L’Envolée des Enges, le nouveau livre de Claire Krust, sort fin août aux éditions Actusf dans le cadre de la rentrée de la fantasy des Indés de l’imaginaire. Que nous réserve-t-elle après l’univers japonisant teinté de fantastique de son très remarqué premier roman Les Neiges de l’éternel ?
*
Actusf : Avec L’Envolée des Enges, on entre directement dans un monde riche en créatures fantastiques. Pouvez-vous nous présenter les différents peuples de votre récit, tous en lien avec un élément ?
Claire Krust : Ceux dont on parle le plus sont les enfants d’Hélias. On les distingue en trois races : les Elbes, les Êtres de l’eau et les Enges. Tous ont la même particularité : quand ils arrivent à l’âge adulte et qu’ils acquièrent la pleine possession de leurs pouvoirs, ils peuvent atteindre un état d’immatérialité. Les Enges y parviennent grâce à l’Envolée, une cérémonie durant laquelle ils obtiennent leurs ailes. Les enfants d’Hélias sont aussi dotés d’une vie beaucoup plus longue que celles des hommes.
Il y a également les créatures mythiques, comme les métamorphes, mais on parlera d’eux en détail un peu plus tard.

Actusf : Les Enges vivent en haut d’un pilier. Pourquoi cet isolement ? Ils refusent de se mélanger aux autres peuples ? Ils s’en protègent ?
Claire Krust : Il y a plusieurs raisons à leur isolement, la première étant effectivement de se protéger. En haut de leur pilier, personne ne peut atteindre les Enges. C’est la meilleure manière que les adultes ont trouvée pour mettre leur progéniture à l’abri des autres peuples. En effet, comme ils réalisent leur Envolée, qui est un voyage sans retour, entre vingt et vingt-cinq ans, les plus jeunes sont livrés à eux-mêmes et ne possèdent pas encore les dons de leurs parents.
La seconde explication vient de leur caractère. Les Enges sont des êtres relativement égoïstes, complètement obsédés par le ciel. Plutôt que de s’impliquer dans les problèmes des autres races, enfants d’Hélias compris, ils ont préféré s’exiler dans un endroit où ils pourront se concentrer pleinement sur leur unique but : s’Envoler.
Actusf : Qu’est-ce qui fait de Céléno, votre héroïne, une Enge particulière ?
Claire Krust : À cause d’un incident, Céléno est isolée des autres Enges. Elle ne possède pas de tuteur, contrairement à ce que veut la coutume, et n’a donc pour ainsi dire pas de famille. Physiquement, ses cheveux sont courts, une caractéristique qui signifie qu’elle a commis un crime dans le passé. Malgré tout Céléno pourrait parvenir à se lier avec certains Enges si elle le voulait, car tous ne la détestent pas ou ne la condamnent pas, mais elle maintient elle-même une distance entre elle et les autres. C’est à la fois une question de fierté et de culpabilité.
Actusf : Un jour tout bascule. Pour les Enges, mais aussi et surtout pour Céléno, n’est-ce pas ?
Claire Krust : On ne peut pas rester isolé indéfiniment, ni rejeter le monde sans se préoccuper des conséquences de ses actes passés. Cela fait des décennies que les Enges vivent en sécurité sur leur pilier, croyant être à l’abri, mais ce n’est pas parce qu’ils ont décidé qu’ils n’avaient plus rien à faire avec les autres peuples que ceux-ci les ont oubliés. Les Enges vont alors réaliser que voler n’est pas la seule manière d’atteindre le sommet, et Céléno va se retrouver prise au milieu de tout ça. Mais je ne vais pas trop en dire, je ne voudrais pas gâcher le plaisir...
"Comme souvent, la singularité entraîne la peur et la jalousie, dont les exutoires principaux sont l’oppression et la violence."
Actusf : Quelles sont les thématiques que vous avez voulu aborder avec ce roman ? La différence ? L’oppression ?
Claire Krust : Il y a d’abord le passage de l’enfance à l’âge adulte. Chez les Enges, cette étape est marquée par l’Envolée, qui sépare littéralement ces deux mondes. On passe de l’un à l’autre presque sans transition, sans période d’adolescence. D’ailleurs, enfants et adultes n’ont même aucun lien entre eux, puisque les deuxièmes s’Envolent pour ne pas revenir. Repousser l’Envolée revient somme toute à ne pas vouloir grandir… Mais si finalement Céléno ne s’Envole pas, elle est pourtant forcée de devenir adulte bien plus tôt que prévu. Ayant moi-même moins de trente ans, c’est une problématique qui me touche encore beaucoup.
Il y a la différence aussi, effectivement, à la fois entre Céléno et les autres Enges, et entre les enfants d’Hélias et les hommes. Cette différence peut être invisible à l’oeil nu ou au contraire être uniquement physique. Et comme souvent, la singularité entraîne la peur et la jalousie, dont les exutoires principaux sont l’oppression et la violence, qui entraînent à leur tour des représailles. C’est un cercle vicieux à la fois simple et difficile à briser.
Actusf : Sans trop en dévoiler sur le premier, qu'est-ce qui attend les lecteurs dans le second tome ?
Claire Krust : Étant donné qu’il s’agit d’une série en deux tomes, toutes les révélations auront lieu dans ce dernier volume. Cela permettra d’approfondir les différents personnages, d’explorer davantage leur passé afin de comprendre la manière dont ils agissent aujourd’hui. Il faudra aussi qu’ils apprennent à vivre avec tout ce qui s’est passé : pour certains, il s’agit d’expier ses crimes, pour d’autres, de pardonner et d’avancer.
Actusf : Quels sont vos projets d’écriture ?
Claire Krust : Je vais sans doute d’abord m’atteler aux dernières modifications du tome 2 de L’Envolée des Enges, mais ensuite, je ne sais pas encore. J’ai un autre diptyque en cours, une série en quatre tomes, deux ou trois idées de one shot… la plupart en fantasy, parfois avec une pointe de Science Fiction. Mais tout ça avance de manière très inégale, je saute un peu de l’un à l’autre selon mes envies.