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Interview 2018 : Stéphanie Nicot pour Les Imaginales, comment ça marche ?
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Interview 2018 : Stéphanie Nicot pour Les Imaginales, comment ça marche ?

Un festival de l’imaginaire, comment ça marche ? Stéphanie Nicot, directrice artistique des Imaginales, répond à nos questions sur le fonctionnement de ce festival qui se tient tous les ans à Épinal.

ActuSF : 17 éditions déjà pour les Imaginales. Mais comment sont-elles nées ?

Stéphanie Nicot : En 2019, ce sera la 18ème édition ! Que de chemin parcouru le lancement du festival, en mai 2002… En fait, les Imaginales sont nées à l’initiative du maire d’Épinal, Michel Heinrich, qui souhaitait créer un festival qui, comme on me l’a expliqué par la suite, serait à la fois « original, populaire et de qualité ». Une commande simple, mais ambitieuse. De mon côté, j’avais depuis longtemps envie de participer à la création d’un grand festival littéraire, et j’allais entamer des démarches en ce sens… Vous imaginez bien que, lorsque la Ville d’Épinal m’a contactée, en 2001, j’ai dit oui, avec enthousiasme ! Et en quelques mois, l’équipe d’Épinal et moi-même avons bâti la première édition des Imaginales.

ActuSF : Quelle structure porte administrativement le festival ? Ce sont souvent des structures associatives, mais ce n’est pas le cas des Imaginales.

Stéphanie Nicot : Le festival a été créé par la Ville, et c’est donc très logiquement Épinal qui gère les Imaginales, avec le soutien de nombreux subventionneurs, mécènes et partenaires, publics et privés.

ActuSF : Comment est composée l’équipe ? Il y a une partie permanente, et une autre montée sur la période du festival me semble-t-il ?

Stéphanie Nicot : Le festival est dirigé par Stéphane Wieser, le directeur des Affaires culturelles de la ville d’Épinal, qui travaille le projet tout au long de l’année, en lien avec moi, et en s’appuyant sur toutes les compétences que peut offrir une Ville de culture comme Épinal. Pendant l’événement lui-même, une équipe de spécialistes reconnus vient assurer la modération des débats, l’encadrement de certaines initiatives (speed dating, petits déjeuners et déjeuners-débats...), et l’interprétariat pour nos invités non francophones. J’assure pour ma part la direction, en lien permanent avec Stéphane Wieser et les Affaires culturelles (tous les habitués des Imaginales connaissent, par exemple, Marion Bailly, administratrice et chargée de la logistique auteurs depuis 2002). De nombreux talents issus du monde de l’imaginaire contribuent à cette réussite collective¹.

ActuSF : Un festival, c’est un projet artistique, littéraire, de territoires… Qui élabore celui des Imaginales ? Et quels sont les grands axes de ce projet ?

Stéphanie Nicot : C’est vraiment un travail collectif. Même si j’ai une liberté de programmation quasi totale, en particulier en ce qui concerne toute la partie proprement littéraire du festival, le projet se discute en permanence avec Stéphane Wieser, tout au long de l’année. Nous avons plus ou moins nos domaines réservés (à Stéphane le choix des expositions, des spectacles, de la partie BD, et à moi le choix des auteurs invités, des thèmes des cafés littéraires, tables rondes, conférences, petits déjeuners et déjeuners), mais nous discutons ensemble de tout. L’affiche fait, chaque année, l’objet de discussions passionnées ; nous sommes très souvent d’accord, mais en définitive, c’est la prérogative du directeur. N’oublions jamais que, si nous sommes des professionnels de la culture, nous investissons beaucoup de passion dans ce que nous faisons ! Quant au thème du festival et le pays invité, ils sont discutés entre nous, l’été qui suit le festival (même si nous avons un stock d’idées en réserve), puis soumis à la municipalité pour validation.

ActuSF : Les projets scolaires ont-ils un suivi particulier ? Une équipe est-elle dédiée à ces publics en particulier ?

Stéphanie Nicot : Lancés à initiative de professeurs exerçant dans les Vosges, les Prix Imaginales des lycéens et des collégiens mobilisent mobilisent désormais plusieurs milliers de jeunes jurés qui, en lisant les ouvrages proposés, en attribuant aux auteurs trois prix reconnus, puis en participant à la remise officielle pendant le festival, se passionnent pour la lecture. Depuis quelques années, Jean-Baptiste Folley est chargé de suivre tout particulièrement les opérations scolaires au sein de la Direction des Affaires culturelles , en lien avec le directeur du festival et moi-même. Mais sans l’engagement de dizaines de professeurs de lettres, de documentation, et parfois de langues, avec le soutien de nombreux proviseurs et de principaux, rien ne serait possible. Il faut y ajouter, depuis quelques années le Prix Imaginales des écoliers, et depuis 2018 celui des bibliothécaires et le colloque universitaire.

C’est vraiment un travail collectif.

ActuSF : Abordons la question du financement à présent. Les Imaginales est un festival gratuit pour les publics. Quelles sont les collectivités locales, les structures, les mécènes… Qui finance l’événement et dans quelle(s) proportion(s) ? Quel est le ratio fonds publics / fonds privés ?

Stéphanie Nicot : Le budget repose largement sur la ville d’Épinal : outre le financement proprement dit, elle assure l'organisation logistique et et technique, ainsi que la communication ; elle est évidemment très investie via ses services. . Il n’y a rien de tel qu’un festival pour découvrir la richesse et la diversité des compétences dont une Ville peut disposer ; il faut évidemment y ajouter les subventions de la Région Grand Est, du Conseil départemental des Vosges, de la Direction des affaires Culturelles (DRAC) Grand Est et du Centre National du Livre (CNL)… Les fonds publics restent essentiels, mais Il ne faut jamais oublier que pour chaque euro investi, il y a des retours bien supérieurs dans l’économie locale comme le souligne à juste titre un récent rapport du CNL. Ces dernières années, avec une fréquentation de plus en plus importante et la reconnaissance croissante dont bénéficie le festival, les mécénats et les partenariats privés sont en nette augmentation, et contribuent à un accompagnement accru du festival. C’est Stéphane Wieser qui suit tous ces dossiers-là, hormis les partenariats éditeurs dont je m’occupe aussi, évidemment.

ActuSF : Est-ce que certains financements s’effectuent sous certaines conditions et/ou imposent des obligations au festival ? Si oui, lesquelles ? Je pense, notamment, à la subvention du Centre National du Livre et la rémunération des auteurs et illustrateurs.

Stéphanie Nicot : La subvention du CNL nous est attribuée au vu de l’intérêt culturel des Imaginales, et en particulier de sa programmation. Mais les difficultés matérielles auxquelles sont confrontées les créateurs ont amené le CNL à conditionner désormais son aide au principe de la rémunération des interventions des écrivains invités. C’est une excellente mesure, même si elle ne résoudra évidemment pas à elle seule la situation économique des écrivains. La Ville d’Épinal a commencé à mettre partiellement en œuvre cette mesure dès 2016 (nous avons été le premier festival d’imaginaire à le faire), l’a fortement augmentée en 2018, avant d’appliquer totalement cette mesure à compter de l’édition 2019. Nous aurions aimé aller plus vite, mais, à la différence d’autres festivals culturels de même dimension, l’entrée aux Imaginales, elle, est entièrement gratuite. C’est une décision prise par la Ville d’Épinal dès la troisième édition, afin de permettre l’accès à la culture à tous et toutes, et c’est aussi cela, la convivialité de l’accueil !

Les fonds publics restent essentiels.

ActuSF : Concernant l’aspect technique, pouvez-vous nous préciser le temps de montage et de démontage nécessaire ainsi que la taille du personnel que cela mobilise s’il vous plait ?

Stéphanie Nicot : Les Magic Mirrors et l'ensemble des chapiteaux, par exemple, sont montés dès la semaine précédant le festival ; mais l’implantation des locaux, les aménagements du parc, les nombreuses initiatives en lien avec les lieux où le festival propose des expositions et des spectacles fait l’objet de discussions et de réunions préalables très en amont au sein des services de la Ville, et mobilise des forces importantes. Je participe pour ma part à trois réunions annuelles où nous rendons compte, sous la supervision du Directeur des Affaires culturelles, de l’avancée. Je suis évidemment extérieure à la partie administrative du festival, mais je constate toujours à quel point les Imaginales, c’est vraiment le festival de la ville d’Épinal tout entière : l’ensemble des services municipaux ainsi que que les associations et les différentes institutions.

ActuSF : Sur site, pendant le festival, globalement quelle est la taille totale de l’équipe (accueil, sécurité, entretien, modération, technique…) ? Pour quel nombre de visiteurs par jour en moyenne ?

Stéphanie Nicot : Nous avons plus de 40 000 visiteurs sur l’ensemble du festival, répartis sur les quatre jours, avec une pointe le samedi, puis les vendredi et dimanche, et le jeudi. Mais depuis quelques années, la fréquentation est si forte tout au long de la manifestation qu’elle nécessite une présence équivalente chaque jour. L’équipe est composée de dizaines de salariés de la Ville, dont l’engagement est véritablement exceptionnel. Vous les voyez à l’accueil du public et des invités, sur le stand « goodies », sur les buvettes, au nettoyage, à l’éclairage et à la sonorisation… Ce sont aussi les chauffeurs, ceux qui ont fait en sorte que le parc soit le plus beau possible, etc. Sans oublier nos libraires mobilisés et leurs équipes ! Quant aux modérateurs, accompagnateurs, et interprètes, ils sont une petite trentaine désormais.

ActuSF : Il y a également un « après festival », celui de bilan, et des partenariats à renouveler. Quel temps cela prend-t-il et qui le réalise ?

Stéphanie Nicot : Le bilan est fait par Stéphane Wieser et le service des Affaires culturelles ; j’y suis naturellement associée, et nous en discutons aussi avec l’ensemble des collaborateurs et partenaires, qui nous font remonter leurs remarques, toujours pertinentes et constructives. Le bilan se bâtit dès juin, et la réflexion se poursuit le semaines suivantes. Mais l’information que nous attendons tous avec impatience, c’est le bilan chiffré des ventes libraires ! Depuis 18 ans, leur chiffre d'affaire augmente en continu.

L’équipe est composée de dizaines de salariés de la Ville, dont l’engagement est véritablement exceptionnel

ActuSF : Ce sera la 18ème édition de imaginales les 23 au 26 mai 2019. Avec ces 18 ans de recul, quels sont les changements notables que vous avez pu observer pour le festival ? Ces changements sont-ils propres aux Imaginales ou à tous les salons de l’imaginaire sur la même période ?

Stéphanie Nicot : Le public est plus nombreux chaque année, ce que nous constatons par les achats de livres et la participation aux débats, en très forte croissance. Les fans proprement dits sont un noyau dur d’une grande fidélité, mais l’ampleur de la manifestation draine désormais un public de plus en plus familial, ce qui est le signe d’un festival enraciné sur son territoire, et même très au-delà. L’offre culturelle est de plus en plus diversifiée, de plus en vaste, et nous restons fidèles à la formule initiale, tout en nous renouvelant. Il me semble que le public de l’imaginaire, même s’il reste en partie segmenté par genres, est prêt à s’intéresser à ce que nous lui proposons. En résumé, le public des Imaginales est curieux, disponible pour de nouvelles aventures. L’accueil fait à quasiment toutes les nouveautés est assez révélateur. Peu à peu, de nouvelles idées se sont imposées : les prix scolaires, le « coup de cœur du festival », les cafés littéraires solo (à compter de 2019, nous allons ouvrir la formule aux auteurs français), les cafés thématiques, le speed dating, devenu une rencontre majeure pour les auteurs en devenir, l’arrivée des Imaginales maçonniques et ésotériques, puis du Comité d’Histoire Régionale, l’ouverture plus forte à la BD, avec cette année, la création d'un Prix Imaginales de la bande-dessinée que beaucoup nous réclamaient.

ActuSF : Selon vous, quelles vont être les enjeux à venir des festivals de l’imaginaire en France ? Quelles évolutions sont-ils susceptibles de connaitre (en terme d’organisation mais aussi de contenu, de publics…) ?

Stéphanie Nicot : Il ne m’appartient évidemment pas de dire aux autres ce qu’ils ont à faire… Pour ma part, je note un développement significatif de festivals locaux et régionaux, certains vraiment intéressants, qui contribuent à renforcer l’indispensable maillage du territoire qu’appellent de leurs vœux tous ceux qui, comme nous, s’impliquent dans le « mois de imaginaire » et toutes les belles initiatives qui s’y engouffrent. Pour leur part, les Imaginales vont continuer à tracer sereinement leur chemin, avec des idées nouvelles d’année en année, des évolutions parfois – comme une présence plus forte de l’illustration et de la BD, avec un lieu dédié aux sciences, mais aussi à l'architecture² – et une exploration de tout ce qui bouge dans le domaine de la fantasy, mais aussi du fantastique et de la science-fiction. Le choix du pays invité – que nous allons révéler prochainement – sera un signe que nous nous ouvrons de plus en plus à la diversité. C’est ça, la richesse des Imaginales : être fortement ancré sur un territoire et ouvert sur le monde !

¹ Parmi ceux qui sont présents à nos côtés depuis 2002, je songe à Lionel Davoust, Sylvie Miller ou Jean-Claude Vantroyen… Et tant d’autres qui les ont rejoints.

² Stéphane Wieser ne devrait pas tarder à faire une annonce à ce sujet.

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