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Interview 2016 : Paul Martin Gal pour La Cité des lamentations
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Interview 2016 : Paul Martin Gal pour La Cité des lamentations

Actusf : Bonjour Paul Martin Gal, pourriez-vous vous décrire comme si vous étiez une pièce archéologique ?
 
Voilà un exercice auquel je n'avais jamais pensé !
Une plaque de marbre avec un nom dessus : cela permet d'échapper à l'oubli... 
  
Actusf : Un recueil de nouvelles mettant en scène l'aventurier Irvin Murray, en  Afghanistan, dans les années 30 vient juste de paraître aux éditions Nestiveqnen. Pourriez-vous nous raconter la création de ce héros celte flamboyant ?
 
Il est né de la lecture des nouvelles de Howard, parues il y a une trentaine d'années aux Nouvelles Éditions Oswald : ils ont traduit beaucoup d'inédits, et parmi ceux-ci El Borak. Or, à la même époque, il y avait la guerre d'Afghanistan, entre 1980 et 1989, opposant l'Armée soviétique aux « combattants de la liberté » afghans. Du coup, j'ai découvert à la fois le héros de Howard et (à distance) la réalité de ce pays. De ces deux éléments est née l'envie de raconter d'autres histoires, fantastiques (El Borak est « réaliste »), mettant en scène cette région du monde.
 
 
Actusf : Nous avons droit en tout à neuf nouvelles, pleines de bruit et de fureur, acceptez-vous de revenir sur l'écriture de celles-ci, que ce soit en nous dévoilant vos techniques d'écriture ainsi que le temps qu'il vous a fallu pour les créer ?
 
Ces neuf nouvelles ont été écrites sur... presque 30 ans ! La « Cité des Lamentations », qui ouvre le recueil, est la première que j'aie jamais achevée : elle a beaucoup de défauts, des longueurs, mais... c'est la première. La dernière du recueil est la dernière que j'aie écrite, et elle est plus proche de ce que j'essaie de faire aujourd'hui. Créer une atmosphère, des personnages, sans temps mort ni longueur. La nouvelle est un exercice contraignant, mais une bonne nouvelle, c'est une lecture enthousiasmante.
 
Entre les deux, il y a des nouvelles écrites sur un temps long. Parfois, elles sont restées inachevées pendant des mois, voire des années. Mais comme j'écris pour le plaisir, j'ai le temps d'y revenir, de réfléchir à la fin de l'histoire, qui doit être originale (enfin, j'essaie !).
Mais parfois, j'écris en quelques semaines. Si j'ai le temps et l'inspiration, l'histoire peut être bouclée rapidement. Elles y gagnent souvent en impact, car elles sont plus denses, plus cohérentes.
 
Actusf : Pourriez-vous nous parler des différences entre l'Afghanistan fantasmé et réel des années 1930 (et d'aujourd'hui sur lequel vous revenez dans quelques-unes de vos notes de bas de page), le réel prenant une part prépondérante dans chacune des aventures ?
 
D'abord, je n'ai jamais eu l'occasion d'aller en Afghanistan, mais je suis curieux de l'histoire de ce pays depuis les années 1980, jusqu'à aujourd'hui. Ce pays est une mosaïque de peuples et un carrefour de civilisations très anciennes. Entre les mœurs, disons, rudes, de certaines tribus, et leur hospitalité traditionnelle, les sites archéologiques (fouillés en grande partie par des Français) et les paysages exceptionnels, c'est un terrain d'aventure idéal. En tout cas, d'aventures imaginaires : l'évolution récente de l'Afghanistan n'incite pas à s'y promener, alors qu'avant les années 1980, il y avait beaucoup de touristes occidentaux dans ces régions, et l'hospitalité était la règle. C'est pour cela que j'essaie toujours de renvoyer le lecteur vers du « vrai » : la part d'imagination est dominante dans ces nouvelles, mais il y a souvent une base réelle, ou un mouvement d'humeur de ma part...
  
Actusf : Il y a certes des monstres (indicibles, des djinns, des peuples oubliés ou issus de diverses mythologies, comme celle de la Grèce antique), mais vous vous attardez surtout longuement sur la mythologie chrétienne, à travers la figure de Lucifer. Cet aspect m'a fasciné, pourriez-vous nous en dire plus ?
 
Ce qui m'intéresse, comme le fait Howard dans certaines de ses nouvelles, c’est de créer un passé fantastique à partir d'éléments « réels ». Les mythes grecs sont très riches, mais la figure du Mal (commune au christianisme et à l'islam, mais aussi aux Perses, aux Yezidis, etc.) permet de placer le héros dans une situation épique. Dans un film, « il faut réussir le méchant », disait Hitchcock : c'est pareil dans une nouvelle fantastique ! Et il faut le renouveler, sinon l'impression de déjà-vu déçoit le lecteur. Et comme pour les paysages et les sites archéologiques, ma source d'inspiration se trouve dans les textes anciens, perses, grecs, latins, etc. L'homme a beaucoup d'imagination en ce qui concerne le Mal, depuis toujours.
 
  
Actusf : On trouve ici et là des clins d’œil à Howard, et le héros lui rend honneur, mais je suis sûr que vous vous êtes amusé à en mettre d'autres, non ?
 
Un des personnages secondaires de « la Venue du Vetr » n'est autre que... Lawrence d'Arabie ! Après l'aventure arabe, il s'est réengagé dans l'armée comme simple soldat et a été envoyé incognito au nord de l'Inde britannique, au Pakistan actuel. Je me suis amusé à imaginer la rencontre...
 
Sinon, dans ces nouvelles, il n'y a pas d'autres sens caché. Désolé...
  
Actusf : En refermant ce recueil, nous n'avons qu'une envie, c'est de vivre d'autres aventures avec ce héros charismatique, y pensez-vous ? Rêvez-vous de le mettre en scène dans un roman ?
 
J'ai quelques autres nouvelles, dont une longue, que je dois finir depuis... quelques années ! Ce sera peut-être l'occasion. Et puis, du fait de ce premier volume et alors que j'écrivais pour le plaisir, dans mes moments de détente, cela m'a donné envie d'imaginer d'autres histoires. Mais entre l'idée et l'écriture achevée, il y a le temps libre : et là, c'est aléatoire.
 
Actusf : Y a t-il un moyen de suivre votre activité d'auteur ? Allez-vous être présent dans des salons ?
 
Alors : non, je n'ai pas de blog, je n'ai pas assez de temps pour écrire, alors je n'alimente pas ce genre de site ! mais je réponds avec plaisir à vos questions... Quant à être présent sur un salon : comme j'ai une activité professionnelle principale, c'est compliqué. Mais bon... on ne sait jamais.
 
Actusf : Travaillez-vous d'ores et déjà sur d'autres projets ? Lesquels ?
 
Oui, toujours dans la continuité des textes que j'ai aimé lire, de Howard, Lovecraft ou d'autres encore, il y a des nouvelles fantastiques qui se situent dans des époques anciennes, surtout autour de l'Antiquité. Et d'autres projets, autour de certains héros de Howard, en hommage... à voir avec Nestiveqnen !
 
 
  Actusf : Bonjour Chrystelle, Nestiveqnen est une maison d'édition ancrée dans le monde de l'imaginaire depuis pas mal d'années, mais qui a connu un passage à vide ces dernières années, peut-on considérer ce recueil comme un retour à une activité plus régulière ? 
 
En réalité, les publications de Nesti ont recommencé doucement en 2011-2012, principalement avec la réédition de titres épuisés. Puis nous avons repris ce que nous adorons faire : découvrir de nouvelles plumes. Olivier Boile (autant à l’aise en fantasy humoristique qu’en fantasy historique), Sébastien Thréhout (qui a signé une incroyable trilogie de dark fantasy), Guillaume Roos (avec un très beau recueil de nouvelles fantastiques) et tout récemment Paul Martin Gal.
 
 
Actusf : Comment avez-vous découvert celui-ci et qu'est-ce qui vous a attiré pour envisager une publication? 
 
C’était il y a quelques années déjà… Nous avions reçu par la Poste un recueil de nouvelles. Leur lecture nous avait enthousiasmés : nous y retrouvions ce souffle épique, cette exaltation propre aux Héros de la littérature (Howard, Stevenson, Kipling). Hélas, les nouvelles n’étaient pas assez nombreuses pour envisager une publication. Puis le manuscrit a été égaré : un déménagement, un changement de pile et plusieurs années se sont écoulées avant que nous ne remettions la main dessus. Heureusement, l’auteur avait mis à profit ces années pour poursuivre l’histoire de ses héros… 
 
Actusf : Pourriez-vous nous parler du travail éditorial autour de ce livre (contact, travail de relecture, de corrections, etc.) mais également nous parler de la couverture mettant en scène un passage de l'une des nouvelles (et ayant un côté très lovecraftien pour le coup) ? 
 
À la lecture des derniers textes envoyés par l’auteur, il y avait une différence évidente de style par rapport au tout premier recueil… Nous avons alors aidé l’auteur à donner un petit coup de « polish », notamment sur ses premières nouvelles pour en harmoniser le style. Nous avons apporté un soin tout particulier à la nouvelle « La cité des Lamentations » : il s’agissait d’y gagner en concision, en précision et en rythme, notamment car c’était le tout premier texte rédigé par l’auteur, mais aussi car c’est cette nouvelle qui allait ouvrir le recueil. Paul Martin Gal a été très patient lors de nos échanges épistolaires pour régler les détails (traductions, éclaircissements, notes de bas de page, etc.). Qu’il en soit remercié !
 
Concernant la couverture, elle retranscrit très bien l’ambiance générale du recueil : le héros aux prises avec l’indicible (ici sous la forme d’un monstre chtonien) sur un décor antique de pilleurs de tombes. Sans oublier l’Afghanistan en toile de fond en la présence des Pashtouns. Daniel Balage a réalisé une couverture magnifique !
 
Actusf : Pourriez-vous nous parler des futures sorties de Nestiveqnen ? 
La saison 2017-2018 devrait être riche en publications. Il y aura tout d’abord un roman de fantasy russe signé Olivier Boile. Deux romans de SF écrits par de nouvelles plumes. Sans oublier les publications des auteurs qui nous ont soutenus, même dans les moments difficiles : un recueil de nouvelles mettant en scène le truculent Capitaine Providence de Philippe Monot, la suite de « Chair et d’os » de Didier Quesne, mais aussi Catherine Dufour qui planche sur sa série de fantasy humoristique, François Darnaudet (les Gardiens des Fissures veillent toujours)…
 
Actusf : Et pour conclure quel est votre ressenti actuel, à tous les deux, sur le monde de l'imaginaire, qui connaît pas mal de sorties, d'expériences diverses (collections de novellas, utilisation du Crowdfunding pour mener à bien des projets, retour à des recueils de nouvelles, et place minorée du livre virtuel au détriment du livre physique), et comment vous situez-vous par rapport à tout cela ?
  
Paul Martin Gal : Je suis heureux que les nouvelles soient à nouveau un genre apprécié. Quand j'étais plus jeune, Tolkien était peu connu et l'Heroic Fantasy un genre confidentiel ; aujourd'hui, il y a beaucoup de grandes sagas d'Heroic Fantasy, mais le format "short stories", tel que Howard le pratiquait, a peu d'adeptes. Or, lire une nouvelle réussie, c'est un grand plaisir de lecture !
 
Le livre numérique est un outil de diffusion intéressant. Mais moi, j'ai des bibliothèques remplies de livres, que je lis et relis... Une belle édition, une belle couverture, rajoute au plaisir du texte. Heureusement, il y a des éditeurs qui font de belles choses...
 
Chrystelle Camus : Personnellement, je ne pense pas que le livre papier va complètement disparaître (après tout, n’avait-on pas prédit la mort du cinéma à l’arrivée de la télévision ?). Toutefois, je ne donne pas plus de deux générations au livre numérique pour s’implanter massivement : moins cher, plus pratique et plus léger (marre des 165 cartons de livres à trimballer à chaque déménagement !). Pour que le livre papier reste visible et attractif, c’est peut-être à nous, éditeurs, de nous adapter, en proposant des objets de qualité (en soignant la présentation, par exemple). 
Quant à la nouvelle, c’est un genre exaltant et exigeant qui permet de très belles découvertes. Nous comptons continuer d’en publier, car nous aimons ça. D’ailleurs, Nesti vient de lancer deux appels à textes : « Sur les traces de Conan » et « Sur les traces de Lovecraft ». 
 

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