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Interview d'Olivier Texier
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Interview d'Olivier Texier

ActuSF : Cela fait un peu plus de dix ans que vous évoluez dans le milieu de la BD. Comment vous est venue cette passion ? Était-ce un rêve d'enfant de créer des BD ou bien cela vous est-il venu sur le tard ? Quelle est d'ailleurs votre formation professionnelle ?

Olivier Texier : Depuis que je suis tout petit, raconter des histoire en dessin est une véritable évidence pour moi. J’ignore d’où ça me vient, mais c’est là. Je me rappelle qu’après avoir vu le premier Star Wars au cinéma, ou le clip Thriller à la télé (chez Drucker !), je les redessinais entièrement pour ne pas les oublier (il n’y avait pas de magnétoscope à l’époque, et les DVD étaient encore de l’ordre la SF). C’est bien pour faire de la BD que j’ai passé un bac « Arts plastiques » et que j’ai obtenu une Maîtrise de Lettres Modernes : j’avais lu quelque part qu’on manquait de scénaristes en BD… Donc pour être sûr de réussir j’ai fait Lettres au lieu de faire une école de dessin !!

ActuSF : Vous avez démarré votre carrière BD en vous auto-éditant. Comment en vient-on à s'auto-publier ? Qu'est-ce que cela vous a apporté en tant qu'auteur ?

Olivier Texier : L’auto-édition m’est venue lorsque je me suis retrouvé en contact prolongé avec une photocopieuse, lors de mon premier boulot. En restant le midi ou le soir, j’avais l’occasion de photocopier des dessins à volonté. Et puis je me suis rendu compte que j’adorais « fabriquer » mes livres moi-même ! En tant qu’auteur, ces années d’auto-édition m’ont apporté la liberté absolue de raconter ce que je veux, d’explorer les marges du récit (et de la bienséance !!)… Sans me soucier d’être lu ou vendu !

ActuSF : Comment s'est effectué le passage de l'auto-édition à l'édition traditionnelle ? Est-ce pour vous un aboutissement ?

Olivier Texier : Le passage à la « vraie » édition est d’abord venu grâce aux revues de BD Ferraille et le Psikopat. C’étaient les seuls magazines diffusés en kiosques où les jeunes auteurs pouvaient faire leurs débuts, tenter des choses… Lorsque je suis devenu un collaborateur régulier de ces revues (ce qui m’a quand même pris dix ans), mon travail s’est amélioré, et j’ai pris confiance en moi… Les livres ont suivi.

ActuSF : Vous utilisez également beaucoup le web : vous mettez régulièrement en ligne des strips sur vos blogs, certains publiés en version papier. Envisagez-vous le web comme un véritable outil de création, ou plutôt comme un outil de communication ? Est-ce que le web vous apporte des lecteurs pour vos BD papier, ou bien les deux médias vous semblent-ils étanches ?

Olivier Texier : Pour un ancien « auto-éditeur » comme moi, le web représente une sorte d’idéal : un endroit où l’on peut diffuser son travail, sans avoir à courir les librairies pour essayer de placer un ou deux exemplaires, qui seront la plupart du temps mis dans un fond de bac et resteront invendus… Bon, je grossis un peu le trait, et certains libraires ont vraiment à cœur de soutenir la jeune création (je pense notamment à « Un Regard Moderne » à Paris), mais avec le web on touche potentiellement un très large public ! Sachant que l’auto-édition était vraiment à perte, financièrement parlant la gratuité du web ne me dérange pas.

Jusqu’à il y a peu, j’utilisais internet comme une sorte de « galerie » où je mettais mes œuvres (voir mon site www.otexgrotesk.com). C’est avec la création de mon premier blog (http://otexier.blogspot.com), il y a un an, que j’ai commencé à utiliser à fond les caractérisques du médium : réactivité (facile de mettre un dessin par jour) et échange avec mes lecteurs, grâce à leurs commentaires.

Je trouve qu’en matière de dessin, un lien très fort existe entre le papier et le web : mon blog « Mal faits » a été longtemps en lien sur le site de Manu Larcenet avant que celui-ci ne me propose d’en faire un livre (aux éditions « Les rêveurs »). Quant à Lewis Trondheim, mon directeur de collection chez Delcourt, j’ai d’abord commencé à échanger avec lui par mail… même si à l’époque je croyais dur comme fer m’adresser à un jeune auteur nommé « Frantico » !!!

ActuSF : Parlons plus précisément de votre dernière BD parue aux éditions Delcourt, dans la collection Shampooing : Croisière Cosmos. Tout d'abord, cette BD a été nominée pour le prix de la meilleure BD au festival des Utopiales 2008 de Nantes. Que représente pour vous cette nomination, même si vous n'avez finalement pas obtenu le prix ?

Olivier Texier : C’est la première fois que je suis nominé quelque part… J’étais ému !

ActuSF : Croisière Cosmos raconte l'histoire de centaines d'extraterrestres divers et variés (et pour la plupart totalement stupides) abandonnés sur un vaisseau, capturés par des humains qui semblent avoir disparu. S'ensuit une série de mésaventures alors qu'ils cherchent à rentrer chez eux. D'où vous est venue cette idée ?

Olivier Texier : Hum, certaines idées vous tombent dessus, alors que vous faite totalement autre chose ! C’est le cas de celle-ci, que j’ai tout de suite notée dans un cahier en me disant que ça ferait un excellent point de départ pour une BD de SF un peu stupide. Mais c’est assez rare que ça se passe comme ça : en général, on réfléchit beaucoup pour, au final, s’apercevoir que l’idée que l’on a eue n’est ni très bonne ni très originale.

ActuSF : Globalement, vos personnages sont inoffensifs, parfois idiots, du moins selon nos critères d'humains adultes. Ils rappellent une certaine innocence enfantine. Quel était votre objectif en créant ces personnages ?

Olivier Texier : Je voulais effectivement leur donner une certaine naïveté, tout d’abord parce que c’est un ressort comique assez efficace ! Voir des personnages se débattre comme des fous dans des situations assez simple me fait rire ! Mais j’aime aussi l’idée que c’est une bonne chose d’aborder la complexité du monde avec simplicité, même si l’on peut paraître bête aux yeux des autres. J’aime l’évidence de la simplicité, et j’essaie de la cultiver dans ma vie personnelle…

ActuSF : Les « méchants » de votre BD sont cruels, arrogants et surtout, très intelligents. Vous prenez un malin plaisir à les ridiculiser... Doit-on y voir une critique sur les puissants de notre société ?

Olivier Texier : Non, je n’ai pas de compte à régler avec les puissants ! Par contre, c’est plus sûrement une critique de l’intelligence, ou plutôt du « calcul »… Peut-être que je voulais montrer qu’être calculateur n’aboutit finalement pas à grand chose ? En tout cas, c’est comme ça que ça se passe pour mes « méchants », qui auraient gagné à vouloir moins de choses et à profiter un peu plus du temps qui passe…

ActuSF : Et la disparition des humains, fantasme inavoué ou ressort scénaristique ?

Olivier Texier : En faisant la BD je me demandais des fois si derrière ça il n’y avait pas l’idée du « père absent », et si ce n’était pas assez révélateur, psychanalytiquement parlant ! Mais sur la disparition des hommes, j’avoue que je suis assez pessimiste quant aux prochains siècles… En un siècle et demi, depuis la Révolution industrielle, nous avons réussi à mettre en danger à peu près tout ce qui existe sur cette planète, alors si on se projette un peu dans le futur…

ActuSF : Vous pratiquez un humour proche de l’absurde, qui rappelle celui de Sfar et Trondheim. De même, la galerie de vos extraterrestres renvoie à la diversité des monstres de leur série Donjon. Ces deux auteurs font-ils partie de vos références ?

Olivier Texier : En fait, je lis assez peu de BD (jai du lire 3-4 Donjons) mais c’est vrai que Sfar et Trondheim font évidemment partie de mon bagage ! Sans les cours de « BD sans crayonné » de Sfar et sans la bienveillance de Trondheim, je n’aurais jamais fait Croisière Cosmos !!

ActuSF : Plus généralement, de quoi se nourrit votre imaginaire ? Quelles sont vos influences en BD, littérature ou TV, du point de vue graphique et scénaristique ?

Olivier Texier : J’aime surtout ce qui est en marge : la série BD Terrain vague de Kaz par exemple, ou d’autres auteurs encore plus bizarres, comme le japonais Hanakuma ! Cela dit je pense que je suis tout autant inspiré par le show TV Flying Circus des Monty Python (MA référence) ou par le dessin animé Bob l’éponge… Mais ça s’arrête là, puisque je n’ai plus la TV depuis plusieurs années, et que je vais assez peu au cinéma…
Par contre, je suis un assez gros lecteur de litterature, et je me nourris beaucoup au contact du surréaliste japonais Abe Kobo, ou de l’argentin Borgès !

ActuSF : Croisière Cosmos est un one-shot, mais l'univers que vous avez mis en place donne envie d'en lire plus. Envisagez-vous une suite ?

Olivier Texier : J’ai passé plus de trois ans à faire cette BD, et j’aurais juré que dorénavant, je ne ferais plus que des mini-albums de 46 pages ! Mais comme elle est très bien reçue, et que je suis fier de moi, j’aimerais bien continuer à faire des histoires dans cet univers ! Pour ça, il me faut une idée de départ solide, qui ne soit pas juste un prétexte… J’y réfléchis des fois, et j’attends…

ActuSF : Quels sont vos autres projets de BD en cours ?

Olivier Texier : J’ai commencé un feuilleton sur Internet qui m’excite beaucoup en ce moment ! Ça s’appelle La Peur du vide, et c’est une improvisation totale, textes et dessins (ni synopsis ni crayonné !)… Tous les jours je mets en ligne un nouvel épisode de trois cases (soit un quart de page), et j’espère bien arriver à battre Trondheim et son Lapinot improvisé de 500 pages !
L’univers est un peu SF puisque c’est un monde post-apocalyptique, mais c’est surtout complètement barjo, avec plein de personnages qui ont des formes et des mœurs bizarres… En tout cas, je promets beaucoup de surprises aux lecteurs qui auraient envie de me suivre dans cette aventure, qui n’est pas vraiment pour les enfants. Tout ça se consulte gratuitement sur http://lapeurduvide.blogspot.com.

Plus « Mainstream », je suis aussi co-scénariste d’une BD de super-héros un peu débiles, avec le dessinateur Yoann : ça s’appelle Les Captainz et si l’album n’est prévu que pour fin 2009, on peut déjà lire des épisodes dans la revue Strip de l’éditeur Le Lombard (en librairie BD uniquement).

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