- le  
Imaginales 2019 - Le mot de Stéphanie Nicot
Commenter

Imaginales 2019 - Le mot de Stéphanie Nicot

A quelques jours des Imaginales 2019, découvrez ce que nous réserve cette nouvelle édition en compagnie de Stéphanie Nicot.

Actusf : Avant d’aborder l’édition 2019, un rapide bilan sur celle de 2018. Le festival ne cesse de grossir en fréquentation et en renommée.

"Le pari qu’a fait la Ville d’Épinal en 2002 – lancer un festival thématique autour des littératures de l’imaginaire, en particulier la fantasy – est totalement réussi !"

Stéphanie Nicot : Vous avez raison ! Avec plus de 40 000 visiteurs en 2018, une participation aux rencontres littéraires en augmentation de + 20% par an et des ventes de livres en augmentation de + de 80% ces quatre dernières années, sans parler de sa notoriété nationale et même internationale, les Imaginales ont pris place dans la galaxie des grands festivals littéraires français. Le pari qu’a fait la Ville d’Épinal en 2002 – lancer un festival thématique autour des littératures de l’imaginaire, en particulier la fantasy – est totalement réussi ! On le doit bien sûr à la qualité des auteurs et des artistes invités, aux multiples talents réunis (j’en profite pour saluer nos modérateurs et interprètes, qui sont épatants), mais aussi à une totale liberté de programmation, qui nous a permis d’innover et d’oser.

Actusf : Les Imaginales sont placées cette année sous le thème Natures. Est-ce pour mettre notamment en avant les préoccupations écologiques dans les littératures de l’imaginaire ?

Stéphanie Nicot : C’est avant tout pour célébrer « la beauté du monde » ! Évidemment, en regardant les plaines et les collines, les forêts et les marais, ou l’eau sous toutes ses formes – lacs, rivières, mers, océans –, on est aujourd’hui amenés à s’interroger sur la fragilité de la planète Terre et son écosystème menacé. Mais nous aborderons aussi ce thème par le biais de la « nature humaine », ou plutôt des changements qu’impliquent sur l’être humain une maîtrise technique exponentielle – sans que la réflexion éthique ne suive toujours le même rythme…

Actusf : Cette année Le Nord est à l’honneur. Un moyen de montrer que les littératures nordiques, si elles sont certes célèbres pour leurs polars, contiennent aussi un belle part de fantasy et de science-fiction, n’est-ce pas ?

"Ce qui a retardé le temps de la découverte, pour beaucoup de lecteurs d’imaginaire, c’est que les traductions ont essentiellement ont vu le jour dans des collections de littérature “blanche”, et ont systématiquement été présentées en France comme du mainstream."

Stéphanie Nicot : Nous avons en effet mis le cap au nord. Nous aurons cette année trois pays représentés : la Suède avec Anders Fager, la Finlande avec Johanna Sinisalo, et l’Islande avec Hildur Knutsdottir et Sigriour Hagalin Bjornsdöttir. Le polar nordique – tant en littérature que dans les séries télévisées –, s’est imposé mondialement comme un littérature de très grande qualité, alliant des spécificités locales à un vrai universalisme. Les littératures de l’imaginaire semblaient à l’écart de ce mouvement, mais en réalité, il n’en est rien. Ce qui a retardé le temps de la découverte, pour beaucoup de lecteurs d’imaginaire, c’est que les traductions ont essentiellement ont vu le jour dans des collections de littérature “blanche”, et ont systématiquement été présentées en France comme du mainstream. Johanna Sinasalo, notre invitée finlandaise, est pourtant présentée sur wikipedia, à juste titre, comme une autrice de SF et de fantasy, et elle a gagné de très nombreux prix de SF (Prometheus, Finlandia, James Tiptree Jr. et Atorox), tant pour ses nouvelles que pour ses romans. Mais ce qui était possible avec ses romans de fantasy urbaine ou d’anticipation à court terme ou n’est plus possible avec Le Reich de la Lune, novélisation du scénario du film éponyme. Toutes ces remarques sont d’ailleurs valables pour les trois autres invités nordiques.

Actusf : Nous allons découvrir quatre autrices et auteurs de ces pays. Qui sont-ils ? Certain(e)s viennent pour la première fois en France ?

Stéphanie Nicot : La réédition de La Reine en jaune, toute juste sortie de l’imprimerie (je l’ai reçue ce matin !), annonce la couleur en présentant Anders Fager comme « Le Lovecraft suédois sous acide ! » Un slogan simplifie toujours, bien sûr, mais ce n’est pas si mal trouvé. J’ajouterai que, d’ordinaire, les œuvres des épigones du maître américain sont un (voir plusieurs) cran en dessous, mais qu’ici, c’est une fantasy horrifique de haut vol, différente (en particulier dans l’écriture, très moderne), qui plonge ses racines dans la société suédoise. Johanna Sinisalo évoque elle aussi sa société et ses interrogations : féministe affirmée, elle utilise l’anticipation à court terme, ou une fantasy urbaine qui s’éloigne du réalisme à petites touches, pour bousculer les idées reçues. Nos deux invitées islandaises, Hildur Knutsdottir et Sigriour Hagalin Bjornsdöttir, traduisent toutes deux les inquiétudes, voire les angoisses, d’une île qui serait, en cas de catastrophe (une invasion extraterrestre dans le premier cas, un blocus mystérieux dans l’autre), menacée d’éradication quasi totale, ou d’un repli mortifère sur « les valeurs islandaises » (air connu dans nos pays aussi !). Pour dire vite : nos quatre invités donnent à lire les particularités de leurs pays respectifs, mais aussi des inquiétudes communes à beaucoup d’Européens. Ces écrivains talentueux et originaux sont déjà venus en France, mais dans des festivals accueillant des auteurs des pays du Nord, et pas, ou très rarement, dans des festivals d’imaginaire. Ce sont donc de très belles rencontres en perspective.

Actusf : C’est David Bry qui est votre coup de cœur cette année. Pouvez-vous nous le présenter, s’il vous plait ? Qu’est-ce qui vous a donné envie de le mettre en avant ?

"Charlotte Volper, directrice de la collection Imaginaire des éditions Pocket en parle magnifiquement dans la lettre qu’elle vient d’adresser aux critiques et libraires pour accompagner la réédition poche du roman : « J’espère que vous partagerez mon coup de cœur pour ce roman au charme indéniable, à la sombre – et pourtant parfois lumineuse – beauté. »."

Stéphanie Nicot : J’avais repéré David Bry dès 2009, lors de la sortie de sa trilogie d’Ervalon (Mnémos), récit de fantasy jeunesse très frais, plein d’un vrai bonheur de raconter, même si l’on sentait encore le jeune auteur. Ensuite, l’écrivain a publié quatre romans chez de petits éditeurs qui ont sans doute été moins exigeants qu’il ne l’aurait fallu, qui n’avaient pas les moyens de diffuser largement ses ouvrages, ni même d’envoyer des services de presse aux professionnels. Devenir écrivain n’est pas toujours un long fleuve tranquille, et le métier passe aussi par des choix, souvent difficiles quand on débute… Je ne sais si, avec le recul, David Bry sera d’accord avec mon analyse, mais il a fait du chemin, mûri son écriture et peaufiné ses thématiques. Alors, en 2018, quand Charlotte Bousquet m’a prévenue qu’elle allait publier – dans la collection jeunesse qu’elle dirige aux éditions Lynkx, Le Garçon et la Ville qui ne souriait plus, un roman jeunesse de très grande qualité signé… David Bry, j’ai sû que c’était le moment de mettre en valeur un beau parcours de romancier. Entre-temps, j’avais été très impressionnée par Que passe l’hiver (L’Homme sans nom), une magnifique fantasy nordique, à juste titre nominée en 2018 au Prix Imaginales. Charlotte Volper, directrice de la collection Imaginaire des éditions Pocket en parle magnifiquement dans la lettre qu’elle vient d’adresser aux critiques et libraires pour accompagner la réédition poche du roman : « J’espère que vous partagerez mon coup de cœur pour ce roman au charme indéniable, à la sombre – et pourtant parfois lumineuse – beauté. ». Je ne saurais mieux dire.

Actusf : Grzegorz Rosinski et Piotr Rosinski ont réalisé l’affiche de cette 18e édition. Quels seront les grands rendez-vous à ne pas rater avec ces deux auteurs ou autour de leurs œuvres ?

Stéphanie Nicot : Vous imaginez bien qu’avoir une affiche du papa de Thorgal est un vrai bonheur. Alors, nous saluons ce moment à sa juste valeur, avec trois expositions et trois rencontres littéraires. La Ville d’Épinal va donc pouvoir montrer trois expositions :

Rosiński Fantastique – de Jules Verne à Thorgal
C’est au Musée Départemental d’Art Ancien et Contemporain, du 15 mai au 30 juin 2019.

Thorgal, l’épopée en BD
C’est au jardin du Cours, du 23 au 26 mai, en partenariat avec « Historia ».

Thorgal et la Saga des Vikings
Comme vous le constaterez, on trouvait aussi des combattantes chez les Vikings (eh oui, de récentes découvertes archéologiques confirment désormais ce que les artistes avaient imaginé, en Bd ou dans la série télévisée Les vikings bien avant d’en avoir les preuves historiques).

L’occasion de réviser nos idées reçues sur les Vikings, grâce à Régis Boyer :
« on se trompe sur les vikings »

Et trois rendez-vous exceptionnels :
- le coup d’envoi du jeudi 26 mai, à 10h30.

- la rencontre sur Thorgal et les mythologies nordiques, vendredi 24 mai, à 15 heures.

- la carte blanche à Grzegorz Rosinki, samedi 25 mai, à 20h30.

Actusf : En parlant illustrations et bandes-dessinées, un nouveau prix fait son apparition : le Prix Imaginales de la BD. C’est l’aboutissement logique de la place grandissante du pôle BD dans la programmation ?

Stéphanie Nicot : Le cœur du festival a toujours été sa dimension littéraire forte, mais la BD (et l’illustration) est un art à part entière qui a toujours été dans l’ADN des Imaginales, et de la ville d’Épinal. Nous avions certes déjà reçu des Bdistes de haut vol (François Bourgeon, par exemple), mais nous n’avions pas jusqu’ici de forte programmation BD. Avec Stéphane Wieser – grand connaisseur de la BD, en particulier classique – nous avons estimé qu’il fallait passer un cap pour que le message soit perçu par les artistes et leurs éditeurs. En trois ans, nous sommes donc passés d’une dizaine d’illustrateurs et d’auteurs de BD à une trentaine d’invités, ce qui change totalement d’échelle. Et les choses se sont enchaînées : transformation de l’espace Cours en pôle BD / illustration, avec une libraire dédiée, présence de grandes signatures et de nouveaux talents, puis lancement du Prix Imaginales de la BD. Cette année, nous avons une très belle programmation qui doit beaucoup à Stéphane. C’est aussi une programmation très masculine, parce que la BD d’imaginaire – à la différence du roman, aujourd’hui largement féminisé – est encore un univers d’hommes. Comme nous avons une vocation grand public, nous nous devons d’avoir les stars actuelles de la BD… qui sont massivement des hommes. Mais quelques très belles signatures féminines sont apparues ces dernières années. Attendez-vous donc, dès l’année prochaine, à une forte présence de femmes, en BD aussi.

Actusf : L’aspect ludique de festival grandit lui aussi encore un peu plus avec une autre nouveauté : le pôle jeu de rôle. En quoi va-t-il consister ?

Stéphanie Nicot : Nous avons eu du jeu de rôle dès les débuts du festival, mais en mettant désormais en avant un véritable pôle, nous annonçons une présence accrue du jeu. Nous avions testé, en 2018, des soirées jeux de rôle : leur succès nous incite à proposer de telles soirées tout au long des Imaginales. En 2019, outre nos joueurs nationaux, nous aurons lors d’une soirée jeu la présence d’Anders Fager, invité suédois du festival, écrivain réputé (son dernier recueil traduit a été nominé au Prix Imaginales) et grand rôliste.

Actusf : Bulle du livre, rencontres, tables rondes, body painting, pôle imaginaire et histoire, pôle science-fiction, BD et illustrations, Bulle du jeu… Difficile de citer toutes les animations que proposera cette année encore le festival Pouvez-vous nous en citer quelques-unes qui vous semblent incontournables cette année selon vous ?

"J’insisterai néanmoins sur la présence forte des troupes de reconstitution historique, qui contribuent à renforcer l’aspect ludique et familial du festival."

Stéphanie Nicot : C’est la question impossible par excellence ! Car si ces pôles – IME, Histoire, Sciences, Jeux… – sont aux Imaginales, c’est parce que nous estimons qu’ils y ont toute leur place. J’insisterai néanmoins sur la présence forte des troupes de reconstitution historique, qui contribuent à renforcer l’aspect ludique et familial du festival. Et j’inciterai aussi nos festivaliers à s’intéresser à la programmation cinéma : depuis l’an dernier, les Imaginales bénéficient d’un partenariat avec le Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg, qui nous propose une soirée de cinq courts métrages sélectionnés par leurs soins. C’est une belle programmation, et en plus, c’est gratuit !

Actusf : La master class sur l'écriture animée par Lionel Davoust et Jean-Claude Dunyach sera au rendez-vous, ainsi que le speed dating entre des auteurs en devenir et des éditeurs. Avez-vous assuré un suivi de ces moments ? Est-ce des auteurs ont été publié suite à cela ? Les Imaginales affichent toujours leur vocation d’émergence aux jeunes auteurs en tout cas…

"[...] nous restons un festival attentif au repérage et à l’éclosion des nouveaux talents. Rendez-vous incontournable des lecteurs de fantasy, fantastique et SF, les Imaginales sont aussi devenues le grand rendez-vous annuel des professionnels de ces littératures."

Stéphanie Nicot : Nous avons en effet mis en place, il y a une dizaine d’années déjà, ces deux rendez-vous uniques en France, spécifiquement destinés aux auteurs non encore publiés pour le speed dating, et aux auteurs non publiés ou débutants désireux de se perfectionner pour la Master Class. Nous en avons eu d’excellents retours. Le festival n’a pas, jusqu’ici du moins, tenu de statistiques sur les écrivains publiés suite au speed dating, mais par les auteurs eux-mêmes ou leurs éditeurs, nous pouvons dire qu’une bonne dizaine d’écrivains ont trouvé un éditeur suite à leurs rencontres au speed dating, et qu’autant ont bénéficié de conseils qui ont facilité ensuite leur recherche d’un éditeur. Cette année, nous avons développé également d’autres initiatives en direction des professionnels : ces rendez-vous et ces débats sont fléchés dans le programme. Et nous continuons à inviter chaque année une dizaine d’auteurs de premier roman : si nous avons (un peu) réduit le nombre d’invités, nous restons un festival attentif au repérage et à l’éclosion des nouveaux talents. Rendez-vous incontournable des lecteurs de fantasy, fantastique et SF, les Imaginales sont aussi devenues le grand rendez-vous annuel des professionnels de ces littératures.

Actusf : Que nous réservent de leur côté les Imaginales maçonniques et ésotériques ?

Stéphanie Nicot : Outre leur présence au sein de la programmation des Imaginales (trois rendez-vous cette année, avec Christophe Habas, Jacques Ravenne, Laurence Vanin), douze rencontres IME auront lieu au Temple maçonnique, dont deux en binôme avec des écrivains de SF bien connus des amateurs des littératures de l’imaginaire, Xavier Mauméjean et Jean-Michel Truong. Et cette année, en alternance avec le colloque fantasy qui présentera les Actes du colloque de 2018 (aux éditions ActuSF !), les Imaginales maçonniques et ésotériques s’intéressent à l’imaginaire.

Actusf : Pouvez-vous nous révéler une des autres surprises que vous nous réservez pour cette édition 2019 ?

"Invité très attendu, S. T. Joshi présentera sa biographie de H. P. Lovecraft, Je suis Providence, qui vient d’être traduit en français (par les éditions ActuSF)."

Stéphanie Nicot : Allez voir les expositions, en particulier celles que nous consacrons au maître de la BD de fantasy historique, Grzegorz Rosinski. Je vous incite évidemment à vous pencher sur sur notre belle délégation anglo-saxonne. Maître de la fantasy épique, Peter V. Brett était déjà Épinal en 2011 ; il nous revient en 2019 auréolé d’une carrière américaine et internationale qui s’est depuis affirmée. Nouveau venu en France, où il réalise de très belles ventes, le Britannique Mark Henwick renforce notre volet fantasy urbaine. Invité très attendu, S. T. Joshi présentera sa biographie de H. P. Lovecraft, Je suis Providence, qui vient d’être traduit en français (par les éditions ActuSF). Un événement ! Précédé d’une flatteuse réputation, l’Américain Sam J. Miller nous arrive avec La cité de l’orque, un roman de science-fiction post-apocalyptique aussi original que réussi. Enfin, habitué du festival, Christopher Priest parlera de son dernier roman, Conséquences d’une disparition : c’est un regard de romancier d’exception sur les rapports complexes entre le réel et l’imaginaire engendrés par les mythologies nées du 11 septembre 2001. Il parlera aussi de son grand cycle, L’Archipel du rêve.

Enfin, cerise sur le gâteau, les cinémas Palace proposent deux séances exceptionnelles, samedi 25 mai, à 19h40 et 22h00, en VO sous-titrée, du film de Dome Karukoski, Tolkien (il sera en salle à partir du 19 juin). C’est une très belle avant-première française pour les Imaginales !

à lire aussi

Partager cet article

Qu'en pensez-vous ?