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Genesis

Laeticia Devaux (Traducteur), Bernard Beckett ( Auteur), Gray318 (Illustrateur de couverture)
Langue d'origine : Anglais UK
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 30/09/2010  -  jeunesse
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Genesis

Fort de ses expériences pédagogiques en mathématiques, anglais et littérature dramatique dans plusieurs établissements secondaires de la région de Wellington en Nouvelle-Zélande, Bernard Beckett prolonge son enseignement dans des romans, des pièces de théâtre et des scénarios de film. Privilégiant une approche SF, qui lui permet d’aborder d’autres mondes, d’autres manières de penser (comme dans The end of the world as we know it, une pièce de 2003), il ne se contente jamais de raconter des histoires, il invite toujours son public adolescent à une réflexion sur la société, le langage, les technologies ou le futur.

Genesis est sans doute son œuvre la plus connue et la plus originale. Elle mêle idéal grec, société post-apocalyptique, évolution humaine dans un contexte universitaire où le personnage principal noue une relation privilégiée avec son mentor. Un livre qui donne à réfléchir et qui appelle à se méfier des apparences. 

Bien qu’il  ait reçu trois prix Littérature Jeunesse en Nouvelle-Zélande, Genesis est le seul de ses sept romans à avoir été traduit en français.

La Genèse : Adam, Eve et Art

Anax entre dans un long couloir avant sa confrontation avec les trois membres du jury. « Vous disposez de cinq heures pour traiter votre sujet, la vie et l’œuvre d’Adam Forde 2058-2077. Adam Forde est né sept ans après l’instauration de la République de Platon. Pouvez-vous, s’il vous plaît, nous expliquer les circonstances politiques qui ont conduit à la formation de cette République ? ». Anax s’exécute. L’examen se poursuit dans les conditions prévues par son tuteur, Périclès, qui l’avait repérée quelques années plus tôt. Son mentor lui avait rapidement suggéré d’entrer à l’Académie, l’élite de la société idéale prônée par Platon. 

Lors de ce long entretien, Anax expose la création de la République maritime suite à la troisième guerre mondiale et à la diffusion d’un virus à travers le monde. Cette République fermée, qui détruit tous ceux qui tentent d’entrer sur son territoire, a réalisé l’utopie platonicienne. Anax en décrit l’avènement et aborde ensuite son sujet de prédilection : Adam Forde. Elle raconte comment un rebelle, porté sur les femmes, a fait en sorte qu’une fugitive, Eve, puisse être recueillie au sein de la République et comment il fut confronté avec Art aux balbutiements de l’intelligence androïde. A ses dépens.

Notre histoire est toujours racontée par nos descendants

Ce petit livre est intéressant à plusieurs égards. Il décrit le fonctionnement d’une société qui applique à la lettre l’utopie des deux Platon, antique et moderne. Une République  noocratique (dont le savoir est le premier critère du pouvoir) et aristocratique (au sens du pouvoir des meilleurs). Il la décrit du point de vue d’une étudiante, qui raconte l’histoire officielle, tout en s’autorisant quelques libertés d’interprétation. Nous sommes donc confrontés au passé, restitué oralement et reconstitué par Anax à travers ses propres hologrammes animés, et au présent, stimulé par ses analyses et les réactions de ses examinateurs. 

Peu de descriptions. Les scènes sont vécues en caméra subjective. En bon auteur dramatique, Bernard Beckett (au nom prédestiné) utilise adroitement l’examen oral pour dévoiler le contexte historique (futuriste). Ce sont les dialogues qui fixent le contexte, les sentiments et la vérité historique. Pour prolonger les conversations et rendre le récit plus vivant, l’auteur utilise également des enregistrements ou des reconstitutions 3D virtuelles d’entretien, représentant Adam et son collègue de mirador, Adam et Eve, Adam et Art.

Peu enclin à s’étendre sur Eve, Bernard Beckett ne voit pas en la femme l’avenir de l’homme. L’avenir d’Adam, ce n’est ni Caïn, ni Abel, ce serait plutôt Art (la création de l’homme).

Contrairement à ce qu’on peut lire des commentaires sur la première édition (2009), il s’agit moins d’un livre sur l’intelligence artificielle et les frontières de l’intelligence humaine que d’un livre de SF sur l’histoire et la liberté de pensée. La référence à Douglas Hofstader, un expert en intelligence artificielle, « L’âme est-elle davantage que le bruit que font ses différentes particules ? » est trompeuse. De longs passages du livre sont certes consacrés à une compétition verbale entre l’humain Adam et la machine Art pour savoir qui est le plus intelligent des deux. Mais, s’ils sont intéressants et de bonne tenue, ce ne sont pas les passages les plus réussis et les plus originaux du livre.

Le véritable intérêt du récit est dans la liberté donnée à Anax d’interpréter l’histoire et dans la liberté que se donne Adam de ne pas respecter les règles d’une société totalitaire et inégalitaire. L’enjeu du livre, c’est de savoir si, au présent, ces libertés ont le droit ou non de s’exprimer. Au passage, le livre est clair sur le rôle de manipulation mentale et d’éducation idéologique que peut exercer parfois l’enseignement.

Mais le récit vaut aussi par le renversement de situation opéré lentement mais régulièrement autour du personnage d’Adam, sur le statut réel du personnage principal.  A travers Adam, c’est la situation d’Anax qui bascule. Et plus son intérêt pour Adam se confirme, plus la  vérité se dévoile et plus le destin d’Anax se scelle. On n’en dira pas plus, mais cette histoire en miroir vaut le détour.

La conclusion, brillante, est moins surprenante qu’habile et donne au roman tout son sens.

A conseiller aux ados et à lire en adulte comme une bonne longue nouvelle de SF.

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