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Interview de Christophe Lambert (2007)
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Interview de Christophe Lambert (2007)

Actusf : Avant de commencer, revenons sur ce mois de janvier 2007. La réédition de La Brèche et la parution de Zoulou Kingdom. Quel beau début d’année. Le fait qu’il y ait les deux qui arrivent en même temps chez les libraires, c'est une petite joie pour un auteur ? Ou pour vous ça ne change pas grand chose ?
Christophe Lambert : Je trouve cela très positif. J’espère que les deux livres vont s’épauler mutuellement.

Actusf : Evoquons dans un premier temps La Brèche. Comment en avez-vous eu l'idée ?
Christophe Lambert : Je voulais mélanger l’ambiance « seconde guerre mondiale » avec des technologies militaires futuristes, type drones, exosquelettes, etc. Après avoir hésité entre l’uchronie et le voyage dans le temps, j’ai finalement choisi la seconde option.

Actusf : Comment présenteriez-vous ce livre à quelqu’un qui ne l’aurait pas lu ?
Christophe Lambert : C’est de la SF guerrière, un peu comme si Crichton et Clancy avaient décidé de faire un bouquin ensemble.

Actusf : Ce roman évoque le débarquement le 6 juin 1944. L’Histoire semble être souvent présente dans vos romans. Est-ce par goût personnel ? Et qu'est-ce qui vous semblait intéressant dans ce moment du débarquement ?
Christophe Lambert : Oui, je suis un passionné d’Histoire. J’ai attrapé le virus en regardant « Il était une fois... l’homme » tous les soirs à 19h55 quand j’étais gosse (aaah, la toccata et fugue en ré mineur !). Concernant l’événement historique, j’avais d’abord choisi Stalingrad, qui est sans doute la bataille la plus « charnière » de cette guerre, mais je connais mieux le débarquement (je passais mes vacances en Normandie, étant enfant). Et puis, le Jour J, c’est plus ponctuel, plus fulgurant ; cela convenait mieux à la contrainte « show télé » (puisque, rappelons-le, nous suivons une équipe de reporters temporels). Et puis je suis un fan du SOLDAT RYAN, de Spielberg (mais je ne déteste pas non plus les tireurs d’élite de Jean-Jacques Annaud ;-)

Actusf : Evoquons maintenant Zoulou Kingdom pour vous poser la même question de sa genèse. Comment est née l’idée de ce roman cette fois ?
Christophe Lambert : J’avais l’envie de traiter les guerres anglo-zouloues à ma sauce, c’est à dire de manière décalée. Pour le débarquement, j’avais donc trouvé cet élément « télé-réalité », qui apportait un plus... Pour la période anglo-zouloue, j’ai longtemps cherché, et puis je me suis dit : je vais faire l’inverse de l’histoire réelle. Au lieu d’avoir les tuniques rouges qui entrent au Zoulouland, nous aurons les hordes de Cetshwayo qui déferlent sur l’Angleterre victorienne (grâce à un acte magique bien commode, j’en conviens). J’ai toujours aimé les romans « catastrophe » type « Le hussard sur le toit », « Ravages », « La guerre des mondes », « Le fléau »... C’est très jouissif de décrire une société qui s’écroule. On éprouve un sentiment de toute puissance narcissique infantile assez semblable à celui d’un gamin saccageant un château de sable élaboré durant des heures !

Actusf : Dans « secret de fabrication », votre texte en ligne sur la « fabrication » d’un livre, vous parlez pas mal de documentation (http://www.noosfere.org/heberg/auteurstf1/texte.asp?site=10&numtexte=13) Zoulou Kingdom vous en a demandé beaucoup ?
Christophe Lambert : Oui, j’ai beaucoup lu. J’en parle dans la postface, et sur mon blog... Cela me semblait indispensable. Je devais contrebalancer l’aspect farfelu de mon postulat de départ par un « effet de réel » très fort. J’ai dû lire une bonne vingtaine de livres avant et pendant l’écriture du roman...

Actusf : Qu’est-ce qui vous intéressait dans la société Zoulou ?
Christophe Lambert : J’ai beaucoup de respect pour les Zoulous mais, dans mon histoire, ils ne servent que de « révélateur ». On n’est jamais, ou presque, de leur point de vue. Zoulou Kingdom n’est pas un livre sur les Zoulous, de même que Titanic n’est pas un film sur les icebergs... Ce qui m’intéressait, c’était de décrypter la réaction des gens, les « civilisés », les « maîtres du monde », quand le ciel leur tombe sur la tête. En fait, ce roman parle davantage du 11 septembre que des Zoulous...

Actusf : Vos romans ont toujours une connotation supplémentaire que le simple plaisir de l’aventure avec des « messages » ou des « points de vue » plutôt, à destination du public. Qu’est-ce que vous aimeriez que les lecteurs retiennent de Zoulou Kingdom ?
Christophe Lambert : Le « message » (je n’aime pas ce mot, mais bon...), c’est qu’une civilisation doit se remettre en question pour durer. On doit réexaminer régulièrement nos valeurs. Dans Zoulou Kingdom, le matérialisme est montré du doigt. Je fustige aussi la xénophobie, l’antisémitisme. Il s’agit de problèmes très actuels. Je vois aussi le livre comme une métaphore de la fracture nord-sud. On peut raisonnablement imaginer que les trois quarts de la planète qui crèvent de faim vont un jour se rappeler à notre bon souvenir, et de manière dévastatrice. Le 11 septembre n’était, je le crains, qu’un hors d’oeuvre.

Actusf : Zoulou Kingdom est une Uchronie. C’est un plaisir pour vous de jouer avec l'Histoire ?
Christophe Lambert : Oui, j’adore ça. L’un de vos confrères a écrit « Christophe Lambert et son grand bazar de l’Histoire violentée », c’est tout à fait ça ! Et puis on peut se payer des seconds rôles croustillants : Elephant-Man, Karl Marx, Jack l’éventreur...

Actusf : H.G. Wells est évoqué dans votre roman qui lui rend hommage. Que représente-t-il à vos yeux ?
Christophe Lambert : Total respect. Je le préfère à Verne qui, certes visionnaire lui aussi, tapait toujours un peu sur le même clou. Le futur, dans sa « Time Machine », c’est une métaphore absolument géniale de la société victorienne, avec l’élite qui se prélasse en surface et les Morlocks qui triment sous terre !

Actusf : Zoulou Kingdom comme La Brèche sont des romans « adultes » alors que vos autres romans étaient plutôt destinés « aux enfants » (avec tous les guillemets que ce genre d’affirmation peut comporter). Comment choisissez vous le public en fonction de vos idées ?
Christophe Lambert : Les frontières sont floues... mais quand je vois que je m’oriente vers un récit plutôt violent et sans personnages adolescents dans les rôles principaux, j’ai tendance à me tourner vers les éditeurs adultes. Mais si vous avez aimé La Brèche et Zoulou Kingdom, jetez un oeil sur ce que je fais chez Mango, dans la collection Autres mondes : c’est vraiment très proche. Du « tout public », quoi.

Actusf : Qu’est-ce qui change fondamentalement dans votre écriture suivant votre public ?
Christophe Lambert : Fondamentalement : rien. Dans le détail, plein de petites choses : les romans adultes sont un poil plus longs, le vocabulaire un poil plus riche, les scènes d’action un poil plus violentes, les toisons un poil plus pubiennes, etc.

Actusf : Et la question rituelle pour terminer. Quels sont vos projets ?
Christophe Lambert : Deux nouvelles sorties en 2007, si toutefois nos amis éditeurs se décident à hâter un brin les corrections : Infaillible, chez Bayard, l’histoire d’un petit génie qui a bricolé une intelligence artificielle capable de prédire l’avenir, et puis un roman fantastique, pour Nathan, co-écrit avec Michael Espinosa. Ces jours-ci, j’entame la rédaction d’un nouveau Autres mondes, pour Denis Guiot, Le dos au mur, sortie prévue en janvier 2008.

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