé de vos nouvelles qui pourtant constituent une part importante de votre production d’auteur (sans oublier évidemment vos nombreuses préfaces). Vous dites souvent que c’est dans cette forme littéraire que vous vous épanouissez le plus. Pourquoi cette passion pour le format court ? Que peut-il apporter à la SF ?

Gérard Klein : La nouvelle est un genre injustement négligé par beaucoup de lecteurs alors que c’est celui comme lecteur et comme auteur que je préfère. La nouvelle a été longtemps le genre dominant dans la SF et cette préférence a même conduit à la survie de revues alors qu’ailleurs, elles disparaissaient. Écrire une nouvelle correspondait mieux à mon emploi du temps avec des plages de liberté rares et brèves le plus souvent. Écrire une nouvelle demande plus de soin qu’un roman, car chaque mot compte alors qu’une longueur peut être tolérée dans un roman.

Actusf : Vous parlez souvent de rencontres. De nombreuses personnalités de la SF francophone ont gravité autour de vous dont beaucoup sont devenus des amis au long cours. Vous avez fondé, au début des années 50, avec Ruellan, Sternberg, Versin, Gallet et Curval ce qu’on appelle la science-fiction française. Cette dernière a beaucoup évolué au fil des années. Comment la décririez-vous aujourd’hui ?

Gérard Klein : J’ajouterai à cette liste Michel Jeury qui fut un des plus grands. J’en lis peu aujourd’hui parce qu’elle me semble faire une part de plus en plus réduite à une inspiration scientifique. Il s’agit le plus souvent d’insolite. Je lis surtout des livres d’information scientifique.

Actusf : Nous arrivons à la fin de cet entretien et une dernière question uchronique se pose : si vous aviez aujourd’hui la possibilité de modifier un élément de votre parcours aussi bien professionnel qu’artistique, le feriez-vous ?

Gérard Klein : Non, je ne pense pas. Un parcours comme le mien en tout cas, n’est pas prévu d’avance ni calculé. Il est le produit de circonstances et de rencontres. Il aurait pu être différent, c’est tout, mais je ne regrette aucun des choix que j’ai faits.

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