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Interview de Eric Liberge
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Interview de Eric Liberge

ActuSF : Comment est né le projet des Corsaires d'Alcibiade ?
Eric Liberge : Denis-Pierre Filippi m’a contacté lors d’un festival en 2002. Il souhaitait réaliser chez Dupuis une série d’aventure avec ce thème et, sortant du T3 de Mardi-Gras Descendre, j’ai pensé que cela me changerait des os et du Purgatoire, ce qui fut le cas.

ActuSF : Qu'avait-tu envie de faire graphiquement ? Ce n'est pas tout à fait Tonnerre
Rampant mais pas non plus vraiment Mardi Gras Descendre.
Eric Liberge : Il est vrai que ceux qui me connaissaient pour Mardi-Gras et mes autres travaux n’ont pas compris pourquoi je me suis subitement tourné vers un projet plus grand public, et par la suite, les lecteurs de Corsaires n’ont pas saisi pourquoi je venais d’un univers aussi gothique. Ce serait une erreur de chercher à comparer les deux, et surtout d’essayer de retrouver dans l’un ce qui a fait la renommée de l’autre, ce qui n’a aucun sens lorsqu’il s’agit de développer des projets très différents. Mais je fais confiance à l’intelligence et la sensibilité du lecteur, qui peut comprendre qu’un auteur ne se trahit pas en essayant d’autres choses. En cela, il fait respirer sa créativité. Sinon, c’est la stagnation ou la frustration. Tonnerre Rampant était un bloc bien inscrit dans une période, Mardi-Gras de même. Je ne me pose aucune limite en termes graphiques. Le lecteur peut trouver ces choses plus ou moins réussies et c’est son droit, pour ma part, j’ai surtout l’immense privilège de pouvoir créer et de m’épanouir dans ces explorations au travers de la bande dessinée. C’est bien tout ce qui m’importe.

ActuSF : On a l'impression dans le tome 4 que tu t'es éclaté à faire les machines un peu steampunk. C'est vrai ? Et pourquoi ?
Eric Liberge : C’est le T3 de Corsaires. Je n’ai jamais lu de steampunk. Je ne sais donc pas trop ce que c’est. Les machineries qui figurent dans les albums n’ont pas vraiment d’étiquettes, et c’est ce qui me plait. Maintenant, en France, comme on adore les références, il faut les appeler « steampunk » ou Jules Vernes. Je dirais qu’elles sortent d’un magma qui bouillonne bien au fond. Là non plus, pas de limites. Juste celles de la crédibilité technique. Et c’est vrai que je me suis bien amusé.

ActuSF : Il y a déjà eu quatre tomes. Y'en aura-t-il d'autres ?
Eric Liberge : Il n’y en a que trois poir l’instant. Cinq sont prévus, donc encore deux à venir.

ActuSF : En tout cas on sent se dessiner une suite avec pourquoi pas une révolte des jeunes aventuriers contre l'Organisation... J'ai bon ?. :-)
Eric Liberge : Là, c’est le domaine de Denis-Pierre. Je n’ai pas les clés de la narration Corsaires, et très franchement je n’en sais pas plus. Ila en tout cas intérêt, lui aussi, à toujours nous surprendre dans les albums à venir, à la mesure de ce que tu entrevois, peut-être.

ActuSF : Avant d'évoquer tes nouveaux projets, je voulais revenir sur Relayer, la
série sur laquelle tu es scénariste.Comment s'est fait cette aventure et pourquoi avoir choisit Vincent Gravé ? Ou est-ce l'inverse, lui qui t'a choisit ?
Eric Liberge : J’ai découvrert Vincent alors que j’étais jury au concours BD FNAC en 2000. Ce garçon a un talent bouleversant et c’est bien la seule personne qui m’ait ému avec son dessin depuis fort longtemps. Je lui ai naturellement proposé Relayer, qu’il a complètement transfiguré. Relayer était un vieux projet, et j’ai senti que Vincent pourrait en faire autre chose. Il s’est très bien approprié l’univers et cela a donné (à mon sens) 4 albums vraiment fantastiques.

ActuSF : Il a un style qui parfois se rapproche un peu du tien. Vous avez beaucoup
parlé dessin ensemble ?
Eric Liberge : Je crois au contraire que je suis aux antipodes de Vincent. Il a un style graphique très lâché, très naturel, alors que moi, je fouille tous les détails. Vincent dessine comme il respire, il est très libre. Nous n’avons pas vraiment parlé de ça, en fait. Vincent préfère parler scénario et narration, comme moi.

ActuSF: Parles-nous de l'album Aux heures impaires. A priori c'est un one shot sur
le Louvre. Qu'est-ce qu'on y trouvera ? Des reproductions d'oeuvres d'art ou
une histoire avec le musée comme cadre ?
Eric Liberge : Le projet avec le Louvre s’inscrit dans la collection de co-édition avec Futuropolis. C’est effectivement un one-shot, donc un exercice de style encore très différent. Je préfère ne rien dire sur l’histoire, comme d’habitude, pour garder l’effet de surprise qu’aujourd’hui personne n’a plus avec les bandes-annonce, les extraits, etc… je peux juste dire que je reviens avec un récit de fantastique qui se passe dans le Louvre la nuit. On y verra entre autre beaucoup d’œuvres sans que ce soit pour autant un catalogue en vue de flatter le musée car là n’est pas le but du récit. C’est une histoire humaine, et graphiquement, je vais encore pousser plus loin que d’habitude, histoire de bien en profiter.

ActuSF : Passons à L'Empire du Rêve. Un premier tome est prévu chez Dupuis début 2008. De quoi y parleras-tu ? Comment est né ce projet ?
Eric Liberge : L’Empire du Rêve se passe sur tout le développement de la seconde guerre mondiale. C’est une série de 3 albums sur le courage humain, à travers la croisée de destin de trois personnages. Il va y avoir pour chacun une confrontation aux doutes, à la peur, aux responsabilités qui nous dépassent. Chacun sera plongé dans son bain d’huile bouillante. Et cela renvoie à la question de « qu’aurait-on fait à leur place, à l’époque ? » Ce sera un récit d’aventure qui bouge bien, avec une forte dimension intimiste pour chacun des personnages principaux. Un récit dur et sans concessions vis-à-vis des tabous que sont les folles théories que le nazisme a engendré sur les races, etc… j’ai envie d’aborder tout cela sans la pudibonderie ou le pathos que l’on trouve parfois dans les BD sur le sujet. Ce projet remonte à 4 ou 5 ans, alors que je voulais faire quelque chose de comptemporain pour traiter justement les limites du courage humain, et les mensonges face à sa propre conscience. Tout un programme.

ActuSF : Tu seras tout seul ou à deux avec un scénariste ? Il y aura combien de tomes ?
Eric Liberge : Je reviens enfin à un projet où je suis tout seul, car c’est comme cela que je travaille le mieux. Il y aura trois tomes qui porteront les noms des 3 personnages : Louison, Etienne et Fanny.

ActuSF : Sur ton blog, tu as mis quelques images. Ca a l'air assez dur non ? Comment vois-tu tes trois héros, Louison, Etienne et Fanny ?
Eric Liberge : Ces images sont anciennes, les pages ont considérablement changé maintenant. Toujours dans un style très réaliste, mais en fausses couleurs, basées sur l’atmosphère. Les 3 personnages sont une variante de nous, car c’est au lecteur que je m’adresse, et son courage que je questionne, comme le mien, d’ailleurs. Tout le monde y passe.

ActuSF : Dernier projet en cours, le tome 12 du Voyageur. comment s'est fait cette
aventure et pourquoi avoir accepté ?
Eric Liberge : Pour les mêmes raisons qui m’ont fait accepter l’aventure Corsaires. Tenter autre chose. C’est avant tout travailler avec ma bande de copains : Bourgne, Boisserie, Stanler, Ciro, Lambert, Guarnido, etc… j’ai aussi dit oui parce que je vais traiter l’antiquité avec des gladiateurs, un truc que je n’ai encore jamais fait, et je compte beaucoup m’amuser, toujours en poussant ma vision de la chose le plus loin que je peux.

ActuSF : Tu as un blog plutôt sympathique. Comment le vois-tu ? Comme une vitrine ou comme l'occasion de toucher directement les lecteurs et discuter avec eux ?
Eric Liberge : Je le vois effectivement comme une petite fenêtre sur le lecteur, histoire de maintenir le contact et d’informer, autrement que par l’éditeur, l’actualité de mes travaux. Je mets aussi en ligne de grands dessins qui n’ont jamais été imprimés.

ActuSF : J'ai découvert que tu avais mis en ligne des morceaux de musique
correspondant à chaque série. Pourquoi ? La musique est-elle une influence
ou une compagne lorsque tu travailles ? Quelle place a-t-elle pour toi ?
Eric Liberge : La musique. Vaste sujet. J’ai joué en groupe une dizaine d’années, batterie et guitare, pour arrêter et me consacrer sérieusement à la BD. Mais j’ai hélas aussi beaucoup à exprimer encore dans ce domaine. Et comme dans un de mes albums, je compose et m’occupe de tout. Cet univers est un vase communiquant avec le dessin et j’écoute régulièrement mes morceaux quand je travaille. Je cherche en musique avant tout des ambiances inédites. Encore de l’exploration. Elle n’est pas vraiment destinée à être écoutée par d’autres. Le seul critère d’existence de tous ces morceaux, à mes oreilles est que si je les réécoute encore et encore, c’est qu’à travers eux, j’ai réussi à atteindre quelque chose d’enfoui, qui m’émeut et est à prendre au sérieux. Il y en a d’autres que j’ai fait et qui n’ont pas tenu longtemps la réécoute, car ils ne touchaient rien d’essentiel. Ceux-là, je les oublie. L’album du Louvre est très proche de certains des morceaux en question. Par contre, je n’irais pas imposer ces choses musicales à un autre auditeur que moi-même, même si, d’après les quelques réactions que j’ai eu, certains aient pu apprécier. C’est vraiment là mon jardin secret.

ActuSF : Et puis dernière question rituelle. On a passé en revue pas mal de tes
projets. As-tu des envies d'albums au-delà ? Qu'elles sont elles ?
Eric Liberge : J’ai un autre projet en tête depuis des années, en deux tomes, et il concernerait l’enfer de l’entreprise. Je n’en dis pas plus.

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