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Imaginales 2022 - Le mot de Stéphanie Nicot
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Imaginales 2022 - Le mot de Stéphanie Nicot

Le coup d'envoi de la 20ème édition des Imaginales aura lieu demain à Epinal. A cette occasion, Stéphanie Nicot, directrice artistique du festival, revient sur cette édition anniversaire.

Actusf : 20 ans ! Cette année, ce sera la 21ème édition. D'abord un petit mot sur cet anniversaire... Vous êtes la directrice artistique des Imaginales depuis le début. Quel regard portez-vous sur ces deux décennies ? Est-ce que le festival ressemble aujourd'hui à ce que vous aviez imaginé au départ ?

Stéphanie Nicot : Le succès du festival ne s’est jamais démenti, et la participation du public a toujours été croissante. J’ai d’ailleurs toujours pensé que nous allions réussir, mais je ne pouvais évidemment pas imaginer l’ampleur de ce succès, jusqu’à entrer dans le « Top 20 » des festivals littéraires français ! En 2003, 2ème édition du festival, nous avions à peu près 2000 participants payants,1 et pourtant j’avais réussi à faire venir à Épinal Robin Hobb, l’une des stars incontestées de la fantasy mondiale. Je craignais donc que, face aux limites d’une manifestions débutante, elle ne revienne pas, et là, miracle, elle me dit : « Je suis sûre que vous allez grandir chaque année. Et je suis prête à revenir ! » Elle a depuis tenu parole en venant nous voir tous les trois ou quatre ans. En fait, en grande professionnelle de l’imaginaire, elle avait tout de suite compris ce qui, dans la conception du festival – lieux magiques, entre site arboré et eau vive, invités accessibles, convivialité forte, collaborateurs géniaux,2 liberté de programmation… – tout ce qui allait faire le succès des Imaginales.

Actusf : Question difficile : si je devais vous demander de choisir, quels sont les deux-trois autrices dont la venue vous a le plus marquée ?

Stéphanie Nicot : Ce n’est pas une question difficile, c’est une question impossible ! Disons, outre Robin Hobb déjà citée, N. K. Jemisin (2011), Nnedi Okorafor (2018), ou, pour la jeune génération française, Floriane Soulas qui a décroché le Prix Imaginales des lycéens pour son premier roman (2019). En fait, de nos jours, on n’a que l’embarras du choix vu le nombre de femmes de talent dans la SF et la fantasy françaises ! Je songe à Isabelle Bauthian, Charlotte Bousquet, Estelle Faye, Pascaline Nolot, Émilie Querbalec, Estelle Vagner, Aurélie Wellenstein, et tant d’autres.

Actusf : Les Imaginales, c'est un festival aussi de l'ouverture, vers l'histoire, les thématiques très actuelles de l'édition et de la société, les premiers romans, des pays mis à l'honneur chaque année... “L'ouverture”, c'est ce qui vous semble le mieux définir le festival ?

Stéphanie Nicot : C’est en tout cas mon objectif, l’ouverture. Je tiens à être à l’écoute, qu’il s’agisse des nouvelles voies de l’imaginaire (d’où la place donnée chaque année aux premiers romans) ou des courants novateurs de la SF et de la fantasy.

Actusf : Parlez-nous un peu de cette édition 2022. Quelle est la thématique et qu'est-ce que vous avez envie de proposer aux visiteurs ?

Stéphanie Nicot : Ce qu’on appelle thématique est en réalité un focus, un éclairage qui fait, selon les années, 15 à à 20% de la programmation. Avec l’afrofuturisme, je sais que je bouscule les idées reçues, les ignorances et les préjugés, mais en Afrique et dans le monde anglo-saxon, ce sont des problématiques connues et récompensées par de nombreux prix. Je ne cèderai jamais sur les valeurs humaines et la volonté d’ouverture, même si c’est une prise de risques. Tant que je serai à la direction artistique des Imaginales, nous resterons un festival d’imaginaire généraliste, ouvert sur le monde et sur les diversités, et résolument tourné vers le grand public. C’est pourquoi je programme régulièrement des tables rondes ou des soirées sur la SF des années 60, comme Dune, ou la fantasy des années 50,3 comme Le Seigneur des anneaux, qui restent des best-sellers. Pour réussir les Imaginales, il faut donc trouver le bon équilibre entre les « marronniers », qui remplissent les Magic Mirrors, et les sujets plus actuels, plus « polémiques » diront certains. Si on a peur de son ombre, en littérature, on perd très rapidement le contact avec les nouvelles générations, et on finit par devenir un festival plan-plan.

Actusf : Quels seront les temps forts de cette nouvelle édition ?

Stéphanie Nicot : Le focus afrofuturiste, évidemment, avec le « coup de cœur » des Imaginales 2022, Michael Roch, et la venue de l’extraordinaire Rivers Solomon qui nous a, en plus, proposé une nouvelle inédite en français pour l’anthologie du festival.4 Quant à l’anthologie annuelle, elle va vous surprendre, vous étonner et vous enthousiasmer !

Actusf : Un petit mot sur le colloque mené par Anne Besson. Quel en sera le sujet ?

Stéphanie Nicot : La fantasy au prisme des médias. BD, jeux, cinéma, télévision, musique… : métamorphoses d’un genre et de ses usages. Et à l’issue du colloque, j’animerai la traditionnelle table ronde des auteurs, avec, en particulier, Victor Dixen qui évoquera les adaptations de Phobos, en BD et (bientôt ?) en série télévisée.

Actusf : Il y a toujours de chouettes soirées et spectacles. Qu'est-ce qu'on pourra voir le soir ?

Stéphanie Nicot : Je vous laisse le découvrir sur le site du festival, mais merci au directeur du Ciné Palace pour nous avoir obtenu une avant-première de Firestarter, nouvelle adaptation d’un roman de Stephen King. Ce sera une très belle soirée !

Actusf : C'est le retour “à la normale” après la période COVID. Est-ce qu'on va retrouver un festival dans sa configuration “d'avant” ou est-ce qu'il y aura quelques nouveautés ou ajustements ?

Stéphanie Nicot : Légalement, les obligations sanitaires ont quasi toutes disparues, du moins pour le moment, mais le Covid continue à circuler (j’ai moi-même été malade en avril). Je conseille donc aux invité•e•s et aux festivaliers une prudence de bon aloi (il n’y a pas de honte à porter un masque dans les transports et les lieux très fréquentés).

Actusf : Un petit mot de la fin avant le début des festivités ? Qu'est-ce qu'on peut vous souhaiter et souhaiter à toute l'équipe du festival pour cette année ?

Stéphanie Nicot : 20 ans, pour un festival, c’est le moment de réfléchir à l’avenir. Une chose est sûre ; le festival qui fête aujourd’hui son anniversaire, et dont j’ai rêvé très longtemps avant de pouvoir le concevoir, le co-construire (seuls les sociopathes peuvent croire réussir de grand projets seuls !) et le bâtir pour la Ville d’Épinal à partir de 2002, est une immense réussite. Je ne sais pas de quoi l’avenir sera fait, même si j’en ai une petite idée, mais j’espère qu’on n’oubliera pas de sitôt le chemin que nous avons arpenté ensemble. Ce festival dont j’assure la direction artistique depuis 20 ans, est une chose précieuse. Cette réussite, la Ville d’Épinal le doit aux auteurs et aux autrices qui viennent chaque année nous faire découvrir leurs livres, aux équipes incroyablement talentueuses que j’ai rassemblées depuis vingt ans, et que je salue avec amitié pour tout le travail accompli, et aux fonctionnaires de la Ville dont je tiens à remercier très chaleureusement l’engagement, pour ne pas dire le dévouement.

L’avenir sera ce que nous en ferons !

Jérôme Vincent

1. Le passage à la gratuité a été une excellente décision de la Ville.
2. N’oublions pas – même si l’équipe s’est renouvelée, diversifiée et élargie au cours des années – que nombre de modérateurs et d’interprètes des Imaginales fêtent avec moi les 20 ans du festival !
3. Même si le Hobbit date des années 30…
4. Merci à David Meulemans, son éditeur (Aux forges de Vulcain), et à son traducteur, Francis Guévremont.

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