ActuSF : Les trois premiers titres de Bad Wolf, la fantasy méchante et indépendante, sont sortis le 1er juillet : Le Souper des Maléfices de Christophe L. Arleston, Anasterry, d'sabelle Bauthian et votre roman les Poisons de Katharz. Pouvez-vous nous parler de la ligne éditoriale de ce label numérique ?
Audrey Alwett : Bad Wolf, c'est tout simplement du roman de fantasy ! On est pas raciste sur les catégories : light, urban ou dark, peu importe tant que l'histoire est bonne et l'écriture bien campée.

ActuSF : Pouvez-vous nous présenter votre livre en particulier, les Poisons de Katharz. Il y est question d'une ville-prison où sont parqués les condamnés de plusieurs royaumes, c'est bien ça ?
Audrey Alwett : Oui, même si dit comme tel, ça peut sembler sinistre. En vérité, il y a beaucoup de passages très drôles, promis. La dirigeante de la ville, Ténia, doit gérer cette cité d'une main de fer et surtout l'empêcher d'atteindre les cent mille âmes, car cela provoquerait le réveil d'un démon endormi sous la ville. Du coup, l'assassinat est légal et même récompensé sous certaines conditions par le titre de « Chevalier des Arts du Meurtre ». Évidemment, ça ne plait pas à tout le monde et Ténia doit déjouer les complots à tour de bras, son dernier ennemi en date étant le plus célèbre entrepreneur de la ville, Sinus Maverick, le fabriquant de « bonbons » (des sortilèges roulés en papillotes, vous en tirez les deux extrémités et le sort se réalise). L'équilibre se maintient malgré tout. Jusqu'à ce qu'un des trois royaumes décide de leur déclarer la guerre, ce qui va tout foutre par terre.
ActuSF : Bad Wolf : la fantasy méchante et indépendante. Il faudrait également rajouter humoristique à ce slogan, non ?
Audrey Alwett : Pas forcément. Même si c'est le cas pour Le Souper des Maléfices et Les Poisons de Katharz, le livre d'Isabelle Bauthian n'est, lui, pas spécialement drôle et parmi ceux qui doivent bientôt nous rejoindre, l'humour n'est pas la préoccupation première. On n'a pas voulu s'enfermer dans un carcan trop serré et qui pourrait devenir étouffant avec le temps, on fait donc de la fantasy au sens large.

ActuSF : Qu'est ce que vous revendiquez en vous positionnant en tant que Fantasy indépendante ? Des textes où les auteurs sont plus libres, moins contraints dans leur choix d'écriture par les maisons d'éditions et les collections ?
Audrey Alwett : Non, pas vraiment. Je crois qu'on n'a pas trop à se plaindre à ce niveau-là avec nos maisons françaises qui publient de très belles choses. « Indépendant » est un terme qui s'oppose à « traditionnel », ça signifie tout simplement qu'on fait de l'auto-édition. C'est aussi la grande originalité de ce label : on n'est pas une association, ni une entreprise. Chaque auteur garde tous ses droits et les revend ensuite à qui il le souhaite. Par contre, on se réunit sous une même bannière, que j'espère, les lecteurs apprendront bientôt à reconnaître.
ActuSF : Vous avez fait le choix, au départ, d'un label 100% numérique. Dans le milieu de la SF et de la fantasy, les éditeurs spécialisés font souvent des publications sans DRM. Pourquoi les titres Bad Wolf sont-ils seulement sur le kindle d'Amazon ? Pour avoir davantage de maitrise sur la diffusion des textes ?
Audrey Alwett : Nos livres non plus n'ont pas de DRM : nous partageons l'avis des éditeurs spécialisés sur cette question. Si nous avons, pour le moment, une exclusivité Amazon, c'est tout simplement pour être dans le programme KDP Select qui est très avantageux et permet de toucher un public auquel nous n'aurions sans doute pas accès autrement. Mais nous n'avons signé aucun engagement avec eux !
ActuSF : Dans son, entretien à Lanfeust Mag, Christophe L. Arleston évoque la possibilité : "Par exemple de modifier le texte après publication, après avoir eu une première vague". Ce mode de diffusion est une forme de "test", à mi-chemin une publication en directe de l'auteur aux lecteurs et une forme de beta-lecture à grande échelle ?
Audrey Alwett : Oui, on peut dire ça, même si ce n'était pas vraiment l'objectif de départ. C'est un très gros avantage par rapport à l'édition traditionnelle. Dans cette dernière, quand vous laissez passer des coquilles (et il y en a toujours !), il faut attendre la réédition pour les corriger. En numérique, ça se règle en deux clics. Idem si on vous dit par exemple que votre conclusion est trop rapide ou, comme c'est arrivé à Christophe, qu'un point du récit mérite d'être éclairci. Vous pouvez modifier un paragraphe ou deux. Le texte n'est plus scellé dans le marbre. Chez Bad Wolf, on a aussi fait le choix de pousser cette interaction avec le lecteur en ajoutant des jeux littéraires au sein des romans. On fait gagner des livres et même des originaux (dont un de Didier Tarquin et un autre de Jean-louis Mourier). Pour l'instant, personne n'a encore gagné le premier prix... Donc, bienvenue aux joueurs qui voudraient tenter l'aventure !

ActuSF : Vous-même vous évoquez dans votre entretien à Actualitté que vous vouliez également donner une “première vie” aux livres avant leur publication en papier. Votre volonté est-elle de rallonger la durée de vie d'un livre et son exposition médiatique ?
Audrey Alwett : Oui, le grand objectif c'est celui-là. La problématique est la suivante : plus un livre se vend, plus il se vend. Sauf qu'avec trois mois de vie en librairie, parfois moins, on n'a pas le temps de mettre en place un bouche-à-oreille. Avec une « pré-vente » en numérique, l'idée est d'arriver avec un premier coussin de lecteurs en librairie, sur lequel rebondir. Comme un tremplin, en fait. Ce système marche déjà très bien Outre-Manche. Et bien sûr, ça permet d'apporter une nouvelle actualité au livre, donc une exposition médiatique supplémentaire.
ActuSF : Vous venez de la Bande-dessinée, ce choix de faire un roman, c'est une nécessité de vous diversifier face aux difficultés que rencontre périodiquement le secteur de la BD ou une simple envie de vous essayer à un nouveau média ?
Audrey Alwett : Ha ha ! Franchement, si je quittais la BD pour mieux gagner ma vie, ce n'est pas vers le roman que j'irai ! Parce que soyons honnêtes, ok, ça devient dur dans la BD, mais dans le roman, ça fait belle lurette que tout le monde en bave, éditeurs comme auteurs. Bien sûr que j'espère vendre beaucoup de romans, mais si je me mets à en écrire, c'est uniquement par passion. De toute façon, c'est ce que j'ai toujours voulu faire. La BD, j'adore ça, mais c'était presque accident de parcours.
ActuSF : Après ces trois premiers romans, quelle seront les prochains titres à sortir chez Bad Wolf ? Quel sera le rythme de parution ?
Audrey Alwett : Pour le rythme de parution, je ne peux pas vous dire. Ça dépend beaucoup de ce qu'on recevra. On ne veut surtout pas d'un calendrier contraignant, la qualité en pâtirait. Jusqu'ici, on a eu beaucoup de propositions d'auteurs et... on en a refusé beaucoup également, hélas. Pour des questions de goût, essentiellement. Mais je peux vous dire que le prochain auteur à nous rejoindre sera, en théorie, Alex Evans que je suis allée personnellement débaucher car j'adore ses livres ! Attendez-vous à quelque chose de très sympa ! D'ailleurs, si vous êtes curieux, elle a posté le début de l'histoire sur Wattpad ici :

ActuSF : Si les lecteurs veulent rencontrer les "Bad Wolves", où pourront-ils les trouver en dédicace ?
Audrey Alwett : Isabelle Bauthian est très présente en festival et elle amène ses livres avec elle, la courageuse ! De mon côté comme de celui de Christophe, nous tournons beaucoup moins, car débordés. Nous sommes souvent présents aux festivals de Solliès, Puteaux, Angoulême, parfois Saint-Malo... Par contre, hors de question d'amener nos ouvrages, c'est trop encombrant. Je crois qu'il faudra attendre qu'ils soient publiés chez un éditeur traditionnel pour s'atteler sérieusement à la question des dédicaces. Dans quelques mois, peut-être ? Nous avons déjà reçu des propositions...
ActuSF : Le mot de la fin, quel est votre coup de cœur roman ou BD de fantasy du moment ?
Audrey Alwett : Sorcières Associées d'Alex Evans justement, un roman sur lequel je suis tombée complètement par hasard et qui a été un sacré coup de cœur. C'est de l'Urban Fantasy drôle et très rythmée, dans un univers qui évoque l'Inde. Les personnages féminins y sont puissants et bien campés, pas réduits à de simples tranches de bidoche, comme on peut souvent le déplorer en fantasy. Je vous le recommande, c'est excellent.