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Et si l'Histoire n'était pas ce qu'elle semble être ?
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Et si l'Histoire n'était pas ce qu'elle semble être ?

Actusf : Le Testament d’Involution est le 4ème tome des aventures du Bâtard de Kosigan, de quoi cela parle-t-il ?
Fabien Cerutti : Il s’agit de la suite directe du tome 3 : le Bâtard de Kosigan cherche à se renseigner sur l’origine du noir-sang qui coule dans ses veines. Malheureusement pour lui, l’Inquisition traque les tisseuses de Source qui pourraient le renseigner et le grand Inquisiteur Juan Gines de Las Casas n’est pas homme à se laisser mette des bâtons dans les roues. Dans ce tome 4, le Bâtard va découvrir une cité mystérieuse qui recèle les traces d’une civilisation ancienne, il va se battre pour sa vie et pour celle des siens, tenter de réaliser une prophétie dont il s’était moqué et regretter amèrement de l’avoir fait…
Quant au XIXème siècle, l’histoire est de plus en plus prenante et mouvementée. Je ne peux en révéler davantage sans spoiler le tome précédent, mais je peux dire que l’Arche se dévoile enfin et joue son ultime va-tout pour tenter de se débarrasser de la Croix d’Adombrement, que les choses vont aller de mal en pis, et que tout se finira… par la lecture de l’épilogue.


Actusf : L’intrigue médiévale se déroule pendant la Guerre de Cent ans, d’abord en France, puis dans le Saint Empire Germanique et plus précisément à Cologne. Pourquoi ce choix ?
Fabien Cerutti : En réalité le tome 1 prend place dans le comté de Champagne, c’est ma région de naissance, quel meilleur endroit pour commencer un projet ? Le tome 2 se déroule dans les Flandres, sans raison particulière, hormis que j’avais envie de faire tourner l’intrigue autour de la première grande confrontation de la Guerre de cent ans, la Bataille de l’Escluse qui se déroule au large de Bruges. Quant à Cologne et au Saint Empire, j’avais visité la ville il y a longtemps et la noirceur de sa cathédrale m’avait marqué (cette couleur n’était due qu’à la pollution mais mon imaginaire lui a trouvé d’autres origines, autour d’une histoire de sorcières et d’Inquisition…).


Actusf : Le Bâtard de Kosigan, à la fin du tome 3, est dans une position périlleuse. J’entends certain dire « comme d’habitude ». Pourtant, ce n’est pas le seul à être en mauvaise posture et son descendant, Kergaël, a lui aussi quelques ennuis.
Entre ses deux personnages principaux, il vous faut jongler entre deux époques. Est-ce difficile ?

Fabien Cerutti : Jongler n’est pas difficile en soi, ce qui l’est en revanche, c’est de faire en sorte que tout retombe sur ses pieds, avec justesse et si possible un minimum d’élégance (quoi qu’en cette matière, le jugement de chacun peut varier). C’est donc la partie XIXème siècle qui est la plus complexe (rien que d’y penser mes mains se dirigent convulsivement vers mes cheveux pour les arracher), il fallait que tout s’éclaire, se rejoigne et s’explique, y compris mes partis pris d’écriture, et que même un historien ne puisse pas crier au scandale. L’idée était que l’intrigue s’enorgueillisse d’une crédibilité réelle, tout en demeurant vive, enlevée et plaisante. Je suis très fier du résultat, et plus encore de ne pas avoir trouvé la mort à force d’essayer…

"J’aime les deux, c’est certain. Cependant le Bâtard de Kosigan incarne un personnage dont j’aurais aimé jouer le rôle, tandis que Kergaël est plus proche de l’homme que je suis dans la réalité [...]"


Actusf : Avez-vous une préférence entre Kergaël de Kosigan et le chevalier Pierre Cordwain de Kosigan ?
Fabien Cerutti : L’un est un mercenaire de haute naissance, prêt aux pires manœuvres pour arriver à ses fins, l’autre, un orphelin devenu truand qui a fraudé pour étudier à la Sorbonne et s’est fait une vie en Angleterre sous un faux nom… Laissez-moi réfléchir… J’aime les deux, c’est certain. Cependant le Bâtard de Kosigan incarne un personnage dont j’aurais aimé jouer le rôle, tandis que Kergaël est plus proche de l’homme que je suis dans la réalité (pas truand, hein, professeur d’Histoire ☺).

"Pour envisager la place des femmes dans la société, il faut se pencher sur le temps long de l’histoire."


Actusf : Les femmes ont une place importante dans les aventures du Bâtard et toutes sont des femmes fortes, que ce soit Dùn ou les sorcières Willie et Laura Stein. Etait-ce possible à l’époque ou avez-vous arrangé la réalité pour les besoins de l’intrigue ?
Fabien Cerutti : Pour envisager la place des femmes dans la société, il faut se pencher sur le temps long de l’histoire. Pendant des millénaires, le droit du plus fort a primé, la police n’existait pas (ou quasiment pas) et la justice était fragile et rarement équitable. On considère souvent les hommes comme dominants en ces temps lointains mais il n’est pas impossible que les femmes se soient tout simplement servies d’eux pour les protéger physiquement et endosser les fonctions guerrières les plus dangereuses.
Il est vrai que légalement (héritage du droit romain), elles sont considérées comme « éternellement mineures «  (à savoir, dépendante de la volonté de leurs père puis de leur mari), mais il faut différencier apparences et réalités. Dans le cadre du couple et de la famille, leur pouvoir décisionnaire prévaut dans la plupart des cas et elles ont généralement la haute main sur le fonctionnement domestique. Les hommes font les fanfarons à l’extérieur mais une fois rentré dans leurs pénates la situation est différente. Quant à la capacité des femmes à occuper des fonctions jugées plus masculines, on connaît un certain nombre de cas qui prouvent que ce n’était pas impossible, loin de là : l’année dernière, les os d’un chef de guerre Vikings se sont avérés être ceux d’une femme ; on connaît par ailleurs l’exemple des reines mérovingiennes Brunehilde et Frédégonde, les reines veuves ou régentes du haut Moyen âge (Adélaïde d’Aquitaine, Blanche de Castille), d’autres encore : Eléonore d’Aragon qui gouvernait pendant que son mari jouait aux cartes et Isabelle la Catholique qui menait les armées au combat ; quant aux chevalières et aux combattantes, Richilde de Hainaut, Anne Comnène, Jeanne d’Arc, Jeanne d’Armoise, Marguerite de Valois ou Jeanne Hachette en sont quelques exemples.
Bien sûr les sorcières ont une place à part, rebouteuses ou veuves solitaires, mais au Moyen-âge, les arts magiques et alchimiques sont considérés comme mixtes. Il faut attendre la fin du XV° siècle pour qu’ils soient vus plus spécifiquement comme féminins. Etrange, n’est-ce pas ? Y aurait-il à cela une raison qu’on nous cache ?
En tout cas, dans le Bâtard de Kosigan, je ne déborde pas tellement de la réalité, ou disons d’une « réalité potentielle », et le troisième tome souligne en filigrane ce « pouvoir réel » que possèdent les femmes dans la société de leur temps.

"Je jalouse honteusement ceux qui établissent un schéma détaillé et réussissent à s’y tenir."


Actusf : Lorsque vous écrivez, vous avez toujours un plan ou laissez-vous votre plume vous guider ?
Fabien Cerutti : J’ai toujours un plan, malheureusement il consiste en général à laisser ma plume me guider…
Je jalouse honteusement ceux qui établissent un schéma détaillé et réussissent à s’y tenir. Cela doit aboutir à un appréciable gain de temps. En effet, tâtonner, essayer quelque chose, revenir en arrière, retravailler, apporter des retouches, relire cent fois chaque passage et tester différentes possibilités se révèle d’une longueur et d’une pesanteur sans nom. Malgré cela, à chaque fois que je m’essaie à  la planification j’échoue lamentablement dès la première demie page. Mon imagination me souffle sans arrêt des péripéties nouvelles, elle introduit des personnages que je n’avais pas prévu ou suggère des dialogues ou des actions qui me prennent au dépourvu et ne correspondent presque jamais à ce que j’avais initialement envisagé. Globalement, je prévois le début, la fin et quelques idées de passages qui me paraissent intéressantes, mais de manière floue, générale et sans aucun détail ; ensuite, je laisse l’histoire se construire et vagabonder au fur et à mesure de mon écriture, avec tout de même un mot d’ordre : rester fluide et éviter le style contemplatif.


Actusf : Quels sont vos projets actuels et futurs ?
Fabien Cerutti : Multiples, variés et excessivement flous. Un ou deux jeux de plateau, la suite des aventures du Bâtard (un second cycle uniquement médiéval), des nouvelles, une BD (le retour au point de départ), une traduction anglaise etc. Je suis conscient qu’il ne faudra pas me disperser et choisir l’ordre de mes priorités, mais pour l’instant, après un marathon de 5 ans d’écriture effrénée, je vais juste prendre un repos bien mérité !


Actusf : Quelles sont vos prochaines dates de dédicaces ? Où peut-on vous rencontrer ?
Fabien Cerutti : Aux Imaginales, du 23 au 27 mai (oui, mes Imaginales à moi commencent plus tôt que celles de la plupart des gens car je participe le mercredi à un colloque intitulé « Histoire et fantasy », en compagnie d’Estelle Faye, de Johan Heliot, de Jean-Laurent Del Socorro et de Jean-Philippe Jaworski).
Pour le reste, je devrais être chez Decitre à Grenoble,  en soirée, le 9 juin avec l’ami Stefan Platteau. Il se profile aussi quelque chose chez Mollat à Bordeaux, mais la date n’est pas encore fixée.
Et puis il y a bien sûr cette grande soirée qui se prépare à la Librairie La Dimension Fantastique, sur Paris, pour fêter dignement la fin du premier cycle du Bâtard de Kosigan. C’est top secret pour l’instant mais comme vous m’êtes sympathiques, je vous mets dans la confidence…

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