ActuSF : Comment s’est créée cette collection chez Scrineo ?
Stéphanie Nicot : C’est un projet auquel je pensais depuis un bon moment, mais pour créer une collection, il faut une maison d’édition avec laquelle on se sent en harmonie. Directrice artistique des Imaginales, je travaille avec de nombreux éditeurs que j’apprécie, et qui auraient sans doute pu être intéressés par mon projet. Si j’ai d’emblée contacté Jean-Paul Arif, fondateur de Scrineo, c’est parce que je savais que la maison d’édition voulait se développer, et qu’elle cherchait donc des projets éditoriaux ; c’est aussi parce que la qualité des ouvrages publiés et le professionnalisme de l’équipe éditoriale m’ont donné envie de travailler avec Scrineo, qui s’est acquis une excellente réputation auprès des auteurs, des libraires et des lecteurs1. J’ai donc touché un mot de mon projet à Jean-Paul Arif, lors des Imaginales 2015, puis je lui ai envoyé une note présentant la collection. Ensuite, les choses se sont faites très vite. Et j’ai pu confirmer aux premiers auteurs approchés que cette collection de SF pour adultes – qui donne la priorité absolue au space opera – allait devenir réalité…
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ActuSF : Le space opera ne semble pas le genre le mieux représenté des lectures de l'imaginaire en France. Pourquoi selon vous ?
S.N. : Jusqu’à une date récente, les éditeurs voulaient tous se lancer en fantasy, relativisant parfois les autres segments de l’imaginaire. Ils publiaient de moins en moins de science-fiction, et quasiment plus de space opera. En conséquence, les auteurs français, s’adaptant à la réalité du marché, en écrivaient de moins en moins ! Ce constat que je faisais depuis quelques années, ActuSF l’a confirmé en donnant la parole à une demi-douzaine de libraires spécialisés. Le verdict des professionnels du livre était sans appel : ils manquaient de space opera à proposer aux lecteurs ! Selon les libraires de Bordeaux (Mollat), Lyon (Trollune) ou Nantes (L’Atalante), le problème actuel en SF, c’est l’offre ! Je partage totalement leur avis, et j’ai donc repris, pour présenter la collection aux journalistes et aux critiques, le cri du cœur de David Bars, libraire à Lannion (Gwalarn) : « Amis éditeurs, si vous me lisez, je vous en prie : mes clients et moi-même voulons du space opera, des aliens, des planètes lointaines et toutes ces sortes de choses ! ».2
ActuSF : Quelle est la ligne éditoriale de cette collection ?
S.N. : Une fois encore, je reprendrai les propos d’un libraire (Stéphane Auroy, à Tours) : « la SF plus divertissante se fait plus rare, et c’est peut-être ce qui manque un peu, des textes de moins de six cent pages avec des idées et qui t’éclatent ». Cette collection, c’est exactement ça : du récit d’aventures qui s’assume, des histoires qu’on ne lâche pas, des personnages auxquels on s’attache, et de l’émotion. En se refusant trop souvent à l’émotion, la SF a parfois été perçue – à tort – comme une littérature “froide”. Cette collection répond donc à la demande des libraires, en espérant toucher un maximum de lecteurs. Certes, je ne m’interdirai rien3, mais attendez-vous à ce que le space opera et le planet opera représentent au moins 80%, voire 90% des parutions.
ActuSF : La collection s’ouvre avec Les Océans stellaires de Loïc Henry. Pouvez-vous nous présenter ce roman ?
S.N. : Loïc Henry s’est spontanément tourné vers le space opera à une époque où le genre n’était plus à la mode en France. Il lui a donc fallu placer ses deux premières nouvelles en… Australie ! Elles y ont été appréciées, l’une d’entre elles étant ensuite reprise en anthologie, et même citée par l’éditrice américaine Ellen Datlow4. Son premier livre, Loar, publié par les éditions Griffe d’Encre, a d’emblée attiré l’attention des professionnels avant d’être réédité en Folio SF (chose rare pour un premier roman !), et de décrocher en 2014 le Prix Imaginales des lycéens. C’est ce qui m’a incité à proposer à l’auteur d’inaugurer ma collection, et ainsi donner une idée claire de ce que je voulais publier : Les Océans stellaires, c’est du vrai space opera d’aventures, entre action et émotion, et il y a des personnages forts et originaux.

ActuSF : Un mot sur les illustrateurs. La couverture des Océans stellaires est de Benjamin Carré. Seront-elles toujours de lui, ou plusieurs artistes interviendront-ils sur la collection ?
S.N. : En France, il y a de grands noms de l’illustration de SF. Tant mieux, car chacun sait que l’image d’une collection tient aussi au choix de ses couvertures ; Benjamin Carré, qui a réalisé les deux premières, donne le ton de ce que nous allons publier, et il est vraiment à l’écoute, ce qui est la marque d’un grand professionnel. C’est donc à lui que Scrineo confiera les couvertures de la collection, et je m’en réjouis.
ActuSF : Est-ce que ce sera une collection 100% auteurs francophones, ou y aura-t-il des traductions ?
S.N. : J’ai toujours aimé les (bons) auteurs étrangers, anglo-saxons en particulier, et là non plus, je ne veux rien m’interdire a priori. J’ai même quelques idées, car si beaucoup de textes de l’âge d’or de la SF ont terriblement vieilli5, quelques-uns mériteraient une réédition. Mais soyons clairs : la collection sera essentiellement, sinon exclusivement, francophone. Les auteurs nationaux ont largement prouvé, dans le domaine de la fantasy, qu’ils étaient au niveau des anglo-saxons. Pourquoi n’en serait-il pas de même en SF ?
ActuSF : Quel sera le rythme de parution de cette collection ?
S.N. : Trois romans par an en moyenne, quatre si l’accueil du public le permet, me semblerait raisonnable.
ActuSF : Et les prochains titres ?
S.N : Il est évidemment trop tôt pour évoquer les publications de 2018-2019, mais j’ai déjà accepté cinq synopsis, dont deux sont bien avancés dans l’écriture (ceux-là devraient paraître fin 2017, ou début 2018), sans parler des trois premiers manuscrits arrivés par la poste, et actuellement en lecture : il s’agit de jeunes auteurs repérés en anthologie ou au speed dating des Imaginales. Quand au second roman de la collection, Étoiles sans issue, il est programmé pour février 2017. Signé par l’un des maîtres français du space opera, Laurent Genefort, ce récit hyper-dynamique et plein de trouvailles donne à sa façon, comme Les Océans stellaires de Loïc Henry, le ton de cette nouvelle collection qui fera désormais rimer Scrineo – déjà bien connu pour ses récits de fantasy et de fantastique moderne – avec science-fiction.
1 L’accueil critique et public de plusieurs space opera écrits ces dernières années par des auteurs français ont d’ailleurs renforcé ma conviction…
2 Bon, David, maintenant il va falloir les vendre, ces space opera que vous nous avez réclamés ;-)
3 J’ai par exemple un excellent roman dystopique entre les mains, et ça me ferait mal au cœur de devoir le laisser à un collègue…
4 http://ellen-datlow.livejournal.com/257207.html
5 Relire trente ou quarante ans plus tard un roman qui nous avait émerveillé autrefois, alors que nous découvrions la SF, est souvent un exercice redoutable…