Actusf : Comment est née cette anthologie ?
Patrick Coulomb : Elle vient de loin... Il y a deux ans, dans la "Melmac Collection", que je dirige chez l'éditeur marseillais Gaussen, qui n'est pas une collection de SF ni de genre, nous avons publié un roman de Stéphane Sarpaux, Plan de Campagne. Ce même Stéphane Sarpaux est par ailleurs à la tête d'un collectif artistique issu du Off de "Marseille 2013, Capitale européenne de la Culture" et il a appelé son collectif "Marseille 3013". En discutant avec lui j'ai découvert qu'il avait déjà écrit un texte futuriste (et assez délirant) se déroulant à Marseille en 3013. Comme il se trouve que, sans être spécialiste, je suis un amateur de SF et de littératures de l'imaginaire, et que je parlais depuis un certain temps de mon désir soit d'en écrire, ce que j'avais commencé à faire, soit d'en publier, notre discussion a abouti à l'idée que sa nouvelle pourrait servir de première pierre sur laquelle bâtir un recueil. Entre temps, David Gaussen, le boss des éditions Gaussen, était rentré dans la discussion, et nous avons lancé le bouquin. A charge pour moi de m'occuper de recruter des auteurs et d'assurer la coordination éditoriale du livre.
Actusf : De quoi cela parle-t-il ?
Patrick Coulomb : C'est un recueil de nouvelles, donc chaque auteur a son propre univers et ses propres questionnements. Mais cela parle de Marseille en 3013 et de la manière dont chacun des auteurs présents l'envisage. Disons qu'il y a trois ou quatre thématiques principales qui dominent : la montée des eaux ; la fuite pour échapper soit à un état post-apocalyptique ou dictatorial ; la disparition pure et simple de la ville. Mais 3013 est tellement loin dans le temps que, même si les auteurs ont parlé de leurs craintes ou de leurs désirs par rapport à Marseille aujourd'hui, on ne peut pas être dans un registre d'anticipation ou de prospective, on est davantage dans de l'imaginaire pur et dur.
"La science-fiction a sans doute plus l'habitude de recréer des mondes, d'inventer des cités ou des Etats, et il est assez rare qu'elle se base sur des lieux concrètement inscrits sur notre carte actuelle, peut-être ce recueil sera-t-il un exemple a contrario d'une SF qui s'inscrirait directement dans le réel pour lancer des projections territoriales et pas seulement scientifiques, politique ou sociologiques."
Actusf : Pourquoi avoir choisi Marseille ? Est-ce une ville qui vous touche personnellement ou a-t-elle tout simplement les caractéristiques requises pour accueillir la trame de ces nouvelles ?
Patrick Coulomb : C'est la ville où je vis et je travaille et, en l'occurrence, je souhaitais que les auteurs participant à cette anthologie soient eux aussi des personnes connaissant assez bien Marseille pour que leurs textes soient imprégnés de l'état d'esprit de la ville, ou de sa géographie. Il y a donc des écrivains marseillaises et marseillais, et d'autres qui connaissent suffisamment Marseille. La science-fiction a sans doute plus l'habitude de recréer des mondes, d'inventer des cités ou des Etats, et il est assez rare qu'elle se base sur des lieux concrètement inscrits sur notre carte actuelle, peut-être ce recueil sera-t-il un exemple a contrario d'une SF qui s'inscrirait directement dans le réel pour lancer des projections territoriales et pas seulement scientifiques, politique ou sociologiques.
"Cela étant dit, le polar et la SF partagent pour moi une même qualité, importante en littérature : le pouvoir de transcender le réel pour le critiquer et éventuellement le dénoncer."
Actusf : Littérature blanche, polar ou science-fiction, Marseille s’adapte. Et vous, avez-vous un genre de prédilection ? En y-a-t-il un plus simple à écrire ou qui permet d’aborder des sujets qui vous tiennent à cœur ? Pourquoi ?
Patrick Coulomb : En ce qui me concerne, en fait, je viens du polar. J'ai créé en l'an 2000, avec mon camarade François Thomazeau, une maison d'édition, L'écailler, qui a dû stopper sa production il y a cinq ans après 150 parutions. Nous avons publié des romans policiers et des romans noirs français (certains marseillais) et étrangers et lancé quelques auteurs qui depuis ont poursuivi leur chemin. Tout au long des années de L'écailler, la question est revenue, à plusieurs occasions, de faire ou pas de la SF, et si nous n'en avons jamais fait c'est sans doute parce que L'écailler était dans sa niche et qu'il était difficile de l'en sortir pour aborder d'autres registres. Mais Marseille s'adapte, en effet, et aujourd'hui on constate que des auteurs de SF français de renom sont issus de Marseille. Cela étant dit, le polar et la SF partagent pour moi une même qualité, importante en littérature : le pouvoir de transcender le réel pour le critiquer et éventuellement le dénoncer. Le polar le fait par des enquêtes, des plongeons réalistes dans les bas-fonds, le crime, etc, la science-fiction permet d'aller encore plus loin, d'échapper au temps présent pour envisager tous les possibles. Mais dans un cas comme dans l'autre, on est bien moins dans l'imagination que ce que le lecteur pourrait croire en première analyse.
Actusf : Vous aussi êtes journaliste. Est-ce différent d’écrire pour la presse ou en littérature ? Faites-vous les mêmes recherches ? Avez-vous une préférence ?
Patrick Coulomb : Paradoxalement, j'en viens aujourd'hui à penser que la fiction littéraire permet de mettre sur la table bien plus de problématiques que le journalisme. Certes, un roman peut se contenter d'une bonne histoire, inventée, et de personnages eux aussi inventés, et si l'auteur a du style, sait y faire, cela suffira sans doute pour faire un bon roman. Mais pour faire un roman qui marque durablement le lecteur je pense que ce n'est pas possible s'il n'inclut pas, même de manière non dite, les problématiques de son temps. Cela suppose que l'auteur fasse, comme le journaliste, un travail de recherches et d'étude, qu'il "maîtrise" son sujet et soit capable d'en décrire les rouages les plus secrets et, le cas échéant, les plus terribles ou scandaleux. La différence à ce moment-là entre le journaliste et l'auteur est que le journaliste ne pourra pas aller aussi loin que l'auteur de fiction, parce qu'il lui est interdit d'extrapoler, interdit de décrire des faits dont il ne possède pas la preuve. L'auteur de fiction a au contraire toute latitude d'aller au bout. Le roman noir a souvent été ou est encore très politique ou sociétal, la SF en est tout à fait capable aussi, que ce soit en littérature ou sur les écrans.
"J'ai souvent le sentiment que l'inspiration vient par le travail."
Actusf : Quelles sont vos sources d’inspiration ?
Patrick Coulomb : J'ai souvent le sentiment que l'inspiration vient par le travail. On est à l'écoute, on note des choses, mais c'est in s'installant devant son clavier que les récits prennent corps, c'est en travaillant que l'inspiration prend assez de force, et alors les idées se succèdent, quand on est bien "dedans" on peut même parfois avoir l'impression que "ça vient tout seul"... ce sont les bons moments de l'écriture.
Actusf : Sur quoi travaillez-vous actuellement ?
Patrick Coulomb : J'ai plusieurs projets en cours, mais il y en a un qui me tient plus à coeur : j'ai écrit il y a deux ans un récit de "dragons réalistes", si je peux dire, La porte des dragons, qui racontait une invasion de la Terre par des dragons venant d'une Terre parallèle. J'ai commencé à écrire une suite et c'est cela que je voudrais terminer en priorité. Sinon, ce Marseille, an 3013 est un livre que j'aime beaucoup, qui m'a aussi permis de connaître un peu plus des auteurs très intéressants, et je vais continuer à la défendre aussi longtemps que possible.
"Mais cette anthologie a au total 13 auteurs, pour mémoire Sabrina Calvo, Cécile Duquenne, Sigolène Vinson, Anne-Marie Thomazeau, Philippe Nicholson, Jacques Barbéri, Georges Foveau, Bruno Leydet, Olivier Boura, Stéphane Sarpaux, Philippe Carrese, Clémentine Bailly et Henri-Frédéric Blanc. Certaines et certains d'entre eux vivent à Paris, donc on les croisera aussi dans la capitale, avec peut-être ce livre, mais d'autres aussi !"
Actusf : Où peut-on vous rencontrer dans les mois à venir ?
Patrick Coulomb : Personnellement, en tant qu'auteur, je n'ai que peu l'opportunité de sortir de Marseille ou de ses environs, donc on me croisera à des salons du livre, dans des librairies, du secteur marseillais avant tout. Mais cette anthologie a au total 13 auteurs, pour mémoire Sabrina Calvo, Cécile Duquenne, Sigolène Vinson, Anne-Marie Thomazeau, Philippe Nicholson, Jacques Barbéri, Georges Foveau, Bruno Leydet, Olivier Boura, Stéphane Sarpaux, Philippe Carrese, Clémentine Bailly et Henri-Frédéric Blanc. Certaines et certains d'entre eux vivent à Paris, donc on les croisera aussi dans la capitale, avec peut-être ce livre, mais d'autres aussi !