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Interview 2018 : Emma Newman pour After Atlas
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Interview 2018 : Emma Newman pour After Atlas

ActuSF : After Atlas paraît en France chez J’ai Lu - Nouveaux Millénaires. Il se situe dans une époque ultérieure à Planetfall mais dans le même univers. Qu’est-ce qui lie ces deux romans ? Faut-il avoir lu Planetfall avant de lire After Atlas ?
Emma NEWMAN : Non, les deux peuvent être lus indépendamment. Planetfall se passe dans une colonie sur une planète très éloignée tandis que After Atlas se passe sur Terre, quarante ans après que les colons soient partis. Le protagoniste, Carlos, est le fils d’une des colons qui est partie en le laissant derrière elle sur Terre alors qu’il n’était encore qu’un bébé. After Atlas s’intéresse à certaines des conséquences du départ des colons de la Terre, autant d’un point de vue personnel, pour Carlos, que d’un point de vue mondial.

ActuSF : Planetfall se passe sur une autre planète. After Atlas, sur Terre, où les grandes sociétés ont plus de pouvoir que les états eux-mêmes. Cela fait penser à Blade Runner 2049. Pourquoi un futur aussi obscur ? Il n’y a aucun espoir pour l’homme ?
Emma NEWMAN : Le futur que je décris dans mes livres ne m’attire pas du tout ! En vérité, l’une des raisons pour lesquelles je décris le monde ainsi c’est pour m’aider moi (et j’espère d’autres également) à analyser le chemin que pourrait prendre notre monde si nous ne réagissons pas maintenant. Je pense qu’il y a encore de l’espoir pour l’humanité, mais seulement si un bouleversement politique fondamental a lieu dans les dix ou vingt prochaines années. Nous sommes en mesure d’accomplir des choses magnifiques et incroyables, mais tant qu’un petit groupe de gens très riches continuera à avoir une telle emprise dévastatrice sur notre société, je pense qu’on ne pourra pas développer notre potentiel.

ActuSF : Dans ce monde, les humains sont classés soit en tant que citoyen soit en tant que non-personne. Pouvez-vous nous expliquer ce qui différencie ces deux classes ? Peut-on passer d’une classe à l’autre ou non ?

Emma NEWMAN : La différence est assez simple : vous êtes un citoyen si vous travaillez pour un gov-corps ou si un citoyen s’occupe de vous (si vous êtes un enfant ou une personne dépendante). Si vous n’êtes pas employé ou si personne ne s’occupe de vous (si vous ne contribuez pas ou ne coûtez rien au système) vous êtes une non-personne. C’est ma façon de remettre en question la façon dont les sociétés capitalistes dévaluent les individus qui ne sont pas considérés comme des formes acceptables de « valeur ». 

Si on vous vire, si vous commettez un crime ou si vous sortez du système gov-corp par choix ou manque de revenus, vous devenez une non-personne. Cela signifie que vous n’avez plus accès aux droits de l’homme de base et vous pouvez alors être enlevé légalement par les autorités afin d’être réinjecté dans le système, de n’importe quelle façon qu’ils considèrent adéquate.

"Je pense qu’il y a encore de l’espoir pour l’humanité, mais seulement si un bouleversement politique fondamental a lieu dans les dix ou vingt prochaines années"

ActuSF : Qu’en est-il de votre héros : Carlos Moreno. Qui est-il – quelle est sa classe : citoyen ou non-personne ?

Emma NEWMAN : Carlos était une non-personne ; son père a rejoint une secte en Amérique que Carlos, lui, a quitté à l’âge de 15 ans. Il n’avait aucun soutien, aucune protection et finira par être enlevé avec d’autres non-personnes et sera forcé de suivre un programme de réinsertion durant lequel on évalue et développe les capacités de chacun d’une façon très désagréable et intensive. Cela engage une dette forcée, donc les personnes suivant ce programme de réinsertion deviennent des esclaves par contrat. La dette de Carlos est rachetée par un gov-corp dont il devient la propriété. Cependant, ils l’« emploient » comme détective, donc pour tous ceux avec qui il interagit pour le travail, il apparaît comme très puissant. En vérité, il est esclave et n’a aucun droit.

ActuSF : Ce livre est aussi un roman policier. Carlos Moreno doit résoudre une enquête. Qui a été tué ? Le meurtre est politique, n’est-ce pas ?

Emma NEWMAN : Le fondateur et chef de la secte que Carlos a quitté adolescent a été tué et ce meurtre est très politique ! En fait, il est tellement politique que Carlos est le seul ayant le droit de mener l’enquête et même ainsi, les différentes gov-corps qui se disputent la juridiction le ralentissent.

ActuSF : Vous abordez le thème de la religion autant dans Planetfall que dans After Atlas. Pourquoi ?

Emma NEWMAN : La religion, et son impact sur les gens et leur comportement, me fascine ! Elle peut être un moteur puissant et permettre des actes de bonté autant que de cruauté. Dans Planetfall, je voulais savoir ce que serait une colonie formée de scientifiques avec une profonde foi religieuse. Dans After Atlas, la religion est moins présente dans l’histoire, mais on peut en voir la marque ici et là.

 ActuSF : Comment se profile la suite de la série Planetfall ?

 Emma NEWMAN : Un troisième roman dans ce même univers, intitulé Before Mars, va sortir en avril 2018, un thriller psychologique qui se déroulera dans une base de recherche sur Mars. Je travaille actuellement au quatrième roman de cet univers. Ils sont tous indépendants et peuvent être lus dans n’importe quel ordre.

 ActuSF : Est-ce que vous avez d’autres projets à venir ?

Emma NEWMAN : Oui, toujours ! Tea and Jeopardy (mon podcast qui a gagné un prix Hugo) est toujours en cours et j’ai quelques histoires qui vont apparaître dans différentes anthologies, en comptant ma première histoire dans l’univers de Wild Cards qui est parue dans Knaves Over Queens. Une fois le quatrième roman de l’univers Planetfall terminé, j’ai deux autres romans en préparation, mais je ne peux pas en parler pour le moment !

"La religion, et son impact sur les gens et leur comportement, me fascine ! Elle peut être un moteur puissant et permettre des actes de bonté autant que de cruauté."

ActuSF : Est-ce que vous prévoyez une visite en France bientôt (peut-être aux Utopiales de Nantes comme l’année dernière) ?

Emma NEWMAN : Cela me ferait très plaisir ! Il n’y a encore rien de prévu, mais je l’espère pour bientôt !

Traduction des propos : Erwan Devos et Hermine Hémon

 

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