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Hollywood Blues

Laurent Queyssi (Traducteur), Kim Newman ( Auteur), Stéphane Belin (Illustrateur de couverture)
Langue d'origine : Anglais UK
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 31/03/2006  -  livre
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Hollywood Blues

« Il y a huit millions d’histoires dans la Ville. Le truc, c’est de s’en tenir à la sienne et de ne pas se laisser distraire. »

Temps : Le futur dans un monde passé imaginaire. Les films plats y ont cédé leur place à des œuvres en trois dimensions : les Rêves. Leurs utilisateurs peuvent ainsi vivre les films en chair et en os grâce à la réalité virtuelle qui sous-tend le monde des Rêves. Cet univers virtuel est protégé par Yggdrasil, l’Intelligence Artificielle qui administre cette société future.

Lieu : Le Rêve de Truro Daine, un très vilain bad guy, qui a réussi à pénétrer le système des Rêves et qui tente d’y instaurer sa loi. Son Rêve prend la forme de la Ville, où convergent tous les clichés du cinéma noir de l’âge d’or hollywoodien.

Les deux héros : Tom Tunney, un Rêveur (Réalisateur) spécialisé en films noirs, et Susan Bishopric, une des meilleures Rêveuses du moment. Ils sont envoyés dans le Rêve de Truro Daine pour lui faire la peau.

Ressort(s) dramatique(s) : Tom et Susan réussiront-ils à dépasser leur statut de personnages de fiction propulsés dans un Rêve incontrôlable ? Parviendront-ils à contrer le plan machiavélique de Truro Daine ? Échapperont-ils à Godzilla, au loup-garou et à Laurel et à Hardy ? S’aimeront-ils dans ce monde si cruel ?

Hollywood blues* est le premier roman de Kim Newman. Cet auteur britannique, nanti d’une solide notoriété - tendance hype - a été très peu traduit en France. Les seuls romans disponibles sont les trois premiers tomes de son cycle Anno Dracula, parus chez J’ai Lu, qui jouissent d’une réputation correcte mais discrète. C’est tout sur une bibliographie contenant une vingtaine de romans. Et on aurait presque envie de dire et c’est tant mieux vu l’inintérêt de ce premier roman. Accordons à Newman le bénéfice du débutant pour ce roman immature et attendons les autres traductions de ses œuvres pour porter un jugement définitif.

Dans cette attente, le constat sur Hollywood Blues est vite établi. L’intrigue est ennuyeuse, poussive et s’enfonce dans le ridicule dès que Newman s’attarde sur les quelques éléments vestimentaires et décoratifs futuristes kitchouilles. Ce sens du grotesque touche son apogée quand Newman tente de décrire les actions de son IA : « Yggdrasil passa trois secondes, un temps extrêmement long, à faire une projection. En gardant la même vitesse de croissance, les données rempliraient leur fichier en trois jours puis feraient une brèche dans les paramètres… ». Je vous passe le reste du chapitre, rempli de ringardises pré-asimoviennes.

Le principe des Rêves n’est jamais approfondi, ni dans son fonctionnement, ni dans son implication sociale. Newman ne fait qu’étaler une culture superficielle en alignant référence après référence et ce sans jamais exprimer une moindre opinion ou amorcer la plus minime réflexion sur son sujet. Il accumule donc, avec une auto-suffisance lourdaude, tous les poncifs qu’il a emmagasinés sur le cinéma des années 30-60 pour en bâtir ce monde symbolique. Cette Ville, par la nature superficielle de ses fondations, n’a aucune profondeur. Même punition pour l’intrigue, un vague polar soft boiled que Newman juge sans doute correspondre aux critères scénaristiques de l’époque. De par cette surabondance de clins d’œil, ce roman pourrait intéresser les nostalgiques de cette ère cinématographique révolue, mais qu’ils n’en attendent pas plus que ce qu’ils pourraient trouver dans un dictionnaire du cinéma.

À la rigueur, l’ensemble aurait pu passer, vu la démarche somme toute assez potache de Newman, si l’emballage était correct. Mais non. Le style est fade et les scènes d’actions sont d’une platitude terrifiante. La traduction empruntée de Laurent Queyssi, clairement pas à l’aise dans cet exercice, n’est pas là pour aider les choses. Voilà un extrait de la première page, censé planter l’ambiance de la Ville. À vous de juger du rythme…

« À quelques rues de là, au Kit Kat Club, Nat King Cole chantait. Je l’entendais derrière le chuintement continu de la pluie et le grésillement de l’eau sur les néons. Plus loin, quelqu’un cria. Trois coups de feu claquèrent en quelques secondes et le cri cessa. Une sirène vagit et recouvrit le ronronnement plaintif de Nat, interrompu au début du dernier couplet. D’autres coups de feu retentirent, plus nombreux cette fois, et une voiture dévala la route à toute allure, projetant l’eau du caniveau à quelques centimètres de mes chaussures. Je ne vis pas le conducteur, mais un motif intéressant d’impact de balles ornait le véhicule dont le pare-brise arrière, troué et blanc comme du sucre, s’effondrait. Une voiture de police, crissant tel Mario Lanza essayant d’atteindre une note trop haute pour lui, se lança à sa poursuite. Les bagnoles, liées par une histoire que je ne pouvais qu’imaginer, disparurent au coin de la rue. Leur bruit s’évanouit peu après. »

Il est conseillé à tout amoureux de cinéma de passer son chemin – sauf curiosité impulsive. À la place, celui-ci aura mieux à faire en (re)découvrant : 1. le méconnu L’arbre à rêves (1984) de James Morrow qui s’intéressait déjà au futur tri-dimensionnel du cinéma de manière plus déjantée et surtout plus pertinente. 2. les romans de K.W. Jeter qui rendent aussi hommage, à leur façon, au cinéma : Le marteau de verre, Madlands, et l’œuvre de SF définitive sur le cinéma noir, le roman de Jeter : Noir – roman où les yeux du héros ont été modifiés afin de substituer aux images réelles des images issues de films noirs.

 

« Vous voyez, c’est là que les dernières variations, notamment dans les films, ont mal tourné (…) Elles ont confondu les images, l’apparence d’un vieux chef d’œuvre de Billy Wilder, en croyant que c’était tout ce qui comptait (…) [elles n’avaient] pas la moindre idée de cette putain de notion, de ce que voulait dire l’essence, l’âme du noir. (…) L’apparence, toutes ces ténèbres et ces ombres, toutes ces rues banales trempées de pluie – ça n’était rien. Ça n’avait rien à voir. » [Noir, K.W. Jeter].

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