ActuSF : Que représentent les Imaginales d'Epinal pour vous ?
Hélène Larbaigt : Les Imaginales sont bien sûr le grand rendez-vous des cultures de l’Imaginaire en France. Mais c’est véritablement un très bel événement, avec beaucoup d’effervescence, des tables rondes passionnantes, de nombreuses rencontres. Toute personne qui a vécu les Imaginales pourra témoigner de la richesse de ce festival. Au-delà de ça, les Imaginales ont aussi une dimension très humaine, qui me touche particulièrement, que ce soit avec les organisateurs, les éditeurs, entres auteurs, entre lecteurs. Je pense aussi que le festival s’engage de toutes les manières possibles. Les Imaginales ont le courage de défendre leurs choix, leurs coups de cœur, leurs livres, leurs auteurs. Elles n’hésitent pas à récompenser des auteurs et des illustrateurs inconnus ou des autodidactes. Et pour tout cela, merci et bravo !

Vous avez réalisé l'affiche de la 15ème édition des Imaginales qui se tiendra de 26 au 29 mai 2016 à Épinal. Comment l'avez-vous conçue ? Aviez-vous un cahier des charges particulier ?
Hélène Larbaigt : Idéalement mais non impérativement, j’avais de nombreux éléments à intégrer dans l’affiche : différents monuments de la ville (le château, la tour chinoise, la maison romaine), des références à la fantasy, le fantastique, la science-fiction, le roman historique, la BD, le cinéma, le jeu et bien-sûr le thème (R-évolutions) et le pays invité : les Etats-Unis. Stéphane Weiser m’avait également parlé de la volonté des Imaginales d’ouvrir encore davantage le festival aux familles. Tout intégrer était assez ambitieux, mais j’ai tenté de relever le défi en regroupant toutes ces références autour du pays invité, du thème et de l’ouverture aux familles.
Dans un décor de cinéma, l’affiche représente tout un groupe de personnages qui part à l’assaut du château d’Epinal (devenu un fort en carton-pâte) sur lequel se trouvent des castors en costume de révolutionnaires ou de pirates. Des loutres en costume de pèlerins illustrent la chasse aux sorcières de Salem, un hippocentaure amérindien brandit la Liberty Bell (symbole de l’indépendance américaine), conservée à Philadelphie, le tatou dans sa petite soucoupe volante est un clin d’œil à l’affaire Roswell au Nouveau-Mexique - état dont l’animal symbole est justement le tatou- mais on trouve également l’Homme en fer blanc du Magicien d’Oz référence au livre de L. Frank. Baum mais aussi au film de Victor Flemming avec Judy Garland. Le personnage central de l’illustration représente Ruby Bridges première petite fille afro-américaine à intégrer une école pour blancs, c’est aussi un hommage à Norman Rockwell illustrateur américain que j’admire énormément qui a peint une superbe illustration de Ruby Bridges lors de son 1er jour d’école « The problem we all live with » :

Ce joyeux petit monde, auquel s’ajoutent grizzli, ratons-laveurs magiciens et grenouilles hilares, est surveillé par un aigle (symbole des Etats-Unis) drapé dans un costume proche de celui de Superman. Le fait que les protagonistes soient principalement des animaux donne incontestablement un ton jeunesse à l’affiche, mais c’est aussi une référence aux légendes amérindiennes, à des contes qui mettent en scène des animaux doués de parole et de raison, et qui souvent sont des contes étiologiques.
J’avais aussi envie de voir le thème « R-évolution » à travers le prisme d’une certaine histoire : le génocide amérindien, la ségrégation, la place des femmes (la chasse aux sorcières). Espoir ou ironie, au centre de l’image un hippocentaure amérindien brandit la Liberty Bell, sur laquelle fut gravée la citation « Vous proclamerez la liberté dans tout le pays pour tous ses habitants », une petite sorcière vole haut dans le ciel jetant un dernier regard au pèlerin accusateur resté à terre, tandis que Ruby Bridges, un livre sous le bras file droit devant… l’Evolution ou la Révolution ça peut aussi être l’évocation, par de petites touches ou de lointaines références, de thèmes un peu inhabituels, peut-être, sur des affiches de fantasy.
Invitation au voyage dans un monde imaginaire ou affiche aux multiples symboles, avec cette illustration chacun est libre d’emprunter son propre chemin de briques jaunes, comme dans le Magicien d’Oz.
Vous aurez également une exposition dédiée pendant les imaginales, à La Maison du Bailli. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les œuvres que nous pourrons y trouver ?
Hélène Larbaigt : Il y aura principalement des originaux et des reproductions de « l’Etrange Cabaret…des fées désenchantées » sorti aux Editions Mnémos en 2014 et qui a reçu le prix Imaginales de l’Illustration l’an dernier. Mais on trouvera également les originaux en couleur de toutes les affiches et couvertures que j’ai réalisées ces derniers mois : l’affiche des Imaginales, celle des pays d’Aix, la couverture de l’anthologie des Imaginales et mes travaux pour les Editions Psyché. Devraient aussi être exposés quelques originaux de mon 1er livre et des travaux divers. Il y aura à la fois des crayonnés, des originaux en couleur, à l’encre et à l’aquarelle et des reproductions d’illustrations en techniques mélangées : crayon, encre, digital painting.
Vous avez obtenu le Prix Imaginales de l’Illustration 2015 pour L'Étrange Cabaret (Mnémos), vous réalisez l'affiche des Imaginales et celle du festival de l’imaginaire des Pays d’Aix de Lambesc... Qu'est ce que cela vous fait d'avoir cette reconnaissance du monde de l'imaginaire ?
Hélène Larbaigt : J’en suis très heureuse bien évidemment, profondément touchée, et encore incrédule. Lorsqu’on est autodidacte dans un domaine (dans mon cas l’illustration), on se sent souvent illégitime face à ceux qui ont appris de manière plus classique. On travaille beaucoup à rattraper ses lacunes, à tenter d’acquérir plus de technique, à apprendre par soi-même en trébuchant beaucoup. On se sent toujours un peu pirate, un peu bâtard, tout en désirant faire ses preuves. Mais la reconnaissance aide à franchir des barrières, celles que l’on s’érige seul, la plupart du temps. Elle véhicule aussi beaucoup d’espoir je trouve, pas seulement d’un point de vue personnel mais en général, car elle démontre que les formations classiques ou les écoles d’art ne sont pas la seule et unique voie et qu’il y a encore un peu de place aujourd’hui pour quelques outlaws…Comme dans n’importe quelle entreprise créative je pense, on redouble de courage dès lors que vient cet espoir. On veut faire encore plus et encore mieux. Cette reconnaissance c’est une chance à saisir, une occasion de se dépasser dans ses futures créations.

Avez-vous des projets en cours ? Quels seront vos prochaines publications ?
Hélène Larbaigt : J’ai eu plusieurs commandes de couvertures cette année, en mai sortira l’anthologie des Imaginales aux Editions Mnémos et en juin le 1er tome d’une série pour adolescents entre fantasy et anticipation aux Editions Psyché. Les originaux de ces couvertures seront visibles à la galerie du Bailli à Epinal pendant les Imaginales. D’un point de vue plus personnel, je travaille sur différents projets tant écrits qu’illustrés. Mais nous verrons bien lequel trouve sa voie en premier.
Où les lecteurs pourront-ils vous croiser en dédicace ?
Hélène Larbaigt : Sur le stand de la libraire en compagnie des autres auteurs, comme l’an dernier, et ils pourront aussi m’apporter leurs livres ou leurs affiches, lors de mes heures de présence à la galerie du Bailli, que je signerai avec grand plaisir !