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Interview Bénédicte Lombardo
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Interview Bénédicte Lombardo

ActuSF : Petit bilan de santé pour commencer. Comment se porte Rendez-vous ailleurs ?
Bénédicte Lombardo : Eh bien, déjà, scoop, Rendez-vous Ailleurs n’existe plus ! Ou plutôt, nous avons abandonné le nom de collection pour nous contenter de publier des titres sous la simple bannière Fleuve Noir. J’avais l’impression que c’était un carcan inutile, voilà.
Quant à la santé du genre, on peut dire qu’elle est fragile. C’est très difficile depuis l’année dernière, lancer de nouveaux auteurs est vraiment périlleux et sur les auteurs connus, il n’y a pas forcément de fidélité des lecteurs. Surtout en grand format.

ActuSF : Peux-tu nous présenter tes sorties de l’automne et notamment le nouveau Michel Robert ?
Bénédicte Lombardo : Michel revient à sa série à succès « L’Agent des Ombres », pour une 2e saison, puisque son héros, Cellendhyll, change de vie ! Tous les fans de l’Ange du chaos retrouveront ainsi leur personnage en plein questionnement, bien décidé à se libérer de ses chaînes et peut-être le verront-ils tomber amoureux de nouveau… Et chez Pocket paraît simultanément Gheritarish, un épisode qui met en scène l’un des meilleurs amis de Cellendhyll.

ActuSF : Un petit mot sur “Rifteur” de Peter Watts et “The City & the City” de China Mieville qui seront en librairie en octobre. De quoi parlent ces deux romans ? 
Bénédicte Lombardo : Rifteurs est la suite de Starfish. Lenie Clarke, le personnage central de Starfish, a réussi à survivre à l’explosion qui a détruit la station des abysses où elle a passé un an. Et à nager jusqu’à la côte ! Bon, elle est augmentée, bien sûr, et ses capacités physiques et physiologiques sont donc hors du commun… Dans Rifteurs (qui est également le titre de la trilogie dont le 3e volet devrait paraître fin 2012), Internet a changé de visage. C’est désormais une entité consciente qui manipule et développe le réseau mondial de façon assez terrifiante. Lenie, de son côté, porte une bactérie issue du fond des âges qui peut, en toute simplicité, annihiler la vie sur Terre. Et Maelstrom, le nouveau Réseau, va la traquer… C’est brillant et vertigineux. Et merci Gilles Goullet ! Je ne vois pas qui aurait pu traduire ce texte, certains passages sur l’informatique, par exemple, m’étaient totalement incompréhensibles… Je suis sûre qu’il a dû souffrir mais il ne le dira jamais !
En tout cas, je suis toujours aussi heureuse de publier Peter Watts et j’espère qu’il aura au fil du temps, le succès qu’il mérite.
Quant à The City&The City de China Miéville, c’est un vrai bonheur pour moi également. Et là aussi, je salue Nathalie Mège qui l’a traduit, ça été un casse-tête de trouver certaines équivalences de ton, de vocabulaire, de style, Miéville aime inventer et triturer et déformer, bref, un vrai challenge pour un traducteur. Mais Nathalie le pratique depuis longtemps maintenant et son travail est remarquable.
Ce roman est d’abord un polar pur jus. Mais la dimension imaginaire vient magnifier l’intrigue. Je trouve que c’est un livre époustouflant. Le concept de villes qui s’entremêlent sans faire partie du même pays, où les habitants ont été éduqués de façon à ne pas se voir (à « s’éviser » dans le livre) tout en occupant un même espace, c’est tordu. Et très beau. Il faut le lire pour comprendre cette notion de gémellité si particulière. J’ai utilisé une citation d’un journal sur la 4e, qui évoque Kafka, Chandler et K. Dick, ça me semble assez juste.

ActuSF : S'il n'y a pas de rentrée littéraire à proprement parler en Imaginaire, le phénomène qui occupe de l'espace dans les médias et les libraires impactent-ils tes ventes ? Est-ce que cela a des conséquences ?
Bénédicte Lombardo : L’Imaginaire avec ce grand I s’est répandu dans tout notre espace : ciné, littérature, pub, jeux etc. Tant mieux, quand on a toujours râlé parce que le genre, au-delà de la culture geek, était tant méprisé depuis des lustres. Qui aurait cru que les vampires ou, pire, les zombies reviendraient à la mode, notamment chez des éditeurs de littérature générale ? Pas moi en tout cas. Alors les conséquences, oui, des ventes qui explosent en littérature jeunesse, des succès fous sur le grand écran mais hélas, je crains que la vague ne nous porte pas autant sur le rayon SF/fantasy adulte. Oui, la bit-lit a son moment de gloire (bien qu’elle soit pour moi une facette déviante de la littérature sentimentale – ce que je dis sans aucune aménité ni mépris) mais la SF a toujours du mal à lutter et la fantasy me semble en déclin lent mais sérieux. J’en veux pour preuve les ventes de mes titres mais aussi de mes concurrents les plus dynamiques.
Mais surtout le déni et le mépris que peut avoir l’intelligentsia pour la fantasy et la SF est toujours présent. Alors même que ces deux genres (surtout la SF) ont largement emprunté les voies de la littérature générale ces dernières années. Mais sans étiquette, le goût est meilleur peut-être ? Pourquoi pas mais il faut alors travailler différemment et quand on est éditeur de genre, c’est loin d’être simple.

ActuSF : Comment as-tu choisi les mois de parution de tes titres à venir ?
Bénédicte Lombardo : Surtout en fonction des dates de remises de traduction, de la sortie éventuelle d’un poche du même auteur simultanément ou de manière à rapprocher le plus possible deux tomes d’une série.

ActuSF : On parle d'une crise en librairie depuis le début de l'année avec une baisse de leur fréquentation et des ventes. As-tu ressenti ce phénomène sur tes ventes ? Est-ce que cela t'a incité à changer des choses dans ton programme de parution ? Es-tu inquiet pour l'avenir ?
Bénédicte Lombardo : J’ai surtout constaté, en allant en librairie et en écoutant les libraires, qu’il n’y avait pas un rat depuis des mois. J’espère que la tendance va s’inverser très vite… Donc, oui, ça se ressent sur les ventes et non, je n’ai rien changé à mon programme cette année. Mais j’ai décidé de baisser le nombre de titres l’année prochaine. De manière drastique.

ActuSF : Quels sont les titres à venir en 2012 ? Que peux-tu déjà nous dire sur le programme ?
Bénédicte Lombardo : Il n’est pas définitif alors j’en parlerai plus tard. En janvier, je poursuis toutefois la publication des livres de Karen Miller avec la suite de sa série La Prophétie du Royaume de Lur. Peter Watts et Michel Robert seront là également ainsi que les suites de série que j’ai initiées cette année.

ActuSF : Un petit mot sur la collection Territoires. Comment est née l’idée de cette collection et quelle est sa ligne éditoriale ?
Bénédicte Lombardo : On a reçu le nouveau projet de Holly Black, Chat Blanc et on ne savait pas très bien comment le positionner. Holly Black était publiée chez Pocket jeunesse avec ses Chroniques de Spiderwick mais Chat Blanc ne leur convenait pas en terme d’âge. Un peu trop adulte et trop jeunesse pour le Fleuve. On a donc émis l’idée d’avoir une collection à part entière pour les quelques livres qui seraient entre chien et loup ! Plus concrètement pour des lecteurs entre 16 et 30, oui, c’est large qui sait exactement jusqu’à quel âge on est un "jeune adulte" ?? Voilà comment est née Territoires. J’ai immédiatement demandé à ce que cette collection soit ouverte à toutes les littératures. J’ai commencé cette année avec 6 titres d’imaginaire mais dès l’année prochaine, j’ai également du thriller et un roman de littérature générale. Le fil rouge, je dirais, c’est sans doute l’aspect décalé et très contemporain de l’ensemble des titres. Des thèmes très actuels via tous les genres de littérature. Mais avec un petit côté barré ou étrange.  C’est ce que j’aime avant tout. Avec humour déjanté à la Jasper Fforde ou A. Lee Martinez, ou ambiance sombre presque gothique à la Holly Black.

ActuSF : C’est sans doute un peu tôt, mais peut-on déjà faire un premier bilan ?
Bénédicte Lombardo : Oui, c’est tôt, le 4e titre vient de sortir, Le Bar de l’enfer. Mais pour le moment, je suis plutôt satisfaite de l’accueil des libraires, de la presse et de la communauté des bloggeurs, hyper active dans le domaine de la littérature ado.

ActuSF : Que peux-tu nous dire sur tes deux prochaines sorties Le Bar de l'Enfer d'A.Lee Martinez et Mortilège par Blake Charlton ?
Bénédicte Lombardo : Le Bar de l’Enfer est mon cupcake de l’année !  J’ai pris un tel plaisir à le lire, voilà un roman que je ne savais comment défendre. Quand j’ai créé Territoires, je me suis dit, bingo ! C’est potache, drôle, un peu trash, je me suis tellement marrée, ça ne m’arrive pas souvent en littérature. Tous les codes habituels piétinés à coups de santiags, voyez. Un loup-garou poilu et acariâtre qui attire les chiens, un vampire dégarni très chochotte dans un trou perdu du Texas. Et une sublime ado goth flanquée de son crétin de petit copain bouseux. Mélangez avec un peu de magie noire, ça donne un bon cocktail qui n’est pas sans rappeler les films de Roberto Rodriguez.
Mortilège de Blake Charlton est un roman de fantasy classique. Mais ce qui m’a plus avant tout, c’est le perso principal, apprenti mage dyslexique. Et quant on sait que la magie se crée ici à partir des mots et d’une écriture ciselée et précise, tout est dit…
Et je rajouterai enfin, une petite sucrerie pour Noël : une anthologie sobrement intitulée Zombies contre Licornes, de Holly Black et Justine Larbalestier. Les deux copines se sont un jour engueulées sur le thème « les zombies, c’est dégeu/les licornes c’est gnagnan » (j’interprète mais je ne suis pas loin), faisons une battle : chacune prend 6 auteurs dans son camp et écrit une nouvelle pour argumenter.
Moi, clairement, je suis pro zombie. Et certaines nouvelles sont vraiment excellentes, je pense à celle de Carrie Ryan (dont j’avais adoré La Forêt des Damnés), celle de Maureen Johnson ou encore celle de Scott Westerfeld. Et j’avoue avoir commencé à lire les nouvelles de licorne avec un a priori assez dégoûté. Eh bien, Meg Cabot et Kathleen Duey pour ne citer qu’elles m’ont fait changer d’avis. Je n’avais jamais imaginé une idiote de licorne sous cet aspect-là…

 

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