- le  

Héraclès

Joann Sfar (Scénariste), Audré Jardel (Coloriste), Christophe Blain (Dessinateur)
Cycle/Série : 
Langue d'origine : Français
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 31/01/2002  -  bd
voir l'oeuvre
Commenter

Héraclès

Sfar n'est plus à présenter tant son oeuvre commence à être volumineuse et sa renommée ne cesse de grandir notamment grâce à la diversité de ses créations. Il s'adresse avec la même facilité semble-t-il aux adultes et aux enfants. Par exemple, Petit Vampire s'adresse à un public jeune alors que la série Troll à laquelle ont aussi collaboré Morvan et Boiscommun est destinée à un lectorat plus âgé. Blain quant à lui a été primé au Festival d'Angoulême pour le premier tome d'Isaac le Pirate. Son dessin ressemble par certains aspects à celui de Sfar. Leur style est loin de toutes conventions. Exit les détails superflus. Le crayonné donne une nouvelle dimension aux ombres et le dessin de Blain surtout est comme flou par instant. Les femmes qui naissent sous leur crayons se ressemblent étrangement et ils paraissent partager le même amour des tâches de rousseurs.

L'équivalent canin d'un demi-dieu


Héraclès est le premier tome de Socrate le Demi-Chien. Socrate est un demi chien puisqu'il est le fils du chien de Zeus et il accompagne son maître Héraclès qui lui est un demi dieu puisqu'il est le fils de Zeus. Mais contrairement aux autres chiens, il a hérité de son origine divine le don de la parole. Chien très intelligent, ce n'est pas pour rien qu'il se nomme Socrate. Il tente désespérément d'établir un "dialogue", au sens le plus platonicien du terme, avec son maître, mais ce dernier est un barbare sans cervelle. Héraclès est le symbole même du héros poussé jusqu'à la caricature. Il se bat contre tout ce qui passe hommes, bêtes ou créatures féroces issues de la mythologie grecque, clin d'œil à ses douze travaux. Socrate, lui, commente tous les faits et gestes de son maître et plus largement encore le comportement humain. C'est ainsi qu'il discourt sur l'amour, les femmes principalement et qu'il analyse son maître dans ses relations avec les autres.

Ce n'est donc pas une histoire classique avec un début, un milieu et une fin ponctuée de péripéties, qui est donnée à lire ici mais une suite de petites réflexions illustrées. Le découpage de la BD est très clair, très structuré, on y apprécie le génie de la mise en page de nos deux auteurs. Chaque planche contient en six cases une anecdote, une petite histoire avec ses effets de clôture. Toute attaque de la planche est une phrase qui trouvera sa résolution à la dernière case. Les planches débutent quasiment toutes par la phrase "Mon maître" et immanquablement à leur fin on aboutit à une distorsion entre la pensée et les idées de Socrate et la réaction effective d'Héraclès plus proche de la brutalité animale. Il faut noter aussi que les couleurs créent une unité, chaque planche ayant un ton spécifique. La coloriste Audré Jardel utilise toutes les ressources de sa palette.

Il est aussi intéressant de remarquer que bien que Socrate prône le dialogue, celui-ci est presque inexistant. c'est le discours du narrateur, qui est Socrate lui-même, en "voix-off", si on peut se permettre une telle expression pour une parole figée, qui commente les actions en haut de la case. Les bulles sont donc essentielles lorsqu'elles apparaissent au détour d'une page. Elles revêtent le caractère réel du dialogue où ce n'est plus Socrate qui nous apprend quelque chose mais lui-même qui comprend. Ainsi, le système de maïeutique se retourne contre lui et se sont les femmes avec qui il converse qui en fin de compte lui apportent leur savoir.

Un BD qui donne à réfléchir

Pour conclure, disons seulement que cette BD va plus loin que l'on peut penser au premier abord. Donner la parole à un chien, c'est une manière nouvelle de réfléchir sur de grandes questions inhérentes à la nature humaine : l'Amour, la Fidélité, la Liberté... Sfar nourrit de sa langue riche et poétique et souvent si drôle par son ironie douce-amère le dessin de Blain. Socrate, tout comme le Chat du Rabbin, est un chien ne ressemblant physiquement à aucun autre de par sa couleur orangée et son museau à la taille disproportionnée. Une BD qui, si elle ne prétend pas rendre plus intelligent son lecteur, donne néanmoins matière à réflexion et provoque l'agréable sensation que finalement la philo ce n'est pas si compliquée lorsque c'est un chien qui nous l'enseigne.

Genres / Mots-clés

Partager cet article

Qu'en pensez-vous ?