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Interview 2016 : Adrien Tomas pour Le Royaume rêvé
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Interview 2016 : Adrien Tomas pour Le Royaume rêvé

ActuSF : Pourquoi avoir fait le choix d’une préquelle pour Le Royaume rêvé ? Les origines de ce monde que tu développes depuis déjà deux romans (La Geste du Sixième Royaume et La Maison des Mages) étaient-elles fixées dès le début ?
 
Adrien Tomas : Je suis parti sur l’idée d’une préquelle pour suivre mon envie d’explorer les premières années de l’ère humaine des Six Royaumes, dont je n’avais fait que tracer les contours dans La Geste du Sixième Royaume et La Maison des Mages. Cela me donnait l’occasion de remonter le temps, à la recherche des histoires fondatrices de pays, de lignées, d’ordres politiques, magiques ou militaires et même de personnages à la durée de vie exceptionnelle.
Ces origines existaient déjà lors de la rédaction de mes deux précédents romans, comme de simples données historiques d’arrière-plan auxquelles je me référais au besoin pendant l’écriture, afin de savoir ce que je pouvais ou ne pouvais pas faire avec mes personnages. Au fur et à mesure, les contours d’une sorte de vaste méta-histoire ont commencé à apparaître, se dessinant petit à petit dans chaque roman situé dans les Six Royaumes. J’ai alors commencé à laisser des indices pour les prochains romans ou faire des références aux précédents pendant l’écriture, dans le but de lier le tout de manière logique quand j’aurai, un jour, achevé l’intégralité du cycle.
Évidemment, cela reste évolutif et de nouvelles idées viennent parfois chambouler, modifier ou remplacer celles que j’avais initialement prévues. Mais, globalement, le monde que j’ai imaginé reste à peu près stable.
 
  
 
ActuSF : Pourquoi avoir choisi de mettre en scène des personnages un peu plus jeunes que d’habitude ?
 
Adrien Tomas : J’avais besoin de personnages convaincus que rien n’est impossible, et suffisamment énergiques pour tenter de le démontrer. Il fallait qu’ils soient avides d’apprendre, avides d’agir et dénués en grande partie de cynisme ou de défaitisme. Ce sont des qualités que j’associe aux gens plutôt jeunes, possédant une volonté forte teintée de naïveté, une sorte de pureté, de solidité d’esprit que j’ai souvent l’impression d’avoir moi-même perdue au cours des années.
L’histoire raconte essentiellement la manière dont un groupe de jeunes gens travaille pour améliorer, voire remplacer le monde qui a été créé pour eux par leurs aînés, et qu’ils souhaitent modeler d’une autre manière. C’est une chouette allégorie à la situation actuelle de notre monde, qui m’apparaît comme de plus en plus sombre, mais que la jeunesse (et j’espère en faire toujours partie) peut contribuer à rendre meilleur.
Et si, au passage, je peux participer à répandre le message que la jeunesse n’est en aucun cas un obstacle à la capacité de réaliser de grandes choses, je m’estime satisfait. 
Attention cependant : quand j’écris, je ne suis pas forcément du genre tendre, et que mes personnages soient jeunes ne signifie pas pour autant que je vais me montrer plus gentil avec eux, bien au contraire…
 
 
ActuSF : Bien que le roman comporte son lot de combats épiques, il prend une dimension particulièrement mature, subtile et politique. Pourquoi ce choix ?
 
Adrien Tomas : À mesure que mon expérience du monde réel augmente, je réalise que les batailles peuvent plus souvent se gagner sans arme qu’avec, et c’est quelque chose que j’ai voulu retranscrire dans mes textes. Le poids politique, la négociation et l’intimidation ont souvent plus de résultats que le conflit ouvert, ce que j’avais déjà commencé à aborder dans La Maison des Mages.
La contrée où prend place la majeure partie du Chant des Épines est divisée en plusieurs clans aux valeurs individualistes et fortement distincts les uns des autres. Les personnages principaux doivent réaliser qu’ils ont à disposition un éventail d’armes bien plus variées et puissantes que celles qu’ils portent à leurs côtés, et qu’ils doivent toutes les employer au mieux pour parvenir au résultat escompté. Pour cela, ils vont devoir unir et diviser, mentir, comploter, promettre ou menacer, gagner la confiance ou l’admiration, inspirer la crainte ou la haine. Cela me permet d’explorer un grand nombre d’interactions entre les personnages, les peuples et les communautés, ce que je trouve au moins aussi intéressant que mettre en scène affrontements, assassinats et batailles rangées (bien qu’ils soient également présents, on ne se refait pas…)
 
 
ActuSF : Comment t’y prends-tu pour enchevêtrer les intrigues et les lier ?
 
Adrien Tomas : C’est un travail de tous les instants, qui me donne l’impression d’être le jardinier attitré d’un buisson de vignes très vivaces et entrelacées, qu’il faut élaguer, greffer et tailler pour lui donner une forme, en évitant qu’elles s’emmêlent afin de permettre à la lumière de passer à travers !
Chaque vrille de cette vigne peut s’enrouler autour d’une autre, jaillir vers une direction inattendue ou au contraire cesser complètement sa croissance sans aucune raison. Et chaque fois que je mets un coup de ciseau, dix autres vrilles sont affectées et je dois alors m’occuper d’elles, une à une, et de toutes celles qu’elles touchent ensuite…
Bref, assez de métaphores botaniques : lier et enchevêtrer les intrigues réclame d’être attentif et de garder une vision globale de son histoire – d’autant plus quand le premier tome est publié avant même que l’écriture des suivants soit complète. Cela demande beaucoup de discipline, d’obstination et de dextérité mentale – et, évidemment, le soutien et l’œil acéré de mes bêta-lecteurs et de mes éditeurs, attentifs à ce que je n’oublie rien et qu’aucun contresens ne puisse passer… 

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