ActuSF : Le 24 mars, « Pulps », dont vous êtes le directeur de collection, va décoller avec Les Vandales du vide de Jack Vance. C'est la deuxième nouvelle collection cette année au Bélial’, après « Une Heure-Lumière ». Comment est-elle née ?
Pierre-Paul Durastanti : J’aimerais répondre que c’est le fruit d’une longue réflexion, et c’est un peu vrai, mais le hasard des parutions a beaucoup joué. En gros, quand Olivier Girard, au siècle dernier (eh oui), m’a proposé de collaborer avec lui sur le plan éditorial, j’ai tout de suite pensé à du contenu pulp, puisque les premiers projets que je lui ai soumis, dont certains ont mis de longues années à se concrétiser, concernaient notamment Jack Williamson et Leigh Brackett, deux écrivains emblématiques de la SF d’aventure (mais pas que, bien sûr). Une fois publié des omnibus de trilogies ou de séries, on allait se retrouver un peu à l’étroit : comment indiquer au lectorat qu’une maison qui publie souvent soit des livres ambitieux, soit des gros volumes patrimoniaux, proposerait aussi certains bouquins lorgnant sur l’aspect fun du genre ? Comme Les Vandales du vide incarnait cette orientation, j’ai conçu l’idée d’un label dédié. Olivier m’a convaincu de créer une vraie collection que je dirigerais.

ActuSF : Sur le blog du Bélial, vous présentez « Pulps » comme "Un espace voué à l’Aventure. […]. Ce qui préside ici, c’est la science-fiction sur grand écran. Il s’agit de distraire sans se prendre au sérieux." « Pulps », c'est donc de la science fiction pour le plaisir avant tout, c'est bien ça ? Une façon de rappeler que la SF n'est pas que la hard science ou l'anticipation politique et sociétale ?
Pierre-Paul Durastanti : L’un des nombreux atouts du domaine, c’est la richesse de sa palette. J’ai été marqué, lors d’une soirée en librairie à Paris où Gilles Dumay m’avait emmené, par l’intervention d’un vieux monsieur, dont je pensais jusqu’alors, assez bêtement, qu’il se trouvait dans le public par hasard, expliquant qu’il n’arrivait plus à lire de la SF moderne parce qu’elle était trop complexe, trop autoréférentielle. J’ai pu constater depuis lors que ce lecteur n’était pas un cas isolé.
Je traduis volontiers du Greg Egan et du Ken Liu, et j’adore me frotter à ce genre de défi, mais j’ai débuté comme lecteur, à la fin des années 70, par « Anticipation » et les « Les Meilleurs récits de… », ces anthologies pulps de Jacques Sadoul chez J’ai Lu, tout en plongeant dans Dick, Jeury et Silverberg en dévorant le livre-revue Univers ou Fiction et Galaxie, autant de chantres de la modernité. Mon but, avec « Pulps », c’est de donner à lire du neuf qui soit classique par l’âge ou par l’approche. Ou à relire du mieux, ce qui impliquera des traductions révisées si nécessaire.
ActuSF : J'imagine que, rien qu'avec les auteurs classiques, le corpus de livres publiables dans cette collection doit être considérable. Comment procédez-vous au choix des textes ? Y aura-t-il des récits inédits ?
Pierre-Paul Durastanti : Déjà, ce Vance est inédit. J’espère arriver à la parité. Ce ne sera pas difficile : il y autant de bouquins traduits mais non repris que d’inédits intéressants (à mon goût) dans la vieille SF. Par ailleurs, je veux inclure des ouvrages plus récents mais que je considère comme pulps dans l’esprit. Martin et Dozois, qu’on connaît bien chez ActuSF, ont donné deux anthologies épatantes, Old Mars et Old Venus, qui exploitent à plaisir cette veine nostalgique sans verser dans le passéisme bête. C’est une source d’inspiration parmi d’autres.
Pour choisir, c’est simple : j’ai une grande bibliothèque, et ma liseuse me donne accès à la richesse d’un patrimoine anglo-saxon qui connaît une nouvelle jeunesse grâce aux livres électroniques, alors je lis et je relis beaucoup, sur papier comme sur écran. Je m’empresse de préciser que j’ai aussi des projets français, voire, si je trouve un mode de fonctionnement satisfaisant, dans d’autres langues.

ActuSF : « Pulps » se lance (ou plutôt se propulse) avec Les Vandales du vide de Jack Vance. Pouvez-vous nous présenter ce roman ?
Pierre-Paul Durastanti : Je m’en voudrais de donner l’impression que j’ai découvert un chef d’œuvre inconnu du vieux maître. Les Vandales du vide correspond à son titre : un petit bouquin que je trouve sympa comme tout. Il avait les qualités requises pour la collection : de l’aventure, un format assez resserré (232 pages), une vraie facilité d’accès, mais du sense of wonder. Malgré le choix de l’auteur — qui déjà en 1953 avait entrepris les séries « Magnus Ridolph » et « La Terre mourante » et maîtrisait donc son style très particulier — de jouer la simplicité, on y trouve descriptions emblématiques, personnages ambigus et intrigue policière. J’espère qu’il plaira, par-delà l’aspect : « Complétez votre collec’ Vance ».
ActuSF : Quelle sera la suite des publications de « Pulps » ?
Pierre-Paul Durastanti : On commence doucement. J’envisage un second bouquin pour la fin de l’année. Si le projet plaît, on augmentera le rythme de parution. Comme il n’y a rien de signé encore, vous me pardonnerez de ne rien annoncer de peur d’être démenti par les agents avec lesquels nous avons pris contact pour les prochains titres. Les pistes sont très, très nombreuses, d’autant que je ne compte pas me limiter aux romans — j’envisage des recueils, voire des anthologies —, ni aux auteurs déjà au catalogue du Bélial’, ni aux inédits, ni aux anglo-saxons. Il y a des galaxies entières à notre disposition.
ActuSF : Le mot de la fin : que voulez-vous dire pour convaincre ceux qui hésiteraient encore à se lancer à l'aventure dans les étoiles avec « Pulps » ?
Pierre-Paul Durastanti : Là encore, j’aimerais ne laisser planer aucune ambiguïté : « Pulps », c’est un espace ludique. Lorsque je veux donner à lire de la SF ambitieuse, je propose à Olivier Le choix, de Paul McAuley, dans « Une Heure-Lumière », pour prendre un exemple tout récent (et très cher à mon cœur).
Icy sont les Étoiles de la mort, autrement dit. Venez vous amuser.
