- le  
Interview 2016 : Benoit Grison pour Du Yéti au Calmar géant
Commenter

Interview 2016 : Benoit Grison pour Du Yéti au Calmar géant

Actusf : Bonjour Benoit Grison, pourriez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours scientifique ?
 
Je suis enseignant-chercheur à l’UFR Collegium Sciences & Techniques de l’Université d’Orléans. Durant ma formation, j’ai suivi plusieurs cursus universitaires, étudiant la biologie animale et la psychophysiologie, ainsi que la sociologie des sciences. D’une certaine manière, cette double formation, en sciences de la vie et en sciences sociales, me prédisposait à m’intéresser à la question de la véracité zoologique de certains savoirs populaires, « exotiques » ou non.
 
 
 
 
Actusf : Comment avez-vous découvert la cryptozoologie et qu'est-ce qui vous a attiré de prime abord en elle ? Pouvez-vous nous parler de Bernard Heuvelmans, le père de la cryptozoologie ?
 
A 13 ans, je m'intéressais déjà beaucoup à la zoologie, la paléontologie et aussi à l'ethnologie. Quand j'ai été amené alors à lire les ouvrages d’Heuvelmans, ce fut le « déclic » : je me consacrerai aux sciences naturelles, à l'anthropologie... et à l'étude des animaux ignorés (rires) !...
J'ai d'abord découvert Heuvelmans à travers plusieurs articles du naturaliste Jean-Jacques Barloy, devenu bientôt un ami, et par Dans le Sillage des Monstres marins : le kraken & le poulpe colossal, un livre fascinant. Ensuite, j’ai fait la connaissance de Bernard Heuvelmans lui-même, quand j’avais la vingtaine : c’était un excellent biologiste, et surtout un homme brillant, à la tournure d’esprit interdisciplinaire. Peu importe que l’on soit d’accord avec lui sur tout, ou non, mais ce mélange de rigueur scientifique et d’audace intellectuelle en faisait un chercheur charismatique.
 
Avec le temps, il m’est apparu clairement que la cryptozoologie constitue une forme d’ « ethnozoologie », à la croisée de l’inventaire de la biodiversité – chaque année, l’on découvre des milliers d’espèces – et de l’étude de l’imaginaire humain.
 
 
 
 
Actusf : D'où vous est venue l'idée de faire un essai complet sur l'apport de la cryptozoologie, son histoire, ses erreurs, ses découvertes ? Combien de temps cela vous a-t-il pris pour l'écrire ? Comment s'est passé le contact avec votre maison d'édition ?
 
En langue française, il n’existait plus de panorama d’ensemble du champ cryptozoologique en un volume, mobilisant différents outils d’analyse scientifiques. Je me suis donc attelé à la rédaction d’un tel ouvrage. J’avais entamé ce travail depuis quelque temps quand un ami m’a appris que l’éditeur de sciences naturelles Delachaux & Niestlé souhaitait éditer un livre de ce type. J’ai donc pris contact avec eux. Au total, l’écriture de Du Yéti au Calmar géant m’a pris 1 an et demi.
 
 
 
Actusf : Il y a deux types de cryptozoologie, celle qui s'intéresse à des espèces "cachées" ou disparues et qui aboutit parfois à des découvertes scientifiques étonnantes, et celle qui se nourrit de mythes, de contes et légendes, si ce n'est pas de théorie du complot et de forfaitures en tout genre. Pouvez-vous nous en dire plus sur cet aspect du genre ?
 
Il est clair que la cryptozoologie que je défends est celle des naturalistes, une forme de « scepticisme ouvert » qui se donne les moyens d’analyser de façon rationnelle les témoignages relatifs à des animaux supposés inconnus. Celle des « true believers », qui s’abreuve de rumeurs et des informations les plus invraisemblables, abdiquant tout esprit critique, ne m’intéresse pas – même si elle est partie prenante d’un certain imaginaire contemporain, très présent sur le Web.
 
 
 
Actusf : Votre (beau) livre est avant tout un essai scientifique s'intéressant à l'apport de la cryptozoologie à la science, mais également un formidable documentaire où vous analysez et démythifiez avec talent et rigueur bon nombre de mythes appartenant à la cryptozoologie, que ce soit Nessie, le Bigfoot, le Yéti ou le Tigre de Tasmanie. Derrière ces créatures fantastiques qui ont fascinés tout au long des siècles, n'y a-t-il pas, chez l'homme, l'envie de croire que tout n'a pas encore été découvert et expliqué ? 
 
Bien sûr, l’inconnu nous fascine tous. Mais tout n’est pas que fantasmes en la matière : chaque année, l’on découvre des dizaines de nouvelles espèces de vertébrés ! Au début des années 1990, le Saola, sorte d’intermédiaire zoologique entre la chèvre et l’antilope, a bel et bien été débusqué au Nord-Vietnam.
 
 
 
Actusf : Quelle est l'histoire qui vous a le plus fasciné ? La créature que vous rêveriez de voir ?
 
Je citerais ici deux dossiers cryptozoologiques parmi mes favoris : celui de l’Orang pendek, grand singe énigmatique qui vivrait dans la sylve indonésienne, et le cas débattu d’une grande loutre marine sur la côte de Guinée…
 
 
 
Actusf : L’océan semble receler bon nombre de "créatures" étonnantes, le prochain champ d'études de la cryptozoologie n'est-il pas là ?
 
Il est certain que la mer recèle un potentiel de biodiversité ignorée incroyable : l’on estime qu’au moins un tiers des espèces marines sont encore inconnues de la Science, et les fonds océaniques sont moins bien cartographiés que la surface de la lune… Dans le domaine de la faune marine, il faut s’attendre à l’inattendu !
 
 
 
Actusf : Pourriez-vous nous parler de vos travaux en cours, et de ce que vous souhaitez étudier dans les années à venir ? 
 
Je m’intéresse de plus en plus à l’évaluation et l’appropriation éventuelle des « ethnosavoirs », des connaissances traditionnelles possédées par des groupes humains, par la Science. Par ailleurs, j’ai un projet d’ouvrage sur les découvertes récentes des neurosciences concernant la proximité cognitive et émotionnelle de l’Homme et du reste du monde animal.
 
 
 
Actusf : Le mot de la fin vous appartient.
 
L’imagination humaine est fertile, mais l’inventivité de la nature la surpasse fréquemment.
 
 

à lire aussi

Genres / Mots-clés

Partager cet article

Qu'en pensez-vous ?