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Interview 2016 : Aurélie Wellenstein pour Ecrire sur les Chevaux
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Interview 2016 : Aurélie Wellenstein pour Ecrire sur les Chevaux

 
Les équidés (chevaux, pégases, licornes...) ont peuplé et peuplent encore de nos jours l’imaginaire. Destriers ou coursiers magnifiques, messagers de l’Apocalypse ou bien fidèles alliés, on les croise toujours autant dans la littérature SFFF. Alors, pour cette chronique de rentrée, nous avons décidé de vous parler d’eux, et nous avons pour cela fait appel à une auteure qui les connaît bien.
 
Qu’est-ce qui t’a donné envie d’écrire sur les chevaux ?
 
J’ai toujours aimé les animaux, tous les animaux. Depuis que je suis toute petite, mes histoires les mettent en scène. Je peux même faire un blocage sur un texte s’il n’y a pas d’animaux, j’ai l’impression qu’il me manque quelque chose. Et parmi les bêtes, c’est vrai que je suis attirée par les chevaux. J’ai commencé l’équitation à six ans. Pour une gamine des villes, c’était, je crois, mon trait d’union avec la nature, avec le sauvage et le primitif. 
 
As-tu vécu des moments forts avec ces animaux ?
  
J’ai monté à cru une fois, c’est un de mes meilleurs souvenirs d’équitation. Le contact était différent, plus direct. La sensation, décuplée. Je me suis sentie en harmonie avec le cheval à ce moment-là. On était vraiment là, tous les deux, ensemble.
Cependant, je crois que le plus gros choc que j’ai ressenti, c’était lors d’un spectacle de Bartabas : son Frison noir, Zingaro, dont la robe moirée chatoyait dans les lumières. C’était dingue, tellement brut. J’ai ressenti une authentique émotion esthétique ce jour-là, totalement viscérale. Du coup, Ira de Chevaux de foudre est un Frison !
 
 
Qu’est-ce qui t’a semblé difficile en écrivant sur eux ?
 
J’ai arrêté l’équitation à douze ans, donc très tôt. Le sport en lui-même – tel qu’on le pratiquait dans mon club à cette époque-là – ne me plaisait pas. J’y allais pour être en contact avec l’animal et on nous abreuvait de compétition, souvent avec des mots très durs. Au terme de ma première année, le club m’a offert un pin’s et une cravache. J’avais sept ans et on m’a mis une cravache dans les mains. Bref, tout ça pour dire que j’ai conservé assez peu de connaissances techniques ou de véritables compétences équestres. Je ne saurais plus monter. Je ne veux plus monter. Donc, c’est un petit peu embêtant, quand on se lance dans un roman « équestre », d’avoir perdu cette science-là, celle de l’équitation, mais au fond, ce qui m’intéresse relève davantage du sauvage et de l’archaïque : c’est le fracas du galop, les muscles qui roulent sous la peau, la crinière soulevée par le vent. La force et la liberté. La beauté, aussi, forcément. 
 
Justement, dans tes romans, les chevaux de foudre comme les Prjevalski sont des chevaux sauvages ou vivants en semi-liberté : pourquoi avoir fait ce choix ?
 
Dans Chevaux de foudre, les Romains sont des « dompteurs » ; l’héroïne va leur prouver qu’on peut nouer une relation avec l’animal, créer du lien, de la complicité. Elle pratique l’éthologie avant l’heure… Et puis le parcours du cheval sauvage entre en résonance avec le sien. Ils sont tous les deux esclaves des hommes, jetés de force dans une compétition mortelle dont les enjeux les dépassent. Ils ont soif de liberté. Ils vont la conquérir ensemble. Dans La Fille de Tchernobyl, j’ai voulu aller plus loin encore. L’héroïne veut sauver ce petit cheval sauvage, mais finalement, le cheval de Prjevalski incarne la force tumultueuse de la nature, et sa résilience fabuleuse : il n’a pas besoin des hommes. Jamais. 
 
Comment as-tu pensé la relation entre tes personnages et les chevaux dans tes romans ?
 
C’est une relation d’égal à égal. Le cheval est lui aussi un personnage. Il est caractérisé, de la même façon que le sera l’héroïne humaine. Il ressent. Il évolue. 
 
 
 
Dans Le Roi des Fauves, Oswald est transformé en cheval : pourquoi ce choix ? Que révèle-t-il du caractère du personnage ?
Dans Le Roi des Fauves, les personnages sont confrontés à une situation angoissante : le développement d’un animal qui grandit en eux, les écrase et annihile leur personnalité. Cet animal est totémique et lié d’une certaine façon à leur être, et à leur façon de réagir. Chacun aura sa stratégie. Oswald choisit la fuite ; celle-ci est donc symbolisée par le cheval, qui à l’état de nature est une proie. 
 
 Un conseil à ceux et celles qui souhaitent intégrer ces animaux dans leurs récits (voire en faire le sujet principal) ?
 
Les aimer ? Les regarder ? Lire aussi, sans doute ? Pour mes propres romans, je me suis documentée, mais un peu partout, et à plusieurs niveaux. Les bouquins de techniques équestres ont leur utilité, mais tout autant que ceux sur la figure mythique et symbolique du cheval, ou les livres d’art ou les poèmes qui leur sont consacrés. Je lis tout aussi volontiers des biographies de cavaliers célèbres que des romans avec des chevaux. J’ai plusieurs encyclopédies sur les races. Pendant un temps, j’ai regardé de nombreux documentaires sur Equidia Life aussi. Dans la « vie », je les observe, longtemps, comme si je voulais les dessiner dans ma tête, en essayant de saisir des petits trucs. 
  
D’après toi, quelles sont les « erreurs » à éviter lorsqu’on écrit sur les chevaux ?
Je ne sais pas s’il y a vraiment des erreurs à proprement parler. Quand je lis une description où il est question de « patte » au lieu de « jambe », ou de « gueule » ou lieu de « bouche » ça m’agace, mais bon… Ce qui compte, c’est d’en faire un vrai personnage, de provoquer de l’émotion, et pas simplement de s’en servir comme d’un pantin, ou d’esquisser une silhouette trop plate, une figure trop creuse. Mais ça, c’est vrai pour les personnages humains comme non humains, en fait !
 
 
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