ActuSF : Le versement des subventions aux festivals par le Centre National du Livre (CNL) va être dorénavant soumis à certaines conditions, notamment la rémunération des auteurs invités qui effectuent des "animations". Que va impliquer cette réforme pour des festivals comme celui de Lambesc ?
Georges Foveau : Tout d'abord, cette décision n'est que justice. J'entends trop souvent dire que les salons font la promotion des auteurs... Alors que c'est bien l'inverse !
Si les visiteurs viennent dans les salons , c'est bien pour rencontrer des auteurs. Sinon, pour simplement acheter des livres, il y a des librairies et des sites de ventes sur internet. Ce sont les auteurs qui font la promotion de salons et non le contraire...
Les subventions sont de l'argent public qui doit être dépensé au mieux de l'intérêt de tous. Tout travail mérite salaire. Il est donc normal que les auteurs soient payés pour leurs interventions qu'elles soient scolaires ou sur les salons.
Sur le salon de Lambesc, c'est la CPA (Communauté du Pays d'Aix) qui finance la quasi intégralité des interventions des auteurs, au titre de sa mission Lecture Publique. Les auteurs sont rémunérés directement sur le budget de l'établissement public, tant pour leurs prestations en direction des scolaires (primaires et collège sur 4 communes) que pendant leurs interventions sur le salon. Nous appliquons les tarifs défendus par les associations professionnelles et reconnus par le ministère de la Culture.
Donc pour nous rien ne change. Nous le faisions déjà et nous ne percevons aucune subventions du CNL.
ActuSF : Est-ce que cela va changer des choses pour vous qui rémunérez déjà les auteurs invités ? D’ailleurs, combien d'auteurs accueillez-vous chaque année pour le festival ?
Sur le salon de Lambesc, avec les bibliothécaires des communes associées et en particulier avec Caroline Guichard qui dirige celle de Lambesc, nous avons fait le choix d'un salon qui présente la diversité et le dynanisme des Littératures de l'Imaginaire françaises. Mais pas par une présence pléthorique d'auteurs qui augmente chaque année. Nous préférons recevoir peu d'auteurs et les mettre vraiment en valeur.
Pas plus d'une dizaine d'auteurs à chaque édition,donc. Mais avec un vrai choix motivé.
ActuSF : Comment voyez-vous cette mesure ? Pensez-vous que cette mesure va être favorable à tous les auteurs ?
Georges Foveau : Aucune mesure n'est favorable à tous les auteurs. Rares sont les manifestations littéraires qui le sont.
Sur le Festival de l'Imaginaire du Pays d'Aix et le salon de Lambesc, tous les auteurs sont logés à la même enseigne, qu'ils soient connus ou peu, qu'ils arrivent de la capitale ou des villes avoisinantes. Ce n'est pas forcément le cas ailleurs. Il y a déjà des manifestations à deux voire trois vitesses, selon la notoriété ou la provenance des auteurs. Cette mesure s'appliquera forcément à la même aune. Les organisateurs feront leurs choix sur qui intervient et qui est rémunéré...
ActuSF : Les festivals comme Lambesc ont-ils été associés en amont au processus de décision ?
Georges Foveau : Non, pas de mon côté en tout cas. Mais encore une fois nous ne sollicitons pas le CNL sur notre manifestation qui est intégralement financée par la CPA et les communes associées.
ActuSF : Plus globalement, aujourd'hui, quelle est la situation des festivals littéraires en France, et plus particulièrement ceux liés à l'imaginaire ?
Georges Foveau : Au début des années 2000, surtout dans notre région sur la vague éculée du « polar marseillais », les « salons littéraires » étaient un peu devenus l'alibi culturel de certaines communes. Elles subventionnaient des associations afin de créer un salon sur un week end... Pour dire : « vous voyez bien que nous faisons de la culture... »
Aujourd'hui, j'ai l'impression qu'il y a moins de salon. Mais avec une éclosion depuis un couple d'années de salons sur les Littératures de l'Imaginaire.
ActuSF : Le statut des artistes en France est en mutations continue depuis plusieurs années avec les réformes des retraites de Agessa et de la maison des artistes, les modifications régulières des annexes 8 et 10 des intermittents du spectacle... Comment voyez-vous les effets de cette mutation globale de la culture en France sur les festivals littéraires ?
Georges Foveau : Je remarque surtout que, quelles que soient les réformes et les réflexions, rien n'est vraiment jamais mis en place pour une vraie professionnalisation des auteurs en tant que tels. On continue d'essayer de nous faire croire que l'auteur heureux est celui qui écrit ce qu'il veut parce qu'il bosse à temps plein par ailleurs, sans se soucier de ce que son travail deviendra. Et que l'auteur talentueux est celui qui crève la faim...
Cette image romantique mensongère est une insulte même au tragique destin de Rimbaud.
Elle fait le jeu méprisant de tous ceux qui ne veulent pas reconnaître que la création littéraire est un travail à part entière. Et qu'il n'y a de livres que parce qu'il y a des auteurs. Que beaucoup de gens refusent de payer alors qu'ils reçoivent eux-mêmes de l'argent pour « faire travailler » les auteurs et leurs œuvres...
ActuSF : Le mot de la fin. Que voulez-vous dire aux festivaliers et aux auteurs qui sont parfois inquiets ou interrogatifs vis-à-vis de tous ces changements ?
Georges Foveau : Alors, pour faire plaisir à Etienne Barillier par exemple, je peux le faire façon K. Dick : « Ne vous rassurez pas, le pire est encore certain à tous les niveaux » !
Sinon, plus sérieusement, je répéterai encore ce que je répète déjà encore depuis 9 ans à chaque inauguration du salon de Lambesc en accord complet avec les autres organisateurs et à chaque fois que l'on me demande mon avis sur le sujet : « Il n'y a de livres et de salons littéraires, que parce qu'il y a des.... Auteurs. ».
Devant la raréfaction des financements qui a déjà cette année sonné le glas de plusieurs festivals littéraires mais aussi musicaux ou théâtraux, face aux mutations structurelles (métropolisations) qui peuvent mettre en danger des manifestations comme la nôtre (et d'autres) par la disparition du territoire dans lequel elle s'inscrit fortement et de leurs sources de financement, en regard du mépris dans lequel est tenu le livre y compris dans le « monde culturel français » et encore plus le « livre imaginaire », le seul impératif est de lire, de lire beaucoup, de le revendiquer et de défendre ceux qui le permettent : les auteurs.