Fabrice Colin : Le lancement de la collection s'inscrivait dans une dynamique plus large qui concernait la collection Points dans son ensemble. La maquette a été modifiée et de nouvelles collections ont vu le jour, dont une de poésie... et une autre de fantasy !
Actusf : Quelle est ta ligne directrice pour choisir les romans et les cycles qui sont repris chez Points Fantasy ?
Fabrice Colin : Je publie les livres qui me plaisent. Je n'ai aucun a priori, ni vis-à-vis d'une fantasy qu'on pourrait qualifier de "mainstream", ni à l'égard de textes plus ardus ou hors-norme. J'ai ma propre définition de la fantasy, que tout le monde ne partagera pas parce qu'il est impossible de se mettre d'accord là-dessus, et j'essaie de m'y tenir.
Actusf : Il y a une grosse diversité entre les différents " types " de fantasy dans les livres de la collection. C'était une de tes volontés, de tes envies ?
Fabrice Colin : Absolument : l'idée de départ était de faire cohabiter plusieurs "fantasy", considérées comme les provinces d'un vaste royaume. La capitale du royaume, c'est la fantasy héroïque, les trilogies fondatrices, celles qui attirent le plus de lecteurs et qu'on voit de loin. Mais je m'intéresse aussi aux territoires éloignés, exotiques : la fantasy urbaine, ou antique, ou romantique... Pour moi, la spécificité de Points Fantasy tient à ce grand écart permanent. Il s'agit d'élargir l'horizon et de repousser les frontières.
Actusf : La grande majorité des auteurs sont anglo-saxons mais il y a aussi quelques français. On oppose souvent l'anglo-saxonnies à la France dans ce domaine. Est-ce que ça se traduit en terme de ventes chez vous ?
Fabrice Colin : Pas vraiment puisque notre meilleure vente est Pierre Grimbert, et que Bernard Simonay tire son épingle du jeu. Ailleurs, on voit bien avec le succès des cycles de Mathieu Gaborit (que nous accueillons très prochainement chez Points) ou de Henri Loevenbruck qu'il n'y a pas de malédiction française. En France, nous manquons simplement de bons textes, mais c'est plus un problème quantitatif : il n'y a pas tant de bons auteurs que ça !
Actusf : Globalement, après un an, quel est le bilan ? Positif ? Les ventes sont-elles à la hauteur des espérances ?
Fabrice Colin : On ne m'a jamais fixé d'objectifs en termes de vente. Je ne dis pas que nous ne regardons pas les chiffres, loin de là. Mais tout le monde sait que le succès d'une telle collection ne peut se construire que sur la durée. Nos ventes sont bonnes, sans être exceptionnelles. D'une manière générale, je suis surpris par l'homogénéité des chiffres : il existe certes un écart, mais pas de véritable gouffre, entre les cycles mainstream et les oeuvres plus exigeantes. Après un an de parutions, nous n'avons vraiment pas à rougir face à la concurrence, même si nous manquons encore d'un "gros" best-seller, de la trempe d'un Feist, par exemple. Il faut dire que ça ne se trouve pas comme ça. Mais nous y travaillons.
Sur un plan strictement éditorial, je suis très, très heureux de notre programme 2007.
Actusf : Quel est le livre qui a le mieux marché ?
Fabrice Colin : La Malerune de Grimbert, suivi de près par la saga du Roi-Dragon de Lawhead.
Actusf : Il y a eu récemment une petite modification graphique sur les livres. Y'a-t-il eu des conséquences sur les ventes ou sur les réactions des lecteurs ?
Fabrice Colin : Il est trop tôt pour le dire ! Mais c'est évidemment notre espoir.
Actusf : Alors qu'il n'y avait que J'ai lu et Pocket sur le marché du poche en Fantasy, vous êtes désormais quatre avec la prochaine naissance du Livre de Poche Fantasy. Comment se passe cette concurrence ?
Fabrice Colin : Oh, elle se passe bien, elle est plutôt stimulante et, malgré les apparences, nous ne nous marchons pas forcément sur les pieds les uns des autres. Pour le lecteur, ce foisonnement est très agréable. A notre niveau, les difficultés surviennent principalement lorsque nous sommes plusieurs à nous intéresser au même livre. Cela peut contribuer à faire monter les enchères de façon artificielle et un peu exagérée. Face au tumulte, nous préférons nous concentrer sur nos romans, notre ligne éditoriale. Je suis persuadé que c'est une stratégie qui portera ses fruits à terme.
Actusf : Dans le programme à venir, il y a peu d'auteurs très connus. Peux-tu nous dire quelques mots sur Irène Radford, Michael Shea, Patricia A. McKillip, Martha Wells et Stephen R.Lawhead ?
Fabrice Colin : Irene Radford n'a pas eu vraiment sa chance en grand format chez Buchet-Chastel ; elle est pourtant l'auteur d'un cycle arthurien de première ampleur, une fantasy qui traverse les âges. Michael Shea écrit très peu, mais c'est un des meilleurs auteurs qu'il m'ait été donné de lire : la quête de Nifft le Mince a reçu en son temps le World Fantasy Award : c'est un texte baroque, dantesque, complètement barré. Patricia McKillip, éditée en grand format chez Mnemos, a elle aussi reçu le WFA. C'est une conteuse de tout premier plan, le mariage parfait entre divertissement et fantasy "adulte". Martha Wells a été publiée chez l'Atalante. Elle écrit une fantasy vénéneuse, pleine de chausse-trappes et de circonvolutions. Stephen Lawhead n'est pas du tout un inconnu. Ses cycles sont des best-sellers mondiaux. Nous en avons repris un premier (la saga du Roi-Dragon) et le deuxième (le cycle du Chant d'Albion, assez trépidant) est en cours de publication...
Actusf : Vous fêtez vos un an. Quel est le programme des festivités ?
Fabrice Colin : Nous continuons sur notre rythme d'une vingtaine de parutions par an, un peu plus, même. Nous accueillons d'autres auteurs français, d'autres textes novateurs, tout en restant fidèles à nos premières amours (Lawhead, Crowley, Kearney)... L'avenir s'annonce très excitant !
Actusf : Quels sont les livres à venir ? Peux-tu nous parler un peu du programme de Points Fantasy ?
Fabrice Colin : Il y a ce fameux diptyque de Mathieu Gaborit, Le Cycle des ombres, jamais paru en librairie, et remanié par les soins de l'autreur. Il y a la fabuleuse trilogie de Mervyn Peake, Gormenghast, dont le rayonnement s'étend bien au-delà du territoire fantasy... Il y a ces romans de Katharine Kerr, à la construction étonnante et à l'ambition démesurée - il y a de nouveaux titres de John Crowley...
Et nous poursuivons évidemment les nombreux cycles en cours.
Actusf : Quels sont tes objectifs et tes envies pour la collection ?
Fabrice Colin : Mon objectif, c'est que la collection achève de s'installer auprès des lecteurs, qu'elle devienne une référence. Il s'agit de développer une véritable image "Points fantasy" ; ça prend du temps, mais c'est en bonne voie. Mes envies, c'est notamment de mettre sur le devant de la scène des auteurs pas très connus, comme tu dis. De donner à voir l'immensité et la richesse du royaume.
Actusf : Un petit mot sur le plan personnel. Sur quoi travailles-tu en ce moment pour ton côté " écrivain " ?
Fabrice Colin : La Mémoire du vautour sort au Diable Vauvert en avril. J'ai récemment achevé de le corriger. Mary Wickford sort chez Wiz/Albin Michel en septembre. C'est un gros roman. Je travaille aussi au second tome de ma BD Tir Nan Og ainsi qu'à un ouvrage sur l'engagement citoyen qui n'a rien, mais alors rien à voir avec l'imaginaire !
Le reste est secret.