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Go Ganymède !

Langue d'origine : Français
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 05/01/2011  -  livre
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Go Ganymède !

Antoine Bello, né à Boston en 1970, est l’arrière-petit-neveu de Marcel Aymé. Parallèlement à sa carrière de chef d’entreprise, il publie en 1996 un recueil de nouvelles aux éditions Gallimard, Les funambules, suivi d’un premier roman policier en 1998, Eloge de la pièce manquante, puis un second roman en 2007, Les falsificateurs et sa suite en 2009, Les éclaireurs. Son dernier livre en date, paru en 2010, Enquête sur la disparition d’Emilie Brunet, raconte les aventures d’un détective amnésique.

Go Ganymède !, qui paraît dans la collection « Folio 2 € », est une nouvelle tirée du recueil Les funambules, qui a reçu le prix de la Vocation Marcel Bleustein-Blanchet.

Aller simple pour Jupiter

2058 : Jim Mute, astronaute américain, est envoyé vers Jupiter pour étudier la planète et découvrir ses ressources potentielles. Il part seul, sans espoir de retour, mis à part une éventuelle seconde mission qui pourrait venir le récupérer une dizaine d’années plus tard…

Un point de vue extérieur

La mission a pour nom Ganymède 25, du nom du plus grand satellite de Jupiter. Après un voyage de deux ans, le vaisseau demeurera en orbite autour de la planète pour transmettre les informations récoltées à la Terre. L’astronaute va vivre totalement seul dans une capsule de 26m2, avec pour unique lien avec l’humanité la radio qui lui permet de communiquer avec la Terre. Une fois arrivé jusqu’à Jupiter, il ne pourra revenir sur Terre, mais simplement attendre dans sa capsule l’hypothétique venue, dix ans plus tard, d’un autre vaisseau.
La nouvelle s’écoule des années 2058 à 2062, pendant lesquelles on suit plus ou moins le parcours de Jim Mute, à travers les informations partielles délivrées principalement par les membres de l’association dédiée à la mission, « Go Ganymède ! »
Le récit n’est jamais raconté à la première personne, mais toujours retranscrit par un autre biais : lettres de l’association, interview de son président, analyses de la situation par des psychologues et sociologues, extrait du discours du président des Etats-Unis, articles de presse… tout un chacun commente l’événement, sauf Jim Mute, emmuré dans son silence. Le lecteur reste en position de spectateur, n’en sait pas plus que les intervenants et n’en saura jamais plus. La fréquente omniscience accordée au lecteur n’a pas lieu d’être ici. Cette approche permet ainsi de mettre en scène l’image et l’impact de l’aventure telle que perçue et relatée par les médias et le public.

Sacrifice du héros

Jim Mute, un veuf solitaire, a été choisi parce qu’il est sans attache, poursuivant implacablement son but depuis son plus jeune âge, devenir astronaute. Figure du héros lisse et parfait – à tel point qu’il en devient inquiétant et inhumain –, il sacrifie sa vie sans hésiter. Dans ces conditions, comment ne pas devenir fou ? Antoine Bello s’interroge sur cet « homme fonctionnel », semblable à une machine, dont la santé mentale et la vie importent peu comparé à la valeur de la mission elle-même, dans une logique de coûts des plus rentables. Jim Mute, qui n’est d’ailleurs jamais appelé par son prénom, mais toujours présenté comme l’entité « Jim Mute », un symbole plus qu’une personne, n’est qu’un rouage de la grande machinerie.
Les différents petits chapitres nous présentent le cynisme des politiques et des autorités, leur hypocrisie, l’admiration du public pour le sacrifice accompli, les interprétations des psychologues analysant la situation. Un objectif à atteindre vaut-il le sacrifice d’un individu ? Qu’est-ce qui fait de nous un membre de l’espèce humaine, qui nous lie au reste de l’humanité ? Comment supporter ce détachement ultime, cette solitude extrême ? Antoine Bello n’apporte aucune réponse, mais seulement quelques interrogations.
Les meilleurs passages de la nouvelle sont ceux reproduisant les lettres attribuées à un lycéen, membre de l’association « Go, Ganymède ! », qui imagine et romance les aventures de Jim Mute, puisque les impressions de ce dernier nous sont inconnues. Ces beaux passages sur le silence de l’espace – qui menace d’anéantir l’esprit d’un être vivant pour le réduire lui-même au silence – sont empreints de mélancolie et de rêverie.

Un extrait bien choisi

Cette unique nouvelle donne envie de lire l’ensemble des textes du recueil, et ce petit ouvrage remplit donc son office, même s’il laisse un peu le lecteur sur sa faim, cette nouvelle sans réel dénouement ne devant que représenter un tableau parmi d’autres. Plutôt dans le ressenti que dans la narration, ce texte mériterait d’être resitué dans le contexte général du volume au complet. Mai si l’on se fie à cette simple nouvelle, Antoine Bello semble aussi doué pour ce format court que l’était son arrière-grand-oncle.

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