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Interview 2015 : Guy Gavriel Kay pour Ysabel
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Interview 2015 : Guy Gavriel Kay pour Ysabel

ActuSF : Les lions d’Al-Rassan s’inspire de l’Espagne de la Reconquista, La chanson d’Arbonne reprend la croisade des albigeois revisitée dans une Provence médiévale…  L’Histoire est une source d’inspiration première pour vous, n’est-ce pas ? 
 
Guy Gavriel Kay : Tout à fait. Ma première trilogie, La tapisserie de Fionavar est un roman de fantasy « classique », mais depuis ce livre, la fantasy m’a bien plus permis d’explorer des thèmes et des lieux du passé. J’écris ce qu’un critique a appelé de l’histoire 'avec un soupçon de fantastique'.
 
ActuSF : Vos romans se déroulent dans le monde entier : La mosaïque de Sarance s’inspire de l’Empire Byzantin au temps de l’empereur Justinien I, Les chevaux célestes se déroule en Chine au 8ème siècle, à l’époque de la dynastie Tang. Pourquoi choisir un pays différent par livre ? Aimez-vous voyager ?
 
Guy Gavriel Kay : Oui, bien que je ne me sois pas rendu dans tous les lieux que j’ai étudié pour mes livres. En tant qu’écrivain, j’ai la chance d’être invité dans les différents pays où je suis publié, et c’est un véritable avantage. Beaucoup de mon inspiration me vient de ces voyages.
 
Quant à pourquoi je change... Je n’aime vraiment pas la redondance dans mon travail, et je tire une grande énergie et satisfaction de la phase de recherche que j’entreprends pour chaque livre. Lire, voyager, échanger ou rencontrer des spécialistes qui ont passé leur vie entière à écrire sur un lieu ou une époque sont toujours pour moi la partie la plus agréable dans la création de chacun de mes livres. J’aime me lancer des défis personnels, et j’aime en lancer à mes lecteurs aussi, j’imagine.
 
 ActuSF : Ysabel est un roman de fantasy urbaine qui se passe en Provence. Pourquoi choisir la France contemporaine pour cette histoire ? 
 
Guy Gavriel Kay : J’ai vécu en quatre occasions distinctes dans la magnifique campagne d’Aix-en-Provence. Lors de notre dernier long séjour là-bas, avec ma femme et mes jeunes fils, j’avais dans l’idée d’écrire un livre sur la Chine. Mais une fois arrivé sur place, l’idée d’Ysabel  m’a percuté de PLEIN FOUET et j’ai changé, presque contre mon gré, de direction (il faut écrire le livre qui veut être écrit). Ysabel est en réalité une déclaration d’amour destinée à cette partie-là du monde et à son histoire. J’ai écrit mes livres sur la Chine plus tard ! 
 
Pour ce qui est de l’époque contemporaine : cela m’a donné la possibilité de changer de ce que je fais d’habitude : amener les lecteurs dans le passé. Cette fois-ci, j’amenais le passé dans le présent, et je pouvais ainsi commenter et observer les effets du temps qui s’écoule, les différences et les similitudes.
 
ActuSF : Pourriez-vous nous présenter votre jeune héros Ned et son père ? 
 
Guy Gavriel Kay : Ce livre porte en quelque sorte sur l’entrée, le passage à l’âge adulte, qui est souvent « remis à plus tard » dans notre culture (La trentaine serait-elle la nouvelle vingtaine ?). Mais la maturité et le changement de rôle au sein de la famille avaient lieu beaucoup plus jeune à certaines époques de l’Histoire. Ned est un adolescent qui parcourt la Provence avec son père, un photographe connu. Tandis que son père prend des photos pour un livre « important », sa mère se trouve ailleurs au début du roman. (Je ne veux pas en dire plus aux lecteurs en divulguant tous les tenants et les aboutissants de l’histoire.)
 
ActuSF : Ned rencontre Kate Wenger à Aix-en-Provence. Qui est-elle ?  
 
Guy Gavriel Kay : Kate est elle aussi une adolescente d’Amérique du nord qui fait ses études en France. Ils se rencontrent dans la cathédrale d’Aix-en-Provence (seuls, à ce qu’ils en savent) et se font happer par ce que l’on appelle dans le livre « une très vieille histoire ». Se servir de personnages « étrangers » est un très bon moyen de donner des informations sur un lieu pour un écrivain. 
 
 
ActuSF : La cathédrale Saint-Sauveur d’Aix-en-Provence que Ned visite n’est pas qu’un simple édifice vide, n’est-ce pas ?
 
Guy Gavriel Kay : J’adore cette cathédrale, et ce depuis la première fois que je l’ai vue. Elle n’est pas aussi « belle » que d’autres, elle est un peu noyée par sa localisation au centre d’Aix (la fac est juste en face), mais j’adore ce mélange de styles, la façon dont elle a été agrandie au travers des âges, et la lumière dans le vieux baptistère sur la droite des portes est magnifique – cet endroit joue un rôle déterminant dans le livre. Ainsi que le cloître, comme le verront les lecteurs. Certains lieux maintiennent le passé en vie. Et j’ai imaginé la cathédrale comme un de ces lieux.
 
ActuSF : Ned et Kate sont pris dans une vieille histoire d’amour, de sacrifice… et de magie. D’où provient cette magie ? De créatures ? Du passé ?
 
Guy Gavriel Kay : Le roman part du principe que chaque partie du monde a sa « propre Histoire »,  et dans le cas d’Ysabel, elle remonte à la légende fondatrice de Marseille... Cette première « collision » entre des marins grecs et des marchands de tribus celtes. La magie émane des celtes et de leur présence et se diffuse dans l’ère grecque, romaine, médiévale, jusqu’à aujourd’hui...
 
ActuSF : Existe-t-il un lien entre le monde d’Ysabel et le monde parallèle de votre roman La tapisserie de Fionavar ?
 
Guy Gavriel Kay : C’est le cas, mais j’ai écrit le livre de telle sorte que les lecteurs qui n’ont pas lu mes premiers livres ne seront pas perdus – tandis que les lecteurs qui les ont lus en ressentiront un frisson (en français dans le texte) particulier.
 
ActuSF : Quels sont vos projets ? Sur quoi travaillez-vous à l’heure actuelle ?
 
Guy Gavriel Kay : Je viens tout juste (le mois dernier) de finir le premier jet de mon nouveau roman. Il est intitulé Children of Earth and Sky, et s’inspire de la Renaissance, après la chute de Constantinople en 1453.  Il sera publié en anglais en mai 2016 et je suis certain que mes agents vont bientôt engager des discussions avec mes éditeurs français à ce sujet. Mais je pense que River of Stars sortira en France avant, c’est mon deuxième roman inspiré de la Chine après Les Chevaux célestes.
 
ActuSF : Serez-vous bientôt en France ? A Aix-en-Provence comme votre héros Ned, peut-être ?
 
Guy Gavriel Kay : J’espérais pouvoir y être en mai avec mes éditeurs, mais nous avons un souci d’emploi du temps, car mon nouveau livre sort ici ! J’adorerais revenir en France pour parler de livres et surtout à Aix, où j’ai des amis, des cafés et des restaurants préférés (et même une librairie préférée !), et un amour véritable pour la campagne qui l’entoure. (Nous avons escaladé Sainte-Victoire deux fois, pendant mes recherches sur Ysabel – certaines des scènes principales ont lieu sur cette montagne et ses environs.)
 
ActuSF : Et enfin, qu’aimeriez-vous dire à vos lecteurs français ? 
 
Guy Gavriel Kay : En bien des façons, Ysabel a été écrit pour la Provence qui nous a toujours très bien accueillis et s’est toujours montrée très généreuse durant les longs séjours que j’y ai passés pour y faire des recherches ou écrire. J’ai exploré cette partie du monde pour la première fois en roman avec La Chanson d’Arbonne (publié par L'Atalante en France) qui se passe à l’époque des troubadours. C’est la première fois que j’y ai vécu, mais il me semble évident que la Provence ne m’a jamais laissé repartir !
 
Traduction : Hermine Hémon et Erwan Devos
 
Photo : copyright / Credit : Mark Raynes Roberts
 

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