Né en 1952, Clive Barker est ce que l'on peut appeler un auteur polyvalent : scénariste de films comme Hellraiser, Candyman ou encore Cabale, il est également novelliste avec les six volumes du Livre de Sang, écrivain jeunesse avec Voleur d'éternité et Abarat et, bien entendu, auteur pour adultes avec déjà de nombreux romans à son compte : Le Royaume des Devins, Sacrements, Secret Show ou encore Galilée. Clive Barker a su apporter sa touche d'innovation au genre fantastique et est devenu ainsi un auteur incontournable à l'imagination délirante et illimitée. Les éditions Fleuve noir ont décidé de rééditer un des romans les plus aboutis de cet écrivain britannique hors pair: Imajica.

Écrit en 1991 et couronné par le Prix Julia Verlanger et le Grand prix de l'imaginaire, ce roman est aujourd'hui édité en deux tomes. Il n'y a là aucune intention délibérée de l'auteur, mais juste une question d'épaisseur. Un roman de 1200 pages reste difficile à faire tenir en un seul volume, qui plus est lorsqu'il est édité en poche. Clive Barker précise d'ailleurs que la coupure a été réalisée de manière aléatoire en choisissant le milieu du roman. Ainsi, le premier tome ne peut se lire sans le deuxième et vice-versa.

"Nous sommes nés pour savoir tout ce qu'il nous est possible de savoir"

Charlie Estabrook ne supporte pas l'idée que Judith, sa femme soit partie. Plongé dans le chagrin, il décide de la faire assassiner. Pour cela, il engage un tueur plutôt étrange, au sexe et à l'apparence indéfinissables. Judith échappe de peu au meurtre sauvée par John Furie Zacharias, alias Gentle, son ex-petit ami. Ce peintre raté va déclencher alors un engrenage. À la recherche de ce tueur au nom étrange de Pie'oh'Pah, Gentle va découvrir que le monde ne s'arrête pas à notre Terre. Cinq Empires parallèles forment un univers : l'Imajica. Ainsi, John part à la découverte de ces empires et de sa propre identité...

"Tout ce qui n'est pas nous est également nous-mêmes"

Clive Barker nous propose ici un roman riche et déconcertant en brisant les normes du genre fantastique. Imajica nous entraîne dans les tribulations de Gentle et de Judith à travers plusieurs mondes loufoques, colorés et aux décors surprenants. La dimension du voyage et des mondes parallèles prend une part importante dans le roman et permet à l'auteur de peindre des scènes à la fois envoûtantes et malsaines. L'exemple flagrant reste les scènes de sexe où l'imagination de Clive Barker dépasse de loin le Kama-Sutra. D'ailleurs, la symbolique autour du sexe et de la relation entre l'homme et la femme est très présente dans ce roman - la tour du pivot du palais de l'Autarch est un phalus géant.

Imajica, c'est la rencontre de personnages excentriques, voire pernicieux pour certains. Ainsi, Gentle rencontre Pie'oh'pah, un être au sexe indéfini qui prend l'apparence du fantasme inassouvi de chacun. Quant aux protagonistes principaux, n'ayant pas de passé, ils sont troublés, mal dans leur peau et en quête d'éternelles réponses, ils courent vers un but précis, mais lequel ? Eux-mêmes ne le savent pas.

Dans cette fantaisie baroque, Clive Barker nous offre une intrigue impressionnante de complexité avec de nombreuses insinuations aux évangiles et à la religion chrétienne. Imajica, c'est aussi une fresque épique où se côtoient théories théologiques insolites, magie et démons, rencontres hors nature... Et ainsi, l'horreur rencontre la beauté, le mal se mêle au bien et le profane vient heurter de plein fouet le sacré. Imajica, c'est avant tout un roman qui dérange, qui remue, un roman à découvrir.