ActuSF : Le versement des subventions aux festivals par le Centre National du Livre (CNL) va être dorénavant soumis à certaines conditions, notamment la rémunération des auteurs invités. Êtes- vous favorable à cela ? Pourquoi ?
Charlotte Bousquet : Je suis extrêmement partagée sur ce point. Certains salons, comme Un aller-retour dans le Noir, ou le salon du livre jeunesse de Cherbourg-Octeville, rémunèrent en effet les auteurs pour les journées de dédicace et c’est génial, d’autres comme Saint-Maur en poche ou Nancy ne le font pas. Mais les uns dépendent d’associations, les autres, de la ville ou de la région. Les uns n’invitent qu’un petit nombre d’auteurs, les autres – comme les Imaginales – 130 si je ne me trompe pas, cette année. Certains salons fonctionnent avec des stands éditeurs, d’autres des libraires. La question est bien plus complexe, à mon sens, que « pour ou contre ». Il aurait été bien plus judicieux de faire une recommandation, et de voir au cas par cas. Certains festivals ou salons ne rémunèrent pas les auteurs, mais organisent des rencontres en amont avec les scolaires. Il y a aussi des salons minables, dans lesquels on est mal accueillis, on ne vend rien, on mange mal, on dort encore plus mal (j’ai entendu des histoires d’auteurs logés chez l’habitant). Et des salons géniaux, qui paient présence, hôtel, etc. Entre les deux, me semble-t-il, y a une infinité de possibles, de variantes, de cas de figure : le petit salon qui ne reçoit pas beaucoup de monde, mais paye les dédicaces, le gros truc dans lequel on est sur liste d’attente avant d’être sûr d’y aller, les gens qui essaient de promouvoir la culture dans leur ville, les auteurs qui ne se déplacent que lorsqu’ils sont rémunérés…
Pour moi, ce n’est ni blanc ni noir, mais ce qui est sûr, c’est qu’il y a peut-être d’autres combats à mener, dans une période où les budgets se voient réduits comme peau de chagrin, et où les auteurs et illustrateurs sont de plus en plus fragiles (notamment, avec les retraites). Je pense qu’il aurait fallu discuter ensemble de solutions et que diviser organisateurs de festivals et auteurs fait le jeu de ceux qui s’en prennent réellement à la culture – sur tous ses aspects.
ActuSF : Dans votre métier d'écrivain, quelle place prend pour vous la promotion des livres dans les salons, les interventions dans les festivals ?
Charlotte Bousquet : Ce qui prend le plus de place, dans mon métier d’autrice, ce sont les rencontres scolaires et les ateliers d’écriture. Comme d’autres, mes contrats ne me suffisent pas à vivre décemment de ma plume. Si je suis partagée sur les rémunérations en festival, je suis catégorique sur celles concernant le travail avec les classes – d’ailleurs, en dehors des Boréales, je n’ai jamais eu de problème sur ce point. Je participe à de nombreux salons. La plupart ne me rémunèrent pas (mais je suis défrayée, nourrie, etc.), mais proposent une ou deux journées de rencontres scolaires.
ActuSF : Vous avez également publié des livres pour la jeunesse. Pouvez-vous nous parler de la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse qui définit des barèmes de rémunérations pour les auteurs. Est-ce qu'elle est aujourd'hui appliquée par tous les festivals ?
Charlotte Bousquet : La charte est une association d’auteurs et illustrateurs de littérature jeunesse, dont les objectifs sont le partage d’information, une réflexion commune et la protection des créatifs (prêt payant public, cotisations retraite, revenus accessoires, cession des droits numériques, etc.) Elle offre aussi une assistance juridique et nous permet de ne pas nous faire broyer par la machine parfois infernale de l’édition et de ce qui tourne autour (retraites…). Grâce à elle, il existe un barème de rémunération minimum des auteurs, notamment concernant les rencontres scolaires – et heureusement.
Concernant les festivals, c’est au cas par cas. Certains le font, d’autres non. Libres aux auteurs d’accepter ou de refuser de participer.