Actusf : C'est important de se rendre sur salon comme Paris BD ?
Chabouté : Oui parce que tu rencontres tes lecteurs. J'ai toujours envie d'avoir un avis sur mes bouquins. De savoir si ça plait ou pas. Toute l'année, je bosse chez moi sans voir personne. Là je m'aère la tête.
Actusf : La Bête est votre dernier album. Comment est née son idée ?
Chabouté : En fait j'avais envie de faire des loups et des scènes sous la neige, c'est aussi simple que ça. En général, au départ de mes histoires il y a la volonté de dessiner certaines atmosphères. Ensuite, je greffe mon scénario qui vient par petits bouts. J'ai une espèce de gros sac vide dans lequel je mets des idées. Et lorsqu'il est plein, je mélange et j'étale tout sur la table. C'est ma cuisine à moi.
Actusf : Avec également des personnages atypiques et étonnants comme ce policier désabusé qui à l'approche de la cinquantaine se rend compte qu'il peut encore plaire…
Chabouté : J'essaie de prendre le contre-pied des choses classiques. Je préfère avoir des anti-héros, des gens qui ont des emmerdes, des gens vrais plutôt que sur des personnages qui ne se décoiffent jamais lorsqu'ils prennent une claque… J'aime travailler sur le fantastique au quotidien.
Actusf : C'est aussi un quotidien sans paillettes, assez dur comme pour Un petit moment de bonheur chez Paquet…
Chabouté : Les albums chez Paquet sont beaucoup plus personnels. J'y mets beaucoup plus de moi. En même temps c'est un polar. Donc oui c'est dur. Il ne faut pas de petites pâquerettes et de petits tournesols. Tu mets une ambiance en place en t'aidant du noir et blanc. Sur les Intégra chez Vent d'Ouest, j'ai 120 ou 130 pages, je peux me permettre de caler l'ambiance dans les dix premières. Chose que l'on ne peut pas faire avec un 48 pages. Avec les scènes de départ, j'amène le lecteur dans un certain état d'esprit pour lancer mon histoire.
Actusf : Question classique que l'on doit vous poser souvent, pourquoi faire essentiellement du noir et blanc ?
Chabouté : Le noir et blanc sert l'histoire. La couleur n'apporte rien. Je ne vois pas ce que ça pourrait changer. C'est aussi dû au format des albums. On ne peut pas faire des albums de 120 pages en couleur. C'est économiquement trop cher.
Actusf : Parlons également du découpage en chapitres de vos albums…
Chabouté : Ca dépend des titres. Dans Pleine Lune par exemple, il y a un rythme très très rapide. Ca commence et ça fini sur les chapeaux de roues. Donc tu ne peux pas poser ton histoire et la découper en chapitres en faisant des pauses. Dans La bête tu peux poser les choses, marquer un temps et faire des pauses. Ca rythme le récit et ça permet de faire un peu de mise en scène ou de caser une ellipse. C'est le même principe qu'en littérature.
Actusf : Parlons littérature justement. Ce goût pour le fantastique rural fait penser immédiatement à Seignolle…
Chabouté : Bien sûr. Ca a commencé très fort pour moi Seignolle. J'habite à la campagne également, donc c'est un domaine que je connais parfaitement. Ca fait marcher mon imaginaire. Le fantastique et le quotidien se confondent bien. Et la campagne s'y prête facilement. C'est l'exemple simple de la forêt. T'y balader en pleine journée n'a rien à voir avec l'ambiance de la nuit. Dans l'obscurité, tu commences à cogiter, à te poser des questions... Tu es dans une ambiance fantastique même s'il ne se passe rien. J'ai toujours tendance à partir dans de grandes histoires fantastiques même si à la fin je termine avec une explication rationnelle et crédible. Pour La Bête, il n'y a rien de magique dans le dénouement. Ca pourrait arriver demain.
Actusf : Comment avez-vous travaillé ? En faisant des repérages dans un endroit en particulier ?
Chabouté : Non. C'est un ensemble de lieux et surtout d'ambiances que j'ai regroupé dans un même album. Il y a de la documentation sur les loups, quelques photos. Mais je ne pars pas faire de crobars faits en forêt. Je préfère m'y balader et m'imprégner de l'atmosphère. Ce sont surtout des ambiances que je cherche à prendre et essayer de les remettre sur papier.
Actusf : La Bête a quelques mois maintenant. Quel regard portez-vous dessus ? C'est encore votre album ?
Chabouté : Non non. Une fois que je l'ai rendu à l'éditeur, c'est fini. Je ne les relis même plus. Je feuillette les épreuves pour vérifier que tout va bien mais c'est tout. Il appartient alors au lecteur. Je ne reviens jamais en arrière pour un bouquin. Quand je finis l'encrage, je suis déjà dans le scénario du suivant.
Actusf : Y'a-t-il un album de votre bibliographie qui vous tient particulièrement à cœur ?
Chabouté : Je vais faire une réponse classique : celui que je n'ai pas encore fait. Le prochain (rires). Non si je devais en sortir un du lot ce serait Quelques jours d'été. Le premier chez Paquet. Parce que c'est trés personnel. Parce que j'espère avoir réussit à concentrer beaucoup de choses en trente pages.
Actusf : Et le prochain ?
Chabouté : Là je n'en parle pas. Il est fini, il est livré depuis hier mais je ne peux pas en parler tant qu'il n'est pas officiellement sorti. Il est encore à moi, c'est mon bébé. Vous en saurez plus en septembre.
La Chronique de 16h16