- le  
Interview d'Hugues Fléchard
Commenter

Interview d'Hugues Fléchard

Actusf : Comment est née l'idée de Matière Fantôme ?
Hugues Fléchard : Stéphane Douay m’a dit un jour qu’il aimerait dessiner une histoire qui commencerait par un homme amnésique se réveillant dans un vaisseau spatial. Il tenait aussi à représenter l’espace comme une immensité perdue dans les ténèbres à l’inverse de ces visions colorées trop chargées de voies lactées vidées de leur pouvoir d’évocation. Cette idée m’a emballé au point qu’en cinq minutes je lui ai raconté la fin de cette histoire. Deux jours plus tard, en écrivant un premier synopsis, l’idée des deux autres volumes m’est venue très naturellement. J’ai proposé ces deux histoires à Stéphane qui a accepté aussitôt.

Actusf
: Qu'aviez-vous envie de faire avec cet album et plus globalement avec cette série qui s'annonce plutôt ambitieuse ?
Hugues Fléchard
: Stéphane et moi partageons le même goût pour le langage des signes, des symboles. Ce qui paraît être le fruit du hasard dans notre vie quotidienne peut être en fait porteur de sens. Le hasard ne nous intéresse que lorsqu’on peut en démonter le processus par l’imaginaire, c’est-à-dire via la fiction. Ainsi, la perception que l’on a du monde et de la réalité qui nous entoure, loin d’être objective, obéirait à des lois différentes selon les sujets. Comme les essais sur ce thème sont généralement délicats d’accès et donc difficiles à partager, la fiction nous permet d’aborder certaines théories tout en divertissant.

Actusf
: Comment présenteriez-vous votre histoire à quelqu'un qui ne l'aurait pas lu ?
Hugues Fléchard : Imaginez que vous vous réveillez dans une mare immense. Vous en sortez trempé, nu, et tout ce que vous apercevez en premier, c’est cette bouche noire qui vous invite à pénétrer dans un tunnel. Vous marchez, vous glissez et vous tombez sans savoir si cela aura une fin. Pourtant, vous ressentez quelque chose de familier dans ce décor fantastique que vous explorez. Vous ne vous souvenez de rien, mais vous vous rappelez très exactement des couloirs que vous traversez, des salles dont vous ouvrez les portes et des objets dont vous devinez les formes. Bref, vous êtes seul dans un vaisseau spatial d’une taille gigantesque et votre voyage ne fait que commencer.

Actusf
: Comment s'est passé votre rencontre avec Stéphane Douay et comment avez-vous travaillé ensemble ?
Hugues Fléchard
: Stéphane et moi nous nous connaissons depuis plus d’une quinzaine d’années. Il s’occupait d’un atelier de BD à Caen lorsque je l’ai rencontré la première fois. Nous avons monté des projets ensemble, mais cela n’a pas eu de suite. Quand nous nous sommes rencontrés des années plus tard, ayant chacun eu un parcours différent, l’idée de travailler ensemble nous a de nouveau chatouillé. L’important avec Stéphane, c’est que nous avons envie de parler de ce qui nous interroge tous les deux et la BD nous semble être le meilleur médium pour cela. Nous discutons donc à partir d’une idée, puis j’écris un synopsis. Stéphane le lit et s’il est d’accord, j’écris le scénario. Stéphane fait un premier travail dessus, puis nous discutons sur le découpage. En fait, tant que l’album n’est pas prêt pour l’impression, les discussions entre Stéphane et moi sont continuelles.

Actusf
: Y'a-t-il des livres ou des BD qui vous ont inspiré ? Etes-vous un lecteur de science-fiction et de space opera ?
Hugues Fléchard : Tout ce que je lis m’inspire, d’une façon ou d’une autre. Disons que pour le tome Alpha j’ai pensé à certaines séquences du Vendredi ou les limbes du pacifique de Michel Tournier, et pour la trilogie à Serge Lehman avec Aucune étoile aussi lointaine, A.E. Van Vogt avec La Faune de l’espace, à P.K. Dick (Les Clans de la lune Alphane, Le Dieu venu du centaure), aux films Solaris de Tarkovski, à Alien de Ridley Scott, à Outland de Peter Hyams (et la magnifique adaptation de Steranko), en BD Vol 714 pour Sidney d’Hergé, L’Appel de l’espace de Will Eisner… Je pourrais vous en citer bien d’autres… Oui, je lis de la SF, même quand celle-ci ne se décrit pas comme telle, mais pas particulièrement du space opera. Avec le fantastique et la poésie la SF fait partie de mes premières lectures et ça continue.

Actusf
: L'action se situe dans l'espace mais en même temps, c'est aussi et surtout un livre sur le questionnement. Le héros cherche à savoir d'où il vient et pourquoi il est là. C'était une envie de faire un récit intimiste qui s'interroge sur la notion d'humanité ?
Hugues Fléchard : En fait, ce qui m’intéresse ce sont les voyages dans l’espace à l’échelle du cosmos et en même temps à l’échelle de l’humain. Au fond, c’est ce que l’on retrouve dans les cosmogonies, ce qu’est, entre autres, Matière Fantôme. Le point de départ d’Alpha étant le récit d’un homme seul du début à la fin de l’histoire, il était logique que le voyage intérieur ait une importance capitale. A partir du moment où l’on se penche sur la vie intérieure de quelqu’un il y a des chances que l’on touche à celle de nombreuses personnes.

Actusf
: Peut-on dévoiler un peu la suite ? Que raconterons en quelques mots les Deux tomes qui viennent ?
Hugues Fléchard
: Dans les autres albums nous en saurons plus sur le vaisseau monde. Ce que je souhaite, c’est que le lecteur n’hésitera pas à se plonger dans les trois volumes au final pour avoir une vue d’ensemble qui lui permettra de comprendre les enjeux de chaque histoire par rapport à la trilogie complète. Chaque album est la pièce d’un puzzle et peu importe dans quel ordre les albums sont lus.

Actusf : Dernière question classique, quels sont vos projets ?
Hugues Fléchard : Stéphane a le scénario du tome Bêta entre les mains et nous discutons beaucoup ! Le tome Delta est en route et je prépare un autre projet de SF avec Stéphane. D’autres projets BD sont en préparation mais il est encore trop tôt pour en parler. Côté cinéma je suis en attente du devis d’un long métrage produit par les Films Christian Fechner et co-écrit avec Alexandra Fechner-Boccara et Nikolaus Roche-Kresse. Il s’agira d’un thriller fantastique.

à lire aussi

Genres / Mots-clés

Partager cet article

Qu'en pensez-vous ?