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Interview Christopher Lambert
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Interview Christopher Lambert

Nous : Avec Clone Connexion, vous aviez déjà abordé la question du clonage. Pourquoi avoir choisi de traiter de nouveau cette question dans Petit Frère ?
Christophe Lambert : Je suis fasciné par le thème du clonage, car il met vraiment en relief la dualité (complémentarité ?) "inné/acquis". Sommes-nous génétiquement programmés ? Qu'est-ce qui forge une personnalité ? Dans ma biographie, vous signalez que j'ai découvert la science-fiction à neuf ans en allant voir Star Wars. Serais-je quand même devenu un écrivain de SF si je n'avais pas vu ce film ? Ou si je l'avais découvert plus tard ? Toutes ces questions me passionnent !

Nous : Si on vous proposait de vous cloner ou de cloner vos enfants, quelle serait votre réaction?
Christophe Lambert : Négative. Espérer retrouver quelqu'un en le clonant, c'est accréditer l'idée que nous nous résumons à notre seul patrimoine génétique. J'essaye de démontrer le contraire dans mon roman. mais je comprends que la tentation soit grande pour des parents en deuil, égarés, fragilisés.

Nous : Pourquoi avoir abordé comme deuxième thème, les sectes ? Est-ce un sujet qui vous fait peur ?
Christophe Lambert : Je précise que j'ai écrit tout ça avant le coup de pub (d'intox ?) tonitruant des Raëliens en décembre 2002. A l'origine, l'histoire se déroulait dans une base secrète gouvernementale, une sorte de camp militaire. C'est Denis Guiot, mon directeur de collection, qui m'a suggéré d'exploiter le contexte sectaire. Cela me convenait tout à fait car :
1. C'est un sujet intéressant, plus riche que la base "secret défense" (le lavage de cerveau se marie bien avec le clonage).
2. Après une première partie intimiste, psychologique, j'avais envie de faire basculer le récit dans le thriller, la paranoïa, le suspense, et la secte était très bien pour ça. Je ne me sens pas encore assez confiant pour aborder un roman "100% psychologique" : c'est plus fort que moi, il faut toujours que je rajoute un peu de castagne et quelques fusils à pompes vers la fin ! Et puis j'aime bien que le lecteur termine le livre lessivé, sur les genoux.
Pour répondre à la seconde partie de votre question : oui, les sectes me font peur, comme tout ce qui a trait au fanatisme ou à l'intégrisme religieux. Tiens, "clonage et intégrisme", ça pourrait être le troisième opus de mon triptyque. Vous venez d'assister en direct-live à la naissance d'une idée, hé hé !

Nous : Dans votre roman, vous abordez donc des sujets assez durs. Vous n'hésitez pas à heurter le lecteur (le premier chapitre est plutôt dur, le désespoir de cette famille est troublant). Pour quelles raisons ?
Christophe Lambert : Parce que l'histoire le réclame, c'est aussi simple que ça. Je ne pense pas heurter le lecteur gratuitement. Cette dureté dont vous parlez est incluse dans le thème. Je ne vois pas comment on pourrait aborder la perte d'un enfant de manière "soft", légère. Et puis, pour que l'on croie aux personnages, aux situations, il faut être réaliste. Il faut y aller carrément, comme Stephen King dans Simetierre. Effectivement, tout cela est assez éprouvant à lire (et à écrire, je vous le confirme !).

Nous : Dans votre dernière interview pour ActuSF, vous disiez que la littérature de science-fiction est pour vous plus un moyen d'exposer un problème que de faire passer un message. Pourtant, ici, n'est-ce pas le cas ? Avez-vous changé d'avis depuis ? Ou considérez-vous qu'il ne s'agit pas d'un message ?
Christophe Lambert : Oui, c'est vrai, il y a un message dans celui-là : nos gènes nous offrent un éventail de possibilités (et de limites), mais ce qui nous définit vraiment, c'est la façon dont nous utilisons nos capacités (ou détournons nos "manques"), davantage que le "capital" de base. Là, j'avance une réponse au problème abordé, mais ce n'est pas toujours le cas. Je ne sais pas comment combattre le réchauffement de la planète, par exemple. Comment créer un "service public mondial" digne de ce nom ? Je ne suis pas un spécialiste de la législation internationale. Et puis on a vu les limites de l'ONU, récemment. Encore une fois, le principal, c'est de poser les questions, d'interpeller les lecteurs ados qui seront les citoyens de demain.

Nous : Pourquoi avoir choisi des héros américains et un cadre américain ? Votre récit n'aurait-il pas pu se dérouler dans un cadre français ?
Christophe Lambert : Oui, mon village fortifié aurait pu se trouver dans le Lubéron, mais allez savoir pourquoi, j'ai tout de suite pensé au désert du Nouveau-Mexique, en cinémascope. C'est vrai que mon premier réflexe est toujours de lorgner du côté des USA, mais j'essaie quand même de varier les décors. Clone connexion se passe en France et en Ecosse ; La compagnie de l'air se déroule au japon.

Nous : Comme dans chacun de vos romans, on ressent énormément l'influence du cinéma américain. Le cinéma français n'éveille-t-il aucun intérêt chez vous ?
Christophe Lambert : Ben. J'ai bien aimé Amélie Poulain, comme tout le monde. À part ça. La deuxième partie du Pacte des loups était lamentable, idem pour Les rivières pourpres, et par charité chrétienne, je ne parle même pas de Samouraïs, Brocéliande, Vidoq, Belphegor... C'est bien d'essayer de faire du cinéma de genre, mais la qualité des scripts laisse franchement à désirer. Quant aux "Bessoneries" : il y a du savoir-faire dans tout ça, mais là encore le scénario me paraît, disons, caricatural (ah, les flics chez Besson !). Le cinéma d'auteur ? Il est toujours égal à lui-même, c'est-à-dire ennuyeux. Je précise que je ne suis pas davantage emballé par le cinéma américain actuel. Tous ces films d'action clonés les uns sur les autres, ad nauseam, c'est insupportable. Terminator 3 par exemple ; était-ce vraiment indispensable de dépenser 200 millions de dollars pour faire un "copier/coller" du n°2 (que j'adore, le problème n'est pas là) ? C'est si compliqué, de se creuser un peu la tête ? L'empire contre attaque, voilà une bonne suite : ce n'est pas une photocopie de La guerre des étoiles. J'ai l'impression que grosso modo, les blockbusters étaient plus ambitieux il y a vingt ou trente ans, mais peut-être que je suis trop "réac" sur ce sujet.

Nous : Voilà une question redondante : Quels sont vos projets ?
Christophe Lambert : Mon premier roman de Fantasy, Le dernier des elfes sort chez Bayard en novembre. En ce moment, je réfléchis à une histoire de SF qui parlerait de la dictature de la beauté, du poids des apparences, et de la frontière entre activisme et terrorisme. Et puis j'ai une idée de roman fantastique où je revisiterai mon adolescence (beurk) et les années 8O, un truc à mi-chemin entre Stephen King et Bret Easton Ellis. J'ai déjà le titre : Entropy. Avis aux amateurs...

Nous : Question pour assouvir notre curiosité : Christophe Lambert, c'est votre vrai nom ?
Christophe Lambert : Voilà un scoop pour vous : l'acteur est mon clone, mais pour brouiller les pistes, on l'a mis dans une machine à remonter dans le temps pour qu'il naisse avant moi et on lui a fait subir une opération de chirurgie esthétique, très réussie, à part peut-être les yeux.

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