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Interview 2016 : Sans détour sur Lovecraft dans l'univers du jeu
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Interview 2016 : Sans détour sur Lovecraft dans l'univers du jeu

ActuSF : H.P. Lovecraft est extrêmement à la mode dans le jeu, que ce soit le jeu de plateau (Horreur à Arkham, Les Demeures de l'épouvante), les jeux de cartes ou le jeu de rôle (L'Appel de Cthulhu…). Qu'est-ce qui fait la communauté geek se soit autant emparé de son œuvre ?
Éditions Sans-Détour : C’est une mode assez ancienne : le jeu de rôle L’Appel de Cthulhu date des années 80. Mais c’est vrai qu’on assiste régulièrement à de nouvelles adaptations de l’œuvre vers différents types de jeux. On peut d’abord considérer que le mythe de Cthulhu a bénéficié, et bénéficie toujours, d’un traitement littéraire assez vaste. Plusieurs auteurs l’ont porté par écrit et leurs héritiers poursuivent l’édification du mythe encore de nos jours.
Le mythe permet toutes les interprétations et toutes les libertés. On peut même imaginer qu’il a été conçu pour ça ! C’est un univers que chacun peut enrichir à sa manière, qu’il s’agisse d’y apporter une vision de l’épouvante, de l’inconnu ou de l’insignifiance de notre condition humaine. La communauté geek a vite fait de s’approprier ce genre de champs d’investigation pour le détourner, le tordre, etc. C’est ce qui peut arriver de mieux à un univers si l’on veut qu’il se développe, et même qu’il survive, simplement.
 
 
ActuSF : Est-ce que le fait que les œuvres de H.P. Lovecraft soient passées dans le domaine public a accéléré ce phénomène de réappropriation par le monde ludique ?  
Éditions Sans-Détour : C’est possible, mais il faut savoir que si H.P. Lovecraft a initié le mythe de Cthulhu, de très nombreux auteurs ont complété son œuvre et leurs textes ou illustrations sont encore détenus par des ayants droit. Dans ce cas, il devient difficile de démêler ce qu’on peut exploiter du reste. En revanche, il est toujours possible d’innover et d’inventer de nouveaux aspects du mythe et sur ce point, le monde ludique n’est jamais en reste.
 
ActuSF : L'Appel de Cthulhu a été un des premiers jeux de rôle, et son succès ne diminue pas avec une 7e édition qui a fait un carton sur Ulule. Qu'est-ce qui fait que le jeu de rôle marche encore de nos jours aussi fortement ? Qu'est-ce qui plaît toujours autant aux joueurs, de génération en génération ?
Éditions Sans-Détour : Malheureusement, fort peu de titres sont capables d’attirer un large public. Mais d’un autre côté, il existe tellement de jeux développant tellement d’univers que les curieux finissent toujours par trouver celui qui leur convient. De plus, le jeu de rôle a meilleure presse aujourd’hui qu’il y a 20 ans et de nouveaux joueurs découvrent ce loisir régulièrement. Cela est dû à l’initiation d’une nouvelle génération de joueurs par les anciens et par le remarquable travail des clubs et conventions qui partagent leur passion et font découvrir leur hobby. 
Les nouvelles technologies facilitent également la rencontre des joueurs et la découverte de jeux. Ou alors, les amateurs savent exploiter ces nouvelles ressources et les plier à leur volonté pour continuer à pratiquer leur loisir favori.
 
ActuSF : Le visuel est toujours un élément complexe dans l'univers du mythe de Cthulhu et de ses "indicibles" créatures. Illustrer un jeu de rôle, est-ce que c'est très similaire à illustrer une histoire ou une couverture de roman ? Comment avez-vous travaillé avec Loïc Muzy, qui a illustré les suppléments de L'Appel de Cthulhu chez Sans-Détour ?
Éditions Sans-Détour : Avant de s’atteler à la réalisation de toutes les illustrations d’un supplément, Loïc et le directeur artistique conviennent ensemble du résultat attendu. Certains suppléments, comme Les 5 Supplices, qui se déroulent en Chine, ou Les Contrées du Rêve, qui se passent « ailleurs », sont très connotées et doivent conserver de la cohérence. En revanche, un recueil de scénarios peut regrouper des histoires faisant se côtoyer diverses atmosphères et donc plusieurs angles de vues. 
Dans certains cas, Loïc a carte blanche pour illustrer le mythe de Cthulhu chez Sans-Détour. Il associe toujours le directeur artistique à ses décisions, mais il peut laisser libre cours à son imagination pour déterminer la couverture d’un ouvrage ou une créature indescriptible (!). Pour la 6e édition de L’Appel de Cthulhu, notre parti pris avait été de ne pas représenter les dieux du mythe frontalement, mais indirectement via des statuettes, amulettes ou autres objets à leur effigie. C’est une manière de contourner la difficulté de mettre l’indescriptible en images.
Dans d’autres cas, en particulier pour les scénarios, les rédacteurs peuvent avoir fait un descriptif de la scène ou de la créature qu’ils souhaitent voir illustrer : celle illustration peut aider le gardien dans sa compréhension de l’histoire ou permet de mettre en avant un élément clé du récit.
Mais surtout, Loïc a une telle vision du mythe de Cthulhu qu’il sait sublimer les descriptifs proposés par les scénaristes. D’ailleurs, ils sont plusieurs à vouloir tenter une expérience originale : ils aimeraient que Loïc conçoive des créatures et des scènes selon son bon vouloir, pour seulement ensuite rédiger le scénario qui les mettrait en valeur.
 
ActuSF : Vous êtes joueur. Y a-t-il un souvenir de partie de L'Appel de Cthulhu que vous voulez partager avec nous ? Avec, ou sans tentacules dedans ?
Éditions Sans-Détour : Plaçons-nous du côté du meneur de jeu si vous le permettez. Les scénarios que nous travaillons prennent généralement leur inspiration dans l’histoire proche du début du XXe siècle. Et bien après toutes ces années, nous restons impressionnés par l’étrangeté de certaines anecdotes historiques. Le fait qu’elles soient authentiques les rend encore plus terrifiantes. Comme cette étrange épidémie de sommeil au début des années 20, qui plongea dans le coma des millions de personnes. Voici un épisode oublié de nos jours, mais si on le regarde à travers le prisme du mythe, on peut se demander quelles entités ont bien pu s’immiscer dans les cauchemars des malades…

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