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Gradisil

Adam Roberts ( Auteur), Elisabeth Vonarburg (Traducteur), Masterfile (Illustrateur de couverture)
Langue d'origine : Anglais UK
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 30/04/2010  -  livre
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Gradisil

Adam Roberts est un auteur anglais, qui vit à Londres et y exerce le métier de professeur de littérature, spécialiste du XIXe siècle, à la Royal Holloway University of London. Il a déjà écrit de nombreux ouvrages : romans de science-fiction (Salt, Stone, On, Polystom, The Snow…), études et analyses sur la littérature victorienne et sur les littératures de l’imaginaire, et parodies (La Der des Etoiles, Va Dinci Coddah, Bingo le Posstit…).
Adam Roberts est principalement connu en France pour ses parodies, Gradisil étant pour le moment le seul de ses véritables romans à être traduit en français. Il a été nominé en 2007 pour le prix Arthur C. Clarke.

Une ville en orbite

En l’an 2059, quelques privilégiés ont pu, grâce aux technologies existantes et à la magnétosphère, construire quelques maisons dans l’espace, placées en orbite autour de la Terre. Non pas des vaisseaux spatiaux en stationnement orbital, mais bel et bien des demeures, habitats des plus rudimentaires. Les Hautes-Landes (« Upland » en anglais), comme on les appelle, ne constituent pas à proprement parler une nation, mais composent une collection d’individus solitaires en mal de liberté, alors que la planète étouffe sous les conflits larvés entre l’Europe et les Etats-Unis. Klara Gyeroffy et son père Miklos sont propriétaires d’une maison dans les Hautes-Landes. Ils acceptent de la louer à une Américaine, Kristin Jansen Kooistra, qui cherche à fuir les autorités terriennes. C’est le début des ennuis pour Klara et son père, et le déclenchement d’une suite d’événements qui vont peu à peu construire et donner sens à ce nouveau territoire hors du commun. Sur plusieurs générations, avec pour figure centrale la famille Gyeroffy, les Hautes-Landes vont devenir un enjeu politique majeur et entrer dans l’Histoire.

Un fort contexte géopolitique

Adam Roberts illustre, à travers cette fresque intergénérationnelle, la construction d’un système politique, les égos qui l’animent, le cynisme des dirigeants et le charisme indispensable aux leaders, à ceux qui motivent et guident les pas de leurs concitoyens. Il met en avant les enjeux géopolitiques de la guerre. Dans cette société très ambiguë qu’il met en scène, les différentes étapes de la guerre sont définies à l’avance dans leurs moindres détails, planifiées à l’heure près, tous les scénarios possibles imaginés. Une guerre « propre », un processus en toute légalité, qui suit un protocole établi, rigoureux et minutieux. Des nuées d’avocats engagés par les parties concernées, prêts à toutes les éventualités, décortiquent les textes et imaginent toutes les subtilités nécessaires afin de contourner les règles, et parer aux éventuelles plaintes légales des vaincus.
L’auteur met en place un univers où les Etats-Unis et l’Europe (Russie comprise) constituent les deux grandes puissances mondiales. On est en droit de se demander pourquoi il a choisi de ne pas prendre en compte le continent asiatique, qui serait pourtant logiquement attendu comme un des acteurs majeurs des décennies à venir. Peut-être est-ce là un réflexe occidental. Le reproche que l’on peut donc faire à Adam Roberts, est de nous présenter un ordre mondial qui ne semble être constitué que d’une partie des nations existantes, renvoyant les autres dans les limbes du non-dit, mis à part quelques allusions anecdotiques au Japon et à la Chine. Mais finalement peu importe, puisque le but est atteint, à savoir la description d’un monde bipolaire.

Trois générations de Hautes-Landais

Gradisil est avant tout un texte centré sur l’univers psychologique des personnages. Le titre du roman est d’ailleurs tout à fait parlant, puisqu’il s’agit du prénom du protagoniste central, la fille de Klara, dont les actes vont modifier la vie des Hautes-Landes. Le roman est divisé en trois grandes parties, qui correspondent à trois générations, et l’histoire nous est toujours contée du point de vue subjectif du narrateur. Le lecteur est happé par la psychologie du personnage, dans son univers personnel, et cela fonctionne très bien. La première partie est narrée par Klara elle-même, et tourne autour de son désir de vengeance. Elle nous raconte également les premiers pas des Hautes-Landes et de leur fonctionnement.
La seconde partie, la plus longue et élément central du récit, raconte donc l’histoire de Gradisil, qui va diriger les Hautes-Landais, les pousser dans leurs derniers retranchements, et finalement les conduire à se constituer en tant que concitoyens d'une même nation. Le but, l’obsession même de Gradisil, ce sont les Hautes-Landes, mais au fond cet idéal cache aussi des motivations profondément égoïstes, celles d’un individu qui aime être au centre de l’attention, qui désire être aimé, regardé, admiré. Gradisil, à aucun moment, ne devient narratrice. Deux personnages se partagent le récit : Paul, le mari dévoué de cette dernière, au caractère plus effacé et le lieutenant américain Slater, qui va diriger les opérations guerrières. Deux individus évoluant dans les deux camps opposés, pour une vision globale des enjeux en cours, un point de vue plus nuancé, et surtout un recul certain vis-à-vis de Gradisil, qui permet de mieux cerner le personnage que si elle était elle-même la narratrice : un très bon choix de la part de l’auteur. Slater et Paul sont tous les deux vulnérables à leur façon, et donc très humains.
Hope, un des deux fils de Gradisil, est le narrateur de la troisième partie. Ce dernier volet du roman est un peu superflu, et laisse une impression de frustration, comme un texte inachevé. On aurait préféré que l’auteur choisisse de s’arrêter à la fin de la seconde partie, dans un crescendo final qui aurait parfaitement clos le récit. En effet, cette troisième partie et conclusion retombe un peu comme un soufflet, et ne fait que rajouter un récit sans grand intérêt. Mais l’équilibre demandé par les constructions classiques, souvent en trois parties, a sans doute amené Adam Roberts à prolonger son texte, pour un dénouement à l’image des tragédies grecques.

À la conquête de l’espace

Gradisil rend hommage à tous les pionniers, aux conquêtes les plus folles, aux visionnaires qui ont persévéré pour réaliser leurs rêves, malgré les difficultés rencontrées. Ce roman met aussi en perspective le revers de la médaille, les sacrifices que cela implique, et les motivations parfois très égoïstes qui peuvent mener les Hommes à se surpasser. La manière dont Adam Roberts s’appuie sur le caractère de ses personnages leur apporte une dimension tout à fait réaliste, et implique le lecteur dans les événements. Peu importe si le contexte politique et scientifique paraît un peu tiré par les cheveux, on a envie d’y croire, et c’est là l’essentiel.

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