ActuSF : Le versement des subventions aux festivals par le Centre National du Livre (CNL) va être dorénavant soumis à certaines conditions, notamment la rémunération des auteurs invités. Pouvez-vous s'il vous plait nous expliquer de quoi il s'agit précisément ?
Vincent Monadé : Les groupes de travail de la commission du CNL sont encore actuellement en pour définir les modalités exactes de son application. Cette mesure concernerait les interventions des auteurs à des tables rondes, des conférences, leurs interventions "face au public".
ActuSF : Est-ce que ces conditions s'appliquent pour les auteurs qui ne font que des dédicaces ? Est-ce que cela concerne les auteurs étra ngers ? Y a t-il des barèmes de rémunérations définis ?
Vincent Monadé : Cela ne concerne pas les dédicaces. Cette mesure concerne les auteurs français, pas les auteurs étrangers. Mais je vois mal un festival rémunérer les auteurs français et pas les autres. Cette décision relève cependant de la volonté propre de chaque festival.
En ce qui concerne la grille, les groupes de travail de la commission " Vie Littéraire" du CNL étudient les propositions. Ce qui est pour l'instant envisagé, serait une rémunération basée sur la charte des auteurs et illustrateurs jeunesse qui propose des rémunérations à la journée ou à la demi-journée. Une hypothèse serait d'établir un tarif de demi-demi journée (2h) qui comprendrait une heure de préparation et une heure effective d'intervention de l'auteur sur une table ronde. Cette proposition est encore à l'étude.
ActuSF : Comment a été décidée cette mesure ? Quels acteurs et quelles structures ont été associés en amont à la concertation ?
Vincent Monadé : Cette mesure entre dans la réforme globale des aides du CNL demandée par le ministère. Elle fait suite au blocage de la précédente refonte qui avait été mené par Jean-François Colosimo, le précédent président du CNL.
J'ai modestement proposé cette mesure pour pallier, avec les moyens dont le CNL dispose, la baisse de la rémunération des droits d'auteurs en France. J'ai également proposé pour les traducteurs de relever le barème minimum à 21 euros le feuillet.
Cette mesure spécifique de rémunération des interventions entre dans le cadre de la commission de travail "Vie Littéraire". De nombreux auteurs, éditeurs, manifestations culturelles et conseillers DRAC (Direction régional des Affaires culturelles) ont bien évidement été associés.
ActuSF : A partir de quand cette mesure va-t-elle être appliquée ?
Vincent Monadé : Le texte sur la réforme des aides du CNL a été voté au cours du conseil d'administration de janvier 2015. Ces réformes seront mises en place globalement dés la rentrée de septembre 2015. Cependant, en ce qui concerne spécifiquement la mesure sur la rémunération des auteurs en festival, la commission travaille encore dessus et son application ne sera effective que début 2016.
ActuSF : Ces conditions risquent d'engendrer des coûts supplémentaires pour les festivals. Qui va les supporter ? Le CNL ? Le ministère de la culture ? Les collectivités locales ?
Vincent Monadé : Des mesures sont envisageable au cas par cas. Le CNL a par exemple augmenté la subvention de Lire en poche à Gradignan qui a décidé de rémunérer les auteurs de son festival dés cette année. Le CNL ne dispose cependant pas de fonds supplémentaires.
Je vais écrire à toutes les collectivités locales qui accueillent des manifestations culturelles autour du livre pour les tenir informées de ces changements. Je vais également envoyer une lettre aux conseillers Drac en région. Les DRAC sont des services déconcentrés et autonomes. Chaque conseillers décidera d'apporter ou pas un soutien aux festivals qui le sollicitent.
Je rappelle que cette mesure n'a cependant aucun caractère obligatoire. Elle n'intervient que si l'on veut prétendre à une aide du CNL. Il y a environ de 300 manifestations autour du livre en France - le nombre exacte n'est pas connu, aucune étude n'ayant été faite. Toutes ne demandent pas le soutien du CNL, même si un grand nombre entre dans sa zone d'intervention.
ActuSF : Pensez-vous que cette mesure va être uniformément favorable aux auteurs ? Certains auteurs ont en effet peur que seuls les auteurs les plus "bankables" soient invités au détriment des autres. Est-ce en effet une des conséquences possible ?
Vincent Monadé : Je ne crois pas que les festivals s'appuieront sur ces auteurs "bankables" car, d'une part, les auteurs en question ne pourront pas faire tous les festivals qui les solliciteront, et d'autre part, réduire à une quinzaine de noms la liste des auteurs régulièrement invités serait préjudiciables à court terme pour les festivals.
ActuSF : Est-ce que le nombre d'auteurs invités, lui, ne risque pas de baisser ?
Vincent Monadé : Pour les festivals qui invitent une centaine d'auteurs ou moins, non. Par contre, pour ceux qui en invitent plus d'une centaine, alors peut-être. Il se peut qu'ils en invitent moins. Mais est-ce que ce serait vraiment préjudiciable pour les auteurs ? Quand on intervient sur une table ronde de 8 ou 9 personnes, chaque auteur n'a qu'un temps de parole de quelques minutes. Prenez par exemple un festival comme celui de Brive, où les auteurs en dédicaces sont nombreux. Il y a peu d'invités sur les tables rondes.
Cette mesure est selon moi, une mesure de justice. Les comédiens et les musiciens sont rémunérés pour leurs interventions. Il n'y a qu'en littéraire où ceux qui produisent la matière première ne sont pas rémunérés.
ActuSF : Il me semble que les comédiens qui interviennent sur une table ronde ne sont pas rémunérés par exemple ?
Si, un comédien qui fait la lecture d'un texte est rémunéré. Il ne vient pas gracieusement. Quand Denis Podalydés vient lire un texte, même s'il adapte sa rémunération au festival car il est un grand défenseur de la littérature, il est rémunéré. Il n'y a que rarement des comédiens qui soient invités pour parler juste d'un livre au cours d'une table ronde.
ActuSF : Le mot de la fin. Que voulez-vous dire aux auteurs et aux festivals qui sont parfois inquiets ou interrogatifs vis-à-vis de tous ces changements ?
Vincent Monadé : C'est une mesure de justice vis-à-vis des auteurs. Je vois mal un auteur dire "Non, je ne veux pas gagner d'argent pour mes interventions, mon art est au-dessus de ça". C'est légitime de rémunérer un auteur pour le travail qu'il effectue.
Les festivals jeunesse et certains de bande-dessinées rémunérèrent déjà les auteurs qui interviennent. Je ne vois pas pourquoi les autres n'y arriveraient pas. Et les festivals jeunesse ne sont pas les moins dynamiques, loin de là : prenez, par exemple, les festivals de Montreuil, Saint-Paul Trois Châteaux, Troyes. Le festival BD quai des bulles à Saint Malo rémunère ses artistes. Je ne vois pas pourquoi d'autres festivals à Saint Malo ne le pourraient pas.
Je rappel enfin que les modalités sont encore en cours d'élaboration. Il faut attendre fin octobre pour connaitre les conclusions et les préconisations des groupes de travail.