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Histoires de dinosaures

Ray Bradbury ( Auteur), Pierre-Paul Durastanti (Traducteur), Kenneth Smith (Illustrateur interne), William Stout (Illustrateur interne), Overton Loyd (Illustrateur interne), Gahan Wilson (Illustrateur interne), David Wiesner (Illustrateur interne), Moebius (Illustrateur de couverture, Illustrateur interne), Steranko (Illustrateur interne)
Langue d'origine : Anglais UK
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 31/12/2003  -  jeunesse
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Histoires de dinosaures

Le Monde perdu de Conan Doyle n'a pas seulement inspiré Michael Crichton. Sa première adaptation cinématographique date en réalité de 1925. A cette époque, le jeune Ray Bradbury n'a pas encore douze ans, et cette vision va agir comme un révélateur pour ce gamin amené à devenir une des figures marquantes de la science-fiction et du fantastique du siècle dernier (Fahrenheit 451, Les Chroniques martiennes). Voici réunies six Histoires de dinosaures, écrites entre 1950 et 1980 et publiées pour la première fois dans la langue de Molière, agrémentées des performances graphiques de six 'brontosaures' de l'illustration.

Et si?

Les six nouvelles de ce recueil ont toute l'ambition de répondre à cette question. Les titres de ces histoires sont tout à fait savoureux. Et à part dinosaure, qu'est-ce que tu veux faire quand tu seras grand ? entame le volume par son côté le plus enfantin: un môme, fanatique de dinosaures et auréolé du pouvoir des rêves, peut-il se transformer en un tel monstre fantasmatique? Tyrannosaurus rex se veut plutôt un hommage aux animations image par image des 'vieux films', de l'ère pré-numérique, mettant en scène des dinosaures déjà plus vrais que nature.

Mes préférences vont à Un bruit de tonnerre et à La corne de brume. La première nouvelle forme la seule nouvelle franchement orientée science-fiction de ce recueil, dans laquelle des chasseurs d'un futur pas très lointain font la démonstration de l'étendue de leur cervelle en retournant au crétacé shooter des dinosaures. Sauf que, malgré les précautions prises, on n'est jamais à l'abri d'un paradoxe espace-temps. Dans La corne de brume, Bradbury cède autant au fantastique qu'à la poésie avec une virtutosité qui est sans doute sa véritable marque de fabrique: imaginez un phare dont le corne de brume attirerait chaque année, depuis les profondeurs de l'océan, un monstre marin issu d'une ère révolue...

Enfin, Visez-moi ces gros balourds de dinosaures et Et si je vous disais que le dinosaure n'est pas mort constituent des poèmes plutôt que des nouvelles à proprement parler. Et malgré la dextérité du traducteur, on ne goûtera sans doute qu'à moitié le plaisir de ces poèmes fantastiques.

Un poète en ère Tertiaire

La lecture de ces Histoires de dinosaures a éveillé en moi des sentiments contraires: le plaisir d'abord, plaisir d'adulte qui goûte au charme un peu désuet d'un fantastique tout empreint de surréalisme et d'une poésie non dissimulée ; le scepticisme ensuite, le scepticisme du lecteur étourdi qui s'attendait sans doute à lire des histoires de dinosaures plutôt que des histoires d'humains en quête de dinosaures ou des poèmes sur les dinosaures. Bien sûr, l'amateur de Bradbury y retrouvera la patte de l'auteur, mais je doute fort que le public à qui ce recueil est destiné (sans lui faire offense) goûte même ce plaisir là.

Recueil poétique donc avant d'être une oeuvre fantastique ou de science-fiction, ce très beau livre (les illustrations sont elles aussi splendides et magnifiquement désuètes), édité en grand format chez Gallimard jeunesse, encourt deux risques complémentaires : celui de ne pas trouver son public, dans un monde envahi par les représentations 3D assoiffées de chair fraîche des dinos de Spielberg et consors et peu enclin à se tourner vers le charme rétro de ce recueil, ou celui de décevoir le public d'âge jeune à qui ce livre est dédié et qui attend sans doute autre chose de ces Histoires de dinosaures.

Mais pour éviter le travers pessimiste de ceux qui ont oublié que la jeunesse a souvent le privilège de ne pas répondre aux classes si bien délimitées qu'édictent les adultes, je terminerai sur cette remarque: Bradbury est un étrange ovni dans le monde du fantastique et de la science-fiction, une pure représentation du vingtième siècle avec ses charmes et ses travers, que ce recueil nous donne à caresser, plutôt que l'échine des dinosaures, lent véhicule d'un surréalisme au charme fou. Une oeuvre anecdotique dans le paysage littéraire, et qui profitera sans doute subtilement de ce statut.

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