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Interview d'Anne Fakhouri et Xavier Dollo pour American Fays
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Interview d'Anne Fakhouri et Xavier Dollo pour American Fays

Actusf : Bonjour Anne, Bonjour Xavier, plutôt que de vous demander de vous présenter, j'aimerai que vous nous parliez pour commencer de votre rencontre et de votre décision d'écrire à quatre mains et de tout ce que cela implique au niveau boulot (internet, téléphone, rencontres, répartition du travail, relectures, corrections, etc.). Xavier a-t-il joué le rôle de l'enchanteur et Anne celle de Marraine la bonne fée ?
Anne Fakhouri :
Mmmh, pourquoi ce serait moi, la truffasse qui supervise ? Et pourquoi ce serait Xavier, le mec qui enchante ? Merci pour le cliché sexiste. Il se trouve que Xavier porte bien mieux la mousseline bleue que moi.

Ce que j’ai tout de suite remarqué quand nous nous sommes rencontrés, aux Utopiales, à Nantes. Xavier avait le Clairvoyage à faire signer. Moi, j’ai acheté A comme Alone – j’ai adoré -. Nous avons passé la soirée à papoter, au bar de l’hôtel… à tel point absorbés par la conversation que nous avons snobé Lucie Chenu qui a bien râlé. A la fin de la soirée, nous avons convenu de ne pas coucher ensemble, par flemme.

Depuis, nous sommes amis.

Le poste de meilleur ami étant vacant et même si je ne voulais plus d’ami homme (c’est trop d’entretien), Xavier est devenu quelqu’un d’essentiel.

Enfin, comme il écrit bien et que nous aimons la même littérature (à une exception près, je ne partage pas son goût déplorable pour la science-fiction), nous avons souvent parlé d’un livre en commun.

Quand Simon Pinel a émis le souhait de lire un roman dans l’univers des No Ears Four, suite à la lecture de ma nouvelle « Du rififi entre les oreilles » (in Elfes et Assassins, dirigé par L.Davoust et S.Miller), j’ai dit oui, mais seulement si Xavier était mon co-auteur.

C’était intéressé : je suis nulle en scènes d’action.

Vu qu’on s’appelle au moins une fois par jour pour se raconter des conneries, il suffisait de glisser deux trois réflexions de boulot… Pour le reste, nous avons passé des vacances ensemble : soit chez moi à Paris, soit sur l’île de Bréhat, cet été (Simon était là aussi, pour bronz… pour nous soutenir). Et puis, évidemment, nous avons échangé des tas de fichiers.
Nous avons conçu l’intrigue ensemble, puis j’ai (oui, moi, Xavier s’est contenté de fumer des clopes en disant « c’est parfait) découpé le tout en chapitres, et chacun a écrit ceux qui lui étaient destinés.

Xavier a fait l’essentiel des recherches et moi du background.

Bref, chacun a travaillé sur ce qui lui plaisait le plus.

Xavier Dollo : Notre rencontre date d’il y a quelques années maintenant. De l’époque où Anne sortait son premier roman (Le Clairvoyage). On s’est donc croisés pour la première fois  lors des Utopiales à Nantes. J’étais venu pour dédicacer mes deux premiers romans (mes Alones), gracieusement non-invité par le festival en question, et j’avais profité de l’occasion pour apporter le seul bouquin qui m’avait plu depuis des mois en jeunesse : Le Clairvoyage, donc. Il se trouve qu’Anne et moi nous sommes retrouvés à dédicacer l’un à côté de l’autre. On a sympathisé autour de quelques thés. Et puis au fur et à mesure, elle est devenue ma meilleure amie. J’imagine que c’est tout naturellement que l’on a commencé à songer à des projets à quatre mains (comme le font Philippe Ward et Sylvie Miller avec la superbe série des Lasser), sans que ni l’un, ni l’autre, n’ait vraiment le temps de s’y attarder. Nous avons chacun nos éditeurs et des plannings assez remplis, par chance. Mais on a quand même trouvé le temps de rajouter le projet American Fays après qu’Anne a sorti sa nouvelle Du riffifi entre les oreilles ; on a pensé que cet univers était parfait pour s’y amuser tous les deux. Ensuite, pour la répartition du travail, cela a été compliqué, quand même. J’avais une demi-douzaine de deadlines… en même temps ou presque (Anne était pas mal de ce côté-là aussi) et j’admets avoir un peu beaucoup souffert pour tout rendre dans les temps, sans compter que mon roman jeunesse chez Rageot m’a pris plus de temps que prévu. Anne a quand même réalisé la plupart des découpages de l’intrigue. On a beaucoup discuté du contenu avant cela, et puis on s’est répartis les chapitres selon nos envies respectives. Alors oui, le téléphone, les mails et messageries ont été largement mis à contribution. Je suis allé à Paris plusieurs fois pour travailler en direct avec Anne parce que pour avancer, à un moment donné, c’était juste nécessaire qu’on se voie.

Actusf : Pourriez-vous, en quelques phrases percutantes, expliquer le pitch de votre roman aux pauvres lecteurs que nous sommes (nous ne sommes pas dignes !) ? Y a-t-il moyen que vous nous jetiez en pâture quelques personnages que nous allons être amenés à croiser d'ici peu ?
Anne Fakhouri : Les Fays cohabitent avec les humains dans le Chicago des années 20. Capone voit ça d’un sale œil ; ces saloperies de petites choses rigolotes rendent les gens heureux et les détournent de l’alcool et des femmes de petite vertu. Il a donc chargé son Consigliere de réunir quatre « spécialistes » des Fays, parmi ses petites mains. Ce sont les No Ears Four.

Voilà donc Old Odd, le « vieux bizarre », dont la principale compétence est de bougonner. Et éventuellement de repérer les Fays grâce à sa maladie : il y est allergique…

Son garde du corps, Bulldog, est un gentil idiot. Vraiment gentil. Vraiment idiot.

Il y a aussi Jack The Crap, furtif, vicieux, énigmatique, sur-entraîné.

Et enfin Bix Demons, le beau gosse, trompettiste de jazz, hélas blanc, qui plait aux femmes et aux Fays et qui connait les moyens de les attirer.

On y ajoute une jeune fille candide, une pute au grand cœur et à la large poitrine, quelques mafieux sanguinaires, des Fays agaçantes, du mauvais whisky et quelques vannes stupides et ça donne American Fays.

Xavier Dollo : « Ce livre n’est pas de la hard-science. » C’est un bon argument de vente, non ? Bon, plus sérieusement (mais j’ai du mal à l’être, désolé), American Fays met en scène quatre types qui font partie d’une même équipe, les No Ears Four, des chasseurs de Fays. Ils travaillent officieusement pour Al Capone, qui n’aime pas trop quand les fays de Chicago viennent l’emmerder dans son commerce. Quant aux personnages, Anne aura sans doute cité les No Ears Four, mais il y a aussi plein d’autres personnages, humains ou fays, ayant existé ou purement fictifs, qui valent le détour. Comme l’industriel Arbogast, Jude, la tenancière du Jude and the Dudes, Rachel, sa nièce, qui a tapé dans l’œil de Bix, notre musicien de jazz et mafieux. J’aime bien, aussi, Awful Billy, que l’on croise brièvement. Il tient une épicerie un peu particulière

Actusf : La Steam-Fantasy c'était voulu dès le départ ou est-ce que cela a été un choix a posteriori ? Pourquoi avoir placé le cadre de votre roman pendant la Prohibition ? Pourriez-vous parler du travail de recherche que cela nécessite ? Y-a-t-il eu des livres, des films qui vous ont marqué, vous ont été utiles lors du processus de création du roman ?
Anne Fakhouri : La quoi ? C’est quoi, ce nouveau truc jargonneur ?
 
L’univers d’American Fays vient de ma nouvelle « Du rififi entre les oreilles ». Il fallait des elfes et des assassins. J’avais envie d’assassins de la mafia. Et une nouvelle, c’est un peu court pour expliquer pourquoi il y a des Fays, etc, etc… donc leur présence était un postulat de base. Plus facile. D’autant que je n’avais pas que ça à raconter… L’univers est donc né d’une contrainte éditoriale.

Après, j’ai aimé l’idée que les fées aient fait leur coming out et que l’univers des NEF soit un monde alternatif.

Mais si vous appelez ça de la steam fantasy, pas de souci.

On a mis de grosses références au cinéma populaire qui parle de la mafia: la série des Parrain, les Incorruptibles, Some like it hot… Des films fondateurs pour moi !

J’ai un père qui a été trompettiste de jazz (et qui a même tapé le bœuf avec Sidney Bechet) dans sa jeunesse : il était hors de question que je passe à côté du New Orleans et qu’il n’y ait pas au moins Armstrong dans ce bouquin. Ca tombait bien : en 1925, il vient de quitter Chicago ! Je pouvais donc en faire une personne du roman sans avoir à le faire agir ! Il reste « celui dont on parle » ! C’était parfait. J’aurais été incapable de toucher à un des musiciens préférés ou du moins fondateurs.

Après, j’ai fait du travail de recherche rébarbatif, qui me donnerait sans doute l’air très sérieux (et intelligent) mais qui a été purement informatif : fonctionnement de la mafia, géo-politique de Chicago, mœurs, etc… Rien d’excitant mais très utile.

Xavier Dollo : La Steam-Fantasy, ça ne me parle pas trop. Le steampunk, pour moi incorpore ce dix-neuvième et début de vingtième siècle réinventé… s’il faut scinder ce qui est déjà un sous-genre en sous-sous-genre, on va tous mal finir à mon avis ! Mais les modes aiment bien se faire à coup de nouveaux mots et concepts, donc pourquoi pas… même si pour moi nous n’avons rien écrit de tout ça, nous sommes plutôt sur les terres de la fantasy urbaine. Bref, la prohibition c’est le choix d’Anne. Elle avait déjà travaillé sur cet univers pour une nouvelle. Quant aux recherches, le travail est long et fastidieux. De mon côté, j’ai surtout lu des essais, regardé des documentaires, ou des longs métrages se déroulant dans les années 20. J’ai pris plein de notes, monté des fichiers spécifiques par thématiques (comme les décors d’époque, les mœurs d’époque, etc), et j’ai pioché dedans quand j’en avais besoin. Au final, on ne récupère qu’une infime partie de cette documentation, mais le reste, la partie qui techniquement n’a pas été incluse dans le roman, nous a aussi aidé pour beaucoup de choses, notamment pour l’ambiance, l’atmosphère des années 20. Pour les dialogues aussi. J’ai surtout apprécié Le Jazz et les gangsters de Ronald L. Morris, un livre passionnant, mais il y a aussi eu Prohibition, excellent docu passé sur Arte, qui m’a beaucoup aidé pour des détails visuels. Entre autres.

Actusf : Comment s'est passé le travail d'ajustement d'un monde, celui de la pègre au début du XXème siècle, d'une époque, celle de la Prohibition (tentative de moralisation de la vie publique en interdisant la vente d'alcool et la destruction de l'alcool de contrebande créé et vendu par la Mafia) aux codes de la Fantasy ? Quelle est la création dont vous êtes le plus fier à ce propos ?
Anne Fakhouri : Je ne peux pas en parler, c’est une des surprises du roman…

En revanche, il a évidemment fallu adapter les codes de la mafia aux Fays.
C’était assez facile : Capone, en bon italo-catholique, déteste les Fays païennes. En outre, elles dérangent sérieusement son petit commerce, avec leur joie de vivre…

Mais elles ne le dérangent pas encore assez pour qu’il leur fasse sérieusement la guerre. Ce ne sont pas des ennemis à sa mesure. Il les surveille juste du coin de l’œil. Grâce à la bande des NEF.

Le lien avec la Prohibition s’est fait tout seul. Les Fays ont agi comme un élément perturbateur.

Xavier Dollo : Je ne sais pas ce qu’Anne va en dire (on ne s’est pas consultés pour les réponses), mais cela s’est fait relativement tout seul, surtout après l’effort de recherche documentaire fourni. Malgré tout, j’ai sans doute un peu tâtonné au départ, et certains chapitres ont été réécrits plusieurs fois pour trouver la juste « tonalité ». Bon, après aussi, certains chapitres ont été réécrits totalement. Mais si nous voulions être aussi justes que possible, il n’y avait pas de sentimentalisme à avoir. Ensuite, je n’ai pas à proprement parler de création favorite mais il y a évidemment de petits détails, comme la Constitution Fays, que je trouve plutôt chouettes.

Actusf : S'agit-il d'un roman unique ou songez-vous d'ores et déjà à donner de nouvelles aventures à vos personnages, ou, pourquoi pas, à réutiliser ce cadre avec d'autres personnages ?
Anne Fakhouri : On vient de parler d’une suite.

Et nous avons pour projet d’écrire une novella à quatre mains… Novella qui réunirait Lasser, le privé de Sylvie Miller et Philippe Ward et nos NEF.

Xavier Dollo : Il y a de vagues idées. Rien de bien précis. En tout cas de mon côté.

Actusf : Pourriez-vous nous parler maintenant de ce que vous préparez chacun de votre côté ? Y a-t-il un moyen de vous suivre au quotidien ?
Anne Fakhouri : Je viens de terminer les corrections de mon prochain jeunesse chez Rageot, la suite de Hantés, qui sort en février 2015.

J’ai trois projets dans mes carnets. Je fais des recherches en attendant de voir lequel va s’imposer.

Comme j’écris maintenant à temps plein (je viens de déménager en Irlande et je n’ai donc plus qu’un métier), je vais peut-être essayer d’écrire deux livres en parallèle.

Je n’aime pas trop parler de mes projets mais je peux dire qu’il y aura, si on mélange les trois, du surnaturel, des tueurs, de l’historique, de la jeunesse, de l’adulte, sans doute de la poésie et encore des fées.

J’ai un blog : http://annefakhouri.over-blog.com/

Et un site en construction, je vous tiendrai au courant !

Xavier Dollo : Eh bien, je voudrais finir une novella commencée voilà au moins… trois ans. Et puis c’est tout. Pas d’autre projet en perspective. Enfin, si, une longue pause sans deadlines, après deux trois ans un peu dingues.

Pour me suivre, il y a un blog (http://gehathomas.wordpress.com), un facebook Thomas Geha (mon autre moi), et un compte Twitter. Tout cela est mis à jour de façon aléatoire, mais bon, j’essaie d’y aller aussi souvent que possible !

Actusf : Le mot de la fin vous appartient, faites-vous plaisir !
Anne Fakhouri : Gettin jiggy wit it, dudes !

Xavier Dollo : Lisez American Fays. Un livre, nous l’espérons, fun à lire. Et c’est un très bel objet, collector, avec un dos toilé, en hardcover, et une belle illustration de Xavier Collette. Le tout pour les cinq ans des éditions Critic !

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