Actusf : Nous célébrons en 2018 le 100e anniversaire de la naissance de Theodore Sturgeon. Qu’est-ce qui fait que, aujourd’hui encore, il soit un des auteurs emblématiques de la science-fiction ?
Jérôme DIDELOT : Je ne suis pas sûr de pouvoir l’affirmer, c’est en tout cas ce que je pense avec quelques autres. C’est peut-être même parce que nous avions l’impression d’être trop peu à le penser aujourd’hui que nous avons souhaité réaliser cet ouvrage. Je suis d’une génération qui a connu l’avènement d’une SF exigeante, cérébrale, étudiée dans les écoles au début des années 80. Et parmi les auteurs de cette vague, certains noms – Ray Bradbury, Arthur C. Clarke, Kurt Vonnegut… – , ont mieux résisté au temps que celui de Theodore Sturgeon. Pourtant ses œuvres – ses nouvelles en particulier – ont eu une résonance très importante car il avait une manière très personnelle d’aborder le fantastique ou la science-fiction, en privilégiant toujours l’aspect humain et relationnel. Ce qui rendait ses livres très attachants.
Actusf : Peut-on dire que Theodore Sturgeon fait partie de ces grands auteurs classiques comme Isaac Asimov, Robert Heinlein… ? Si oui, pourquoi est-t-il moins connu qu’eux en France ?
Jérôme DIDELOT : Je pense que personne ne peut contester à Sturgeon sa place dans le gotha de la SF, surtout qu’il a influencé beaucoup d’auteurs. Ma théorie pour répondre à la deuxième partie de votre question se décline en deux explications, dont l’une découle de l’autre. D’une part, la dimension spectaculaire, qui n’est pas l’élément essentiel des œuvres de Sturgeon. S’il y a une personne/créature à bord d’un vaisseau spatial, cet écrivain utilisera un paragraphe pour nous décrire la machine et trois pages pour explorer les états d’âme du personnage (à part dans la nouvelle Killdozer où l’entité extraterrestre est DANS la machine). Ce qui fait sans doute que, d’autre part, Sturgeon n’a jamais eu droit à une adaptation marquante au cinéma, contrairement aux écrivains que vous citez (Asimov et L’homme bicentenaire ou I, Robot, Heinlein et Starship Troopers…).
"[...] il avait une manière très personnelle d’aborder le fantastique ou la science-fiction, en privilégiant toujours l’aspect humain et relationnel.

Actusf : En France, nous le connaissons à travers des titres comme le Cristal qui songe ou Les plus qu'humains, mais son œuvre est considérable - notamment son corpus de nouvelles qui n’ont pas toutes été traduites.
Jérôme DIDELOT : Effectivement, d’ailleurs notre idée initiale était de publier des nouvelles inédites en français. Ce sont mes partenaires sur ce projet, Florence Dolisi et Benoît Domis, qui ont exploré la partie immergée de l’iceberg, une centaine de nouvelles. J’espère que notre démarche va générer un intérêt suffisant à motiver des éditeurs français pour en publier une partie.
Actusf : Quelle a été l’approche choisie dans Theodore Sturgeon, le plus qu'auteur pour aborder l’auteur et son œuvre ?
Jérôme DIDELOT : Ce qui nous a intéressés à la base, c’est le rayonnement de l’œuvre de Sturgeon dans tout un pan de la culture française, et pas seulement dans le milieu de l’imaginaire. Je me rappelle un matin à écouter France Inter il y a quelques années, Léa Salamé interviewait Gérard Depardieu. Je n’écoutais que d’une oreille lorsque j’ai entendu l’acteur dire que dans ses moments récréatifs, il relisait Theodore Sturgeon. Cela m’a étonné et m’a conforté dans l’idée que cet auteur méritait un nouvel éclairage. L’approche a donc été d’aller voir là où Sturgeon avait marqué les esprits et pourquoi.
Actusf : Quelles sont les grandes thématiques / rubriques abordées dans votre ouvrage ?

Actusf : Une interview de Theodore Sturgeon est au sommaire. Vous pouvez nous en dire quelques mots s’il vous plait ?
Jérôme DIDELOT : Pour être tout à fait précis, il s’agit de retranscriptions d’extraits d’interview. J’ai effectué une partie de mes recherches sur le site de l’INA, et j’ai découvert que la télévision française avait plusieurs fois diffusé des entretiens avec Sturgeon. Le premier figurait dans un documentaire réalisé par Elizabeth Antébi, Les évadés du futur, diffusé en 1973. Nous nous sommes permis de reproduire des extraits d’une autre interview, diffusée dans l’émission Temps X en 1981, et de la mettre en perspective avec sa vision de la science-fiction.
Actusf : Vous organisez également des conférences pour accompagner la sortie de l’ouvrage. Quand et où auront-elles lieu ? En quoi consistent-elles ?
Jérôme DIDELOT : Séduite par notre projet à l’occasion du centenaire de la naissance de son père, Noël Sturgeon nous a fait l’honneur de répondre positivement à notre invitation. Une première conférence était prévue à Nancy, le 30 octobre. Deux autres se sont greffées à notre événement : une rencontre à Epinal la veille, le 29, en partenariat avec le festival les Imaginales, et une autre le 1er novembre aux Utopiales de Nantes. Notez qu’à Nancy et Epinal, nous proposerons une projection exclusive (et gratuite) du téléfilm Parcelle brillante de Christian de Chalonge, resté dans les cartons de l’ORTF depuis sa diffusion en 1974.
Actusf : Avez-vous d’autres projets en cours ?
Jérôme DIDELOT : Cette expérience est une première pour moi, qui évolue plutôt dans l’audiovisuel et la musique avec mon groupe Orwell. J’aimerais d’ailleurs pouvoir concrétiser un projet musical autour des histoires de Sturgeon. Quant à mes partenaires, Florence Dolisi et Benoît Domis, je suis certain qu’ils aimeraient traduire en français la bonne centaine de nouvelles que le public de l’Hexagone ne connaît pas encore.
il avait une manière très personnelle d’aborder le fantastique ou la science-fiction, en privilégiant toujours l’aspect humain et relationnel.
"Personne ne peut contester à Sturgeon sa place dans le gotha de la SF"
