Actusf : Peux-tu nous raconter la drôle d’aventure des Vestiges de l’aube, qui est d’abord paru chez un tout petit éditeur ?
David S.Khara : J’ai achevé l’écriture des Vestiges de l’Aube en 2008 et je souhaitais le faire lire à des auteurs professionnels, non dans le but de le faire publier, mais pour savoir quelle différence existait entre ce que j’avais fait et le travail d’un véritable romancier. Le hasard a fait que j’ai rencontré Serge le Tendre, le scénariste de BD, et Thomas Géha, auteur de fantasy, post apo, et SF, chez Rivière Blanche à l’époque. Les deux ont très gentiment accepté de lire le manuscrit. Serge a considéré que l’histoire donnerait une belle BD, quant à Thomas, il a estimé qu’il y avait du potentiel et a suggéré le livre à Philippe Ward, le directeur de collection Rivière Blanche. La courant est tout de suite passé avec Philippe qui m’a pris en main et m’a appris le travail réel de l’écrivain. Il a publié le roman en mars 2010, avec un succès inattendu et pour tout dire inespéré.
Suite au succès du Projet Bleiberg, Michel Lafon m’a proposé de publier une version plus aboutie des Vestiges. Avec l’accord de Philippe Ward, j’ai accepté et l’expérience acquise m’a permis d’étoffer le roman.
Actusf : Qu’elle était l’idée de départ de ce livre ?
David S.Khara : A l’origine, Les Vestiges de l’Aube était un feuilleton à l’attention d’un ami qui venait de perdre sa femme et sa fille dans un accident de la route. J’ai décidé de lui raconter une histoire parlant du veuvage, de l’amitié, de la reconstruction après la perte de l’être aimé, tout en masquant le propos derrière un voile de polar et de fantastique. Ma passion pour l’histoire m’a ensuite amené à mettre en parallèle les attentats du onze septembre et la guerre de sécession et d’explorer ainsi les bégaiements de la grande Histoire lorsque celle-ci bouleverse la petite histoire de nos vies. Ce faisant, je plantais malgré moi les graines de ce qui allait devenir la logique derrière la trilogie Bleiberg.
Mais l’idée principale, celle qui me tenait le plus à cœur, tient en ma farouche volonté d’écrire des romans sur l’espoir. Je ne me ferai jamais l’apostolat des pervers et autres malades traités à loisirs dans les romans, souvent avec talent, la question n’est pas là. Dans chacune de mes histoires, je cherche à ce que le lecteur ferme le roman, un sourire aux lèvres.
J’observe ce qui est négatif en l’homme pour mieux glorifier les valeurs positives qui me tiennent à cœur : l’honneur, le devoir, l’abnégation et le respect d’autrui…
Actusf : Qu'est-ce qu'il t'intéressait dans le figure du Vampire ?
David S.Khara : Oserais-je dire, pas grand-chose ? (rires) En fait, Les Vestiges de l’Aube, comme Une Nuit Eternelle sont tout sauf des romans sur le vampirisme. Je souhaitais confronter deux hommes de deux époques différentes, deux regards différents sur notre monde. Le recours au fantastique s’imposait et ne me posait aucun problème dans la mesure ou mes lectures classiques en sont empreintes. Je pense, par exemple à Hamlet dont l’intrigue n’est rendue possible que l’apparition du fantôme du roi, ou Don Giovanni avec la statue du Commodore. La personnalité même de Werner en a fait un vampire. Aristocrate, coquet et charmeur, homme de pouvoir solitaire, ayant connu l’amour tardivement et l’ayant perdu, il correspondait trait pour trait à l’image romantique du vampire.
La figure vampirique servait mon propos en cela que Les Vestiges de l’Aube met en scène un monstre humaniste et un monstre bien humain. J’aime cette inversion des rôles car elle met en exergue nos propres démons. Par ailleurs, je m’interroge depuis toujours sur ce qui fait la grandeur de l’homme. A mes yeux, cette grandeur s’atteint lorsque, investit d’un grand pouvoir, un individu possède la sagesse suffisante pour ne pas l’utiliser. Là, le côté vampirique de Werner joue un rôle capital…
Actusf : Le premier volume parlait de la Guerre de Sécession. Qu’est-ce qui t’intéresse dans cette période et quel est ton rapport à l’histoire ?
David S.Khara : La guerre de Sécession est porteuse de nombreux fantasmes. Notre vision est trop souvent idéalisée, manichéenne quant aux motivations réelles des uns et des autres. Comme toujours dans les conflits humains, la simplification extrême des enjeux tronque la réalité et masque des intérêts économiques et politiques bien peu reluisants. Le roman évoque cette réalité.
L’Histoire est omniprésente dans mes romans. En marge de l’écriture, les longues périodes de documentations me permettent d’effectuer un voyage personnel, d’apprendre pour mieux comprendre. J’essaye ensuite de restituer une infime partie de cet apprentissage dans mes romans, en les imbriquant à mes intrigues. L’une de mes ambitions, derrière le divertissement et l’aventure clairement assumés, consiste à distiller au fil des pages des leçons d’histoire sans que les lecteurs ne s’en aperçoivent. Cela me permet également de traiter de science et d’économie sans pour autant m’ériger en professeur, ce que je ne suis pas, ni en moralisateur car je laisse toujours le lecteur se forger sa propre idée.
D’une manière générale, l’Histoire me passionne car elle fournit un éclairage décisif sur le monde dans lequel nous vivons.
Actusf : Parlons du livre à venir. Est-ce que c’est une suite ou peut-il se lire indépendamment ? L’as-tu écris récemment ou avais-tu le manuscrit depuis longtemps ?
David S.Khara : Une Nuit Eternelle peut se lire indépendamment des Vestiges de l’Aube. On y retrouve Werner et Barry, les deux protagonistes des Vestiges, mais les intrigues ne sont pas directement liées. Le côté polar qui ne servait que de toile de fond aux Vestiges de l’Aube est ici beaucoup plus développé.
J’ai travaillé sur le roman à cheval sur 2013 et 2014, mais j’avais le scénario en tête depuis 2010, date de la parution de la version chez Rivière Blanche.
Détail amusant, je n’ai aucun manuscrit d’avance…
Actusf : De quoi parle-t-il, quel en est le “pitch” ?
David S.Khara : A New York, de nos jours, un pasteur est retrouvé égorgé, la main gauche tranchée. En parallèle, un convoi de prisonniers jugés extrêmement dangereux est attaqué par un mystérieux commando.
Epaulé par son improbable, et difficilement gérable ami, Werner Von Lowinsky, l’inspecteur Barry Donovan mène une enquête qui va le mettre sur la trace d’un Ordre ancestral. Et au cœur de l’intrigue, une question : avons-nous droit à une deuxième chance…

Actusf : J’imagine qu’il y a un plaisir certain à retrouver ses personnages non ?
David S.Khara : Je suis un amateur de feuilleton, et à ce titre, je trouve agréable en tant que lecteur ou spectateur de retrouver des personnages dont je peux suivre les évolutions et les développements. En tant qu’auteur, le processus est le même avec, en prime, le plaisir de reprendre la plume avec le ton propre à chaque protagoniste. D’ailleurs, l’écriture liée à Werner m’offre de réelles plages de plaisir.
Actusf : Est-ce qu’il y aura aussi une BD ?
David S.Khara : A ce stade, il est encore trop tôt pour le dire. Cependant, d’autres projets BD avancent à grande vitesse. Je vous en reparlerai très bientôt…
Actusf : Quels sont tes projets ? Sur quoi travailles-tu ?
David S.Khara : J’ai commencé l’écriture d’un nouveau thriller, à paraître en 2015, et je travaille actuellement sur le roman d’une nouvelle auteure qui devrait faire parler d’elle. Et pour 2016, je prépare une surprise aux lecteurs d’Eytan Morgenstern…
Je m’investis également beaucoup avec la Ligue de l’Imaginaire pour mener des opérations littéraires à but caritatif.