Actusf : La Geste du Sixième Royaume va être rééditée. Quelle a été l’idée à l’origine de ce roman ?
Adrien Tomas : C’est loin d’être épique : ça peut se résumer à une soirée d’ennui, un soir à Metz, quand j’étais étudiant.
J’ai eu envie de raconter des scènes d’un monde imaginaire - dont aucune ne figure dans le roman par ailleurs - et d’en établir la chronologie et les cartes. Le monde est né avant le roman. Puis de fil en aiguille, j’ai commencé à raconter l’histoire de différents personnages évoluant dans ce monde, à la base sans aucune idée de savoir quand et comment ils allaient se rencontrer.
Actusf : Pouvez-vous nous dire quelques mots sur celui-ci ?
Adrien Tomas : Un barde chassé de sa cité natale pour une histoire de coucheries. Une sorcière déchue enfermée dans un sommeil magique pendant quatre siècles. Un voleur des rues traumatisé par le massacre brutal de sa bande. Un homme-loup évadé d’un cirque. Un marchand ambulant piégé par la garde pour le meurtre d’un de ses fournisseurs. Tous les cinq vont devoir abandonner leur existence et se rejoindre, d’une manière ou d’une autre, au cœur du Sixième Royaume, l’immense forêt interdite au centre du continent. Ils vont découvrir qu’ils ont été marqués à la naissance par une mystérieuse dryade, et qu’il est temps qu’il endossent le rôle qu’elle a conçu pour eux… de gré ou de force.
"Comme j’avais au départ une idée assez vague d’où je voulais aller, j’ai développé les caractères des personnages au gré de mes envies - ce qui m’a ensuite conduit à leur faire prendre les décisions les plus logiques compte tenu desdits caractères [...]"
Actusf : Vous avez créé de nombreux personnages. Ont-ils suivis la route que vous leurs aviez tracé ou vous ont-ils surpris ?
Adrien Tomas : Comme j’avais au départ une idée assez vague d’où je voulais aller, j’ai développé les caractères des personnages au gré de mes envies - ce qui m’a ensuite conduit à leur faire prendre les décisions les plus logiques compte tenu desdits caractères, et faire avancer l’histoire de cette manière. Ils ne m’ont pas échappé au sens premier du terme, mais ils se sont construits au fur et à mesure et, en partant de là, la suite s’est enchaînée quasiment toute seule (mais je me suis réservé le plaisir mesquin de balancer plein d’horreurs sur leur route, évidemment)
Actusf : En avez-vous un préféré ? Pourquoi ?
Adrien Tomas : Dans La Geste, je suppose que Llir était, à l’époque, mon personnage préféré. Il est grande gueule, charmeur, un peu naïf et maladroit, le tout sans oublier d’avoir bon cœur. Je m’identifiais pas mal à lui, il avait des réactions qui auraient pu être les miennes.
Maintenant que j’ai (un peu) mûri, je suppose que j’ai plus d’affinités avec Naorl, l’homme-loup, beaucoup plus pragmatique et sec, avec une vision plus réaliste sans doute, et moins sentimentale. Quand on écrit depuis un certain temps, je suppose qu’il est normal de virer un peu plus sauvage…
"La fantasy me permet d’être maître de tous les éléments du décor et des personnages, ce qui me donne la possibilité de raconter exactement ce que je veux, sans trop de contraintes venant de l’extérieur."
Actusf : Quelques années sont passées depuis l’écriture de ce roman. Maintenant, avec le recul, aimeriez-vous changer des choses ? Procéderiez-vous différemment ?
Adrien Tomas : Je n’ai jamais relu aucun de mes livres en entier. Quelques passages par-ci par-là pour récupérer des informations pour les bouquins suivants, mais c’est tout. En toute honnêteté je n’ai aucune idée de ce que je penserais de La Geste si je le lisais maintenant, mais je pense avoir pas mal évolué dans l’écriture et il y a de fortes chances que je veuille tout réécrire si jamais je mettais le nez dedans… Peut-être qu’un jour je ferai une version revue et corrigée ?
Actusf : Depuis La Geste du Sixième Royaume, vous avez toujours écrit de la fantasy, est-ce un genre qui vous permet de vous exprimer plus facilement ? D’aborder des sujets qui vous tiennent à cœur ?
Adrien Tomas : Oui, la fantasy me permet d’aborder par des chemins détournés des thèmes qui m’intéressent et sur lesquels je m’interroge. La Geste m’a permis de parler d’écologie, d’histoire, de vérité et de mensonge. Dans La Maison des Mages, je m’interroge sur la notion de pouvoir, tandis que le Chant des Epines m’a laissé explorer les thématiques du devoir et de la limite assez floue qu’il peut y avoir entre loyauté et fanatisme.
La fantasy me permet d’être maître de tous les éléments du décor et des personnages, ce qui me donne la possibilité de raconter exactement ce que je veux, sans trop de contraintes venant de l’extérieur. A l’inverse, placer une histoire dans le monde réel me force à obéir à des notions et des règles déjà établies, et je suis un peu trop chaotique-neutre pour supporter ça très longtemps…
"J’aime bien changer d’avis pour mieux coller au caractère de mes personnages, ou avoir une super idée en plein milieu et ne pas me sentir entravé par un cadre que j’aurais moi-même construit."
Actusf : Quand vous avez construit votre univers, vous vous êtes senti plus architecte ou jardinier ? Votre écriture et vos techniques ont-elles évoluées ?
Adrien Tomas : Plutôt jardinier, du coup. J’ai du mal à planifier un roman, parce qu’une fois que je l’ai fait, je n’ai plus aucune envie de l’écrire puisque je sais déjà tout ce qui va s’y passer. J’aime bien changer d’avis pour mieux coller au caractère de mes personnages, ou avoir une super idée en plein milieu et ne pas me sentir entravé par un cadre que j’aurais moi-même construit.
Je pense que mon écriture a pas mal évolué, à force de travailler avec des éditeurs je fais moins d’erreurs, j’identifie rapidement là où je pêche et je tente de corriger. Cela me rend aussi beaucoup plus lent et réfléchi, et je me demande parfois si je n’ai pas perdu un peu en sincérité pour gagner en efficacité et en technique… Les lecteurs me le diront (gentiment).
Actusf : La Geste n’est pas le seul de vos récits à être réédité et cela a été le cas de La Maison des Mages en septembre. Pouvez-vous nous en parler un peu ?
Adrien Tomas : Il s’agit d’une pseudo-suite de La Geste, qui prend place trois siècles après. Elle explore les conséquences des événements ayant eu lieu dans La Geste et l’apparition d’une nouvelle guilde de manieurs de magie, la Maison des Mages, qui entre en conflit avec la sévère Sororité de l’Etoile grise, jusqu’alors unique dépositaires de la sorcellerie.
Tiul, le plus mauvais magicien qu’ait connu la Maison, est contraint de s’allier à Anthalus, mercenaire Nain pragmatique et calculateur. A l’autre bout du continent, l’écuyer Alishr, la championne Esmée et le roi Ythern échappent de justesse à un coup d’état ; tandis qu’au cœur de la Grande forêt, l’Elfe Qiruë se lance dans une quête désespérée.
Actusf : Sur quoi travaillez-vous actuellement ?
Adrien Tomas : Je prépare actuellement la sortie en janvier 2019 d’Engrenages et Sortilèges, aux éditions Rageot, et termine les corrections de Zoomanciens pour les éditions Lynks, qui devrait sortir avant l’été prochain. A côté de ça, je travaille un roman basé sur le personnage de Tia Morcese, que j’ai créé à l’occasion d’un duo de nouvelles en 2015 (pour les anthologies de Trolls & Légendes et des Imaginales). Et quelques autres projets dans les tiroirs, qui attendent que j’aie le temps de m’y coller : un roman fantasy-steampunk, un space-opera et un roman jeunesse, pas forcément dans cet ordre…
Actusf : Où peut-on vous rencontrer dans les mois à venir ?
Adrien Tomas : Les 1 et 2 décembre prochains, à Toulouse pour le Toulouse Game Show. Et je peux déjà annoncer les Oniriques à Meyzieu, près de Lyon, en mars. Ensuite… on verra selon les invitations !