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In Real Life - Les secrets d'écriture de Maiwenn Alix
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In Real Life - Les secrets d'écriture de Maiwenn Alix

Découvrez la série In Real Life de Maiwenn Alix, primée aux Utopiales de Nantes 2019, au travers d'une interview de l'autrice.

In Real Life, édité aux éditions Milan, compte actuellement deux tomes : Déconnexion et Mémoire vive.

Actusf : D'abord une réaction pour le prix Utopiales jeunesse. Comment l'avez-vous vécu ? Quelle place a pour vous ce genre de récompense ?

Maiwenn Alix : Je ne m’y attendais pas du tout. Je débute encore dans ce métier, alors pour moi faire partie de la sélection, c’était déjà énorme, une récompense en soi : je ne pensais pas aller plus loin, et j’étais déjà très contente du parcours de ce premier roman ! Recevoir ce prix a donc été une grande joie et une grande fierté, d’autant plus que les Utopiales est un des festivals qui m’a toujours fait rêver. J’essaie de ne pas me monter la tête avec les prix et les récompenses, de me concentrer sur ce que je contrôle, à savoir le texte sur lequel je travaille, mais je mentirais si je disais que je n’étais pas incroyablement heureuse et vraiment honorée par ce genre de reconnaissance.

Actusf : Comment est née l'idée de ce roman et de sa suite ? On y trouve un monde séparé entre ceux qui sont gérés par un système régulateur qui semble confortable et d'autres qui tentent de survivre dans des zones moins accueillantes. Qu'aviez-vous envie de faire ou de dire ?

"J’ai essayé d’envisager ce qu’il se passerait si on maîtrisait vraiment cette technologie, si on pouvait relier un cerveau à un ordinateur, le traiter comme un ordinateur et donc y simuler des réalités virtuelles."

Maiwenn Alix : L’idée du Système et de l’univers d’In Real Life m’est venue en lisant une série d’articles sur les interfaces cerveaux-machines et sur les travaux d’une équipe de chercheurs japonais qui cherchait à visualiser et enregistrer les rêves. J’ai essayé d’envisager ce qu’il se passerait si on maîtrisait vraiment cette technologie, si on pouvait relier un cerveau à un ordinateur, le traiter comme un ordinateur et donc y simuler des réalités virtuelles. À partir de là, j’ai commencé à imaginer un monde où une personne pouvait être entièrement reliée aux machines bien sûr, mais aussi aux autres, créant ainsi un réseau humain interconnecté fonctionnant à la manière d’une ruche.
Je voulais créer un univers complexe, où personne n’est entièrement méchant ou gentil, où on n’est pas dans le camp du bien contre le camp du mal… C’est donc pour cela que j’ai fait de ce réseau planétaire un système bienveillant, technologique mais dédié à la restauration des écosystèmes et des habitats naturels, totalitaire mais en même temps préoccupé des besoins de ses membres, capable de dérives, mais ayant une raison d’être avec laquelle on peut difficilement ne pas être d’accord. À partir de ce Système, je me suis ensuite attachée à en écrire l’histoire, depuis les premières expériences d’utilisation de transpondeur jusqu’à son avènement sur tout le globe. Cette histoire, je l’aborde très peu dans la trilogie, mais elle m’a permis d’installer un univers étendu dont les communautés déconnectées qui vivent en marge du réseau sont une conséquence logique. Ces communautés, comme le Système d’ailleurs, ne sont pas parfaites, et possèdent de gros défauts ; je voulais qu’à tout moment on se pose des questions, qu’on ne soit jamais sûre du choix à faire en étant à la place de Lani : la liberté des rebelles d’être maître de leur destin, ou la liberté des membres qui ont accès à des millions de réalités virtuelles ?

"[...] je voulais qu’à tout moment on se pose des questions, qu’on ne soit jamais sûre du choix à faire en étant à la place de Lani : la liberté des rebelles d’être maître de leur destin, ou la liberté des membres qui ont accès à des millions de réalités virtuelles ?"

Actusf : On y suit Lani, qui vit plutôt confortablement avant de découvrir l'envers du décor. Comment pourriez-vous nous la présenter ?

Maiwenn Alix : Lani est un membre du Système : c’est donc par définition quelqu’un de bienveillant, gentil, profondément tourné vers les autres. Comme tous les membres, Lani vit pour aider sa communauté, sa mère, ses amis, elle est fière d’aider à la restauration de l’environnement, elle accomplit ses tâches dans les champs et en montagne, sans rechigner, avec rigueur et sérieux. Lani est quelqu’un de très normal dans le Système donc, à ceci près qu’elle est particulièrement douée en construction de rêves, les réalités virtuelles plus vraies que nature auxquelles les membres ont accès à la place du sommeil le soir, et elle aimerait en faire son métier. Au début du roman, on la retrouve à un moment charnière de son existence : elle est sur le point de remporter le tournoi de Construction de rêves, de quitter son implantation et sa famille pour devenir une adulte. C’est à quelques heures du départ qu’elle est enlevée, déconnectée, et qu’elle va être confrontée à des idées et des comportements qui n’ont plus cours dans le Système : la violence, la colère, le mensonge, l’égoïsme… Lani va devoir faire à ce moment-là non seulement l’apprentissage de la vie dans un monde radicalement opposé au sien, mais aussi de son individualité, puisque déconnectée pour la première fois du réseau, elle est enfin entièrement seule avec ses pensées.

Actusf : Dans votre roman, chacun est connecté en permanence. Aviez-vous envie de dénoncer en quelque sorte les dangers de notre société et de cette interconnexion de plus en plus forte ?

"[...] nous utilisons nos portables et internet pour nous organiser, communiquer, éduquer, et surtout nous divertir, et nous aussi, nous nous diluons dans les attitudes et discours attendus par les réseaux et les communautés dont nous faisons partie en ligne."

Maiwenn Alix : J’ai moins voulu dénoncer qu’offrir au lecteur un vrai récit d’aventures qui l’amènera à se poser des questions sur son propre rapport aux réseaux, en le mettant dans la peau de Lani quand elle est déconnectée. La réaction de celle-ci est donc très similaire à celle que nous expérimentons quand nous sommes privés de notre téléphone portable : on se dit qu’on enverrait bien un message à untel ou unetelle, qu’on chercherait bien quelque chose sur Google, qu’on irait bien sur Twitter, on tâte sa poche par réflexe une fois, dix fois, même si l’on sait que le portable n’est pas censé se trouver là… et lorsqu’on ne peut pas aller le chercher – quand on est au consulat de France par exemple – on se demande comment on faisait sans, avant. Nous n’avons pas encore un transpondeur implanté dans le crâne à l’âge de 3 ans comme dans le Système, pour autant, nous sortons rarement de chez nous sans notre téléphone et nous en avons un usage similaire à celui de Lani et des membres : nous utilisons nos portables et internet pour nous organiser, communiquer, éduquer, et surtout nous divertir, et nous aussi, nous nous diluons dans les attitudes et discours attendus par les réseaux et les communautés dont nous faisons partie en ligne.

Actusf : Parlez-nous du système de rêve éveillé, c'est un des points les plus originaux de ce roman...

Maiwenn Alix : Les rêves éveillés sont la récompense qu’offre le Système à ses membres en échange de leur dur labeur et de leur vie quasi monacale : un espace de liberté quasi illimité où chacun peut exercer ses hobbies et prendre du bon temps. Tous les soirs, les membres s’endorment dans des capsules de sommeil, des couchettes reliées au réseau qui leur permettent d’accéder à des réalités virtuelles époustouflantes. Le principe est simple : par exemple, vous avez envie d’apprendre à faire du ski, et de voir les Alpes. Ça tombe bien, il y a justement une réalité virtuelle sur le serveur 15FG7890 qui vous permettra de débuter sur les pistes de Chamonix. Vous vous inscrivez sur le rêve, pourquoi pas avec votre meilleur ami qui vous a fait part de son intérêt pour l’activité, et lorsque vous vous couchez, vous vous réveillez avec lui en haut des pistes. Vous avez toute la nuit pour vous amuser, glisser, boire du vin chaud entre deux descentes. Et comme dans les rêves éveillés, l’apprentissage est accéléré, en l’espace de quelques jours, vous skierez aussi bien qu’un professionnel. Pour le Système, les rêves éveillés sont un formidable outil de formation – les jeunes sont ainsi éduqués via les réalités virtuelles – mais aussi un moyen de garantir le bien-être des membres tout comme la paix sociale au sein de sa communauté.

Actusf : Pourrons-nous vous voir en dédicace en 2020 ?

Maiwenn Alix : Je n’ai pas encore de dédicace prévue pour 2020, mais il est fort possible que je sois sur Paris pour la sortie du dernier tome de la trilogie d’In Real Life, le 26 février 2020, et que je signe à ce moment-là.

Actusf : Quels sont vos projets ?

Maiwenn Alix : J’ai bouclé en début d’année un roman contemporain Migraines – pour adultes cette fois –, et je suis sur le point de terminer un roman d’anticipation pour jeunes adultes. Après ça, le planning est chargé, puisque j’ai suffisamment de textes à coucher sur papier pour m’occuper pendant trois ans. Bref, les projets sont nombreux. (rires)

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