1 Carmen et Travis
ActuSF : Pour commencer, racontez-nous votre parcours :
Fred Duval : J’ai fait un parcours universitaire classique en histoire-géographie. Je m’intéressais à la bande dessinée depuis très longtemps déjà, j’ai donc fait une maîtrise en histoire sur la caricature au XIXème (l’affaire Dreyfus, etc.). Parallèlement à cela, j’ai fait des fanzines BD, écrit des scénarios pour de jeunes dessinateurs et j’ai vraiment commencé en 1991-92 avec Olivier Vatine et Lamy sur un album qui s’appelait 500 Fusils, un western. Puis avec Olivier, nous avons enchaîné sur le premier album de Carmen Mc Callum. Rapidement j’ai pu en vivre, j’ai donc laissé tomber les cours d’histoire, après avoir enseigné un temps, et depuis environ dix ans, je fais de la bande dessinée à plein temps.
Ma première série donc c’était Carmen puis il y a eu Travis. Le scénario de Travis est en fait venu très vite pendant la construction de Carmen. Je me suis rendu compte que pour toute la prospective que j’avais créée, il n’y aurait pas assez d’un personnage pour en faire le tour. Alors m’est venue l’idée d’avoir un second point de vue sur ce monde-là par un personnage complètement différent de Carmen. Cette dernière étant une mercenaire active qui provoque les catastrophes, j’ai commencé à vouloir montrer au lecteur le point de vue d’un type qui a priori subit les choses, même si c’était pour mieux retourner la situation plus tard.
ActuSF : Donc les personnages de Carmen et Travis, c’est un peu les deux faces de la même pièce ?
Fred Duval : Oui, j’aime bien fonctionner par confrontation. Par exemple, dans Carmen, depuis le tome 6 on suit le point de vue de l’héroïne mais également de Russel qui n’est pas dans le même camp. Dans Travis, il y a Travis et Vlad qui ont deux manières différentes d’aborder des choses identiques. D’ailleurs, pour les deux tomes 6 de Travis, je pousse la logique encore plus loin puisque l’un se déroule à Paris avec Travis et l’autre à Istanbul avec Vlad et cela dans le même temps.
ActuSF : Justement, la série Travis aurait très bien pu s’appeler Vlad puisque celui-ci prend une importance croissante :
Fred Duval : Pour nous Vlad est le personnage principal, Travis étant en apparence le candide de l’histoire. Lorsque l’on entamait le début du cinquième album, on finissait par se demander pourquoi la série s’appelle Travis, c’est grâce au retournement de la fin du premier cycle, que l’on sait alors pourquoi. Il fallait tout de même que Travis reprenne la main dans cette histoire. Il est vrai que ce qui nous a particulièrement intéressés avec Christophe, c’est de suivre le parcours de Vlad, Travis, lui, n’a pas grand chose à se reprocher, c’est un personnage plus lisse.
ActuSF : Vous faites dire, dans le tome 6.2 de Travis, à l’un des personnages que Vlad est un Jésus. Il est beaucoup plus contrarié par ses contradictions internes qu’un Travis ?
Fred Duval : Il est toujours plus intéressant dans une histoire de développer le méchant. Dans une histoire d’action, si le méchant est raté l’histoire l’est aussi. Ce n’est pas moi qui l’ai inventé, c’est Hitchcock qui le dit. Au départ, on avait envie de créer un méchant, Vlad, qui ait une vraie ambiguïté pour que les gens aient un peu d’affection pour lui et on devait le supprimer au cours de l’histoire. Or, lorsque l’on relit le premier cycle, on se rend compte que s’il était mort à la fin, tout cela n’aurait été que purement nihiliste et on ne voulait pas de ça : pourquoi aller aussi loin avec un personnage si c’est pour le tuer à la fin ? Donc, on a pris la résolution d’aller encore plus loin avec lui, de voir sa rédemption... Au niveau psychologique, Vlad est beaucoup plus intéressant même si je crois que le tome 6.1 était beaucoup plus centré sur les contradictions de Travis. Le deuxième cycle est une sorte de remise à zéro des personnages, il ne va pas faire énormément avancer l’action mais il va travailler le fond pour repartir ensuite avec une situation que les gens n’attendaient pas forcément. Le but avoué c’est de toujours surprendre. Quand on a fini le premier cycle, les gens ont dit que la série allait devenir une sorte de Mission Impossible, que les personnages allaient travailler en équipe... Et bien non, ce n’est pas du tout ce qui va se passer ! Bien sûr, Travis reste une série d’action, mais on essaie de la décaler un tout petit peu, tout en en respectant les règles du genre.
ActuSF : Pourquoi avoir choisi un univers de science-fiction ?
Fred Duval : Lorsque l’on écrit de la science-fiction, on parle toujours du présent, de notre culture, de nos angoisses contemporaines. Il y avait deux envies pour Carmen et Travis. La première est l’envie de faire de la prospective pour s’amuser. Personnellement, je ne fais pas de SF pour avoir raison ou pour pouvoir dire plus tard : « on l’avait dit ». Il faut faire preuve de beaucoup d’humilité, tout cela n’est qu’un jeu mais un jeu qui permet au lecteur de se sentir dans un univers cohérent. Une fois que les choses sont cohérentes, on peut passer à la deuxième envie, celle de raconter des histoires humaines sans que les gens se posent des questions sur le scénario toutes les deux minutes, et ça c’est déjà plus difficile.
En même temps, la SF sert à décaler les choses, pour les dire avec un peu plus de légèreté, et à booster les angoisses, notamment parce que les gens aiment bien avoir peur quand ils lisent des histoires. Par exemple, si l’on fait un truc sur la nanotechnologie qui se passe de nos jours, au stade où cette science en est actuellement, il n’y a pas de grande menace. On pourrait bien sûr raconter des histoires sur un savant qui s’intéresse à la nanotechnologie et à qui il arrive plein d’aventures mais l’invention, en elle-même, n’est pas assez au point, pas assez développée pour en faire un enjeu mondial. Par contre, dans cinquante ans, on peut faire ce qu’on veut avec. Je pars d’une réalité, il est clair par exemple que d’ici quelques années on pourra faire des pontages cardiaques avec des nanomachines ; je lis ça dans une revue scientifique quelconque et à partir de là je fabrique un homme qui fonctionne entièrement avec des nanos, j’exagère une réalité d’aujourd’hui qui sera peut-être celle de demain.
ActuSF : Les avancées technologiques ne sont pourtant pas le point de mire, il n’y a pas de grand projet futuriste.
Fred Duval : Oui, finalement si on avait écrit Le Hameau des Chênes (Travis 6.1) dans les années 60, on aurait fait des banlieues. Aujourd’hui en 2005, ce qui se construit ce ne sont plus des immeubles mais des lotissements à droite, à gauche… En Bretagne, en Normandie, on construit des lotissements du type du Hameau des Chênes, on les voit pousser en un mois et demi avec des matériaux pourris sur des terrains qui sont limite viables et je crois vraiment que cela dérapera. Dans une vision prospective, je pense que les futures banlieues s’établiront dans les zones périurbaines actuelles qui sont habitées par la classe moyenne, par des gens qui paient des impôts.
ActuSF : Pour ne pas quitter le terrain de la science-fiction, vous avez cherché votre inspiration chez des auteurs précis ?
Fred Duval : Pour moi, le père de la SF moderne c’est Philip K. Dick que j’ai, bien sûr, beaucoup lu. Dans les auteurs plus récents il y a Tim Powers qui m’a beaucoup inspiré pour Hauteville House. Les Voies d’Anubis est selon moi un roman clé des quinze dernières années. Ensuite, cela va de Jules Verne à Dan Simmons mais je ne lis pas autant que certains de mes collègues scénaristes qui sont incollables sur tout ce qui est littérature SF. Pour moi, cela n’a jamais été une lecture exclusive, je lis plein de choses partant du principe qu’il n’y a pas besoin d’avoir tout compulsé pour faire de la SF.
Lorsque Hauteville House est sorti, tout le monde m’a dit « Tu as quand même lu La Lune seule le sait de Johan Heliot. » Et bien non, j’en avais juste entendu parler il y a quelques années. Depuis je me suis rattrapé et c’est vrai qu’il y a des points communs mais je crois que c’est aussi dans l’air du temps : on veut faire du steampunk, on veut quitter l’Angleterre et aller à Paris et évidemment on tombe sur Victor Hugo. Finalement, je trouve cela marrant qu’Hauteville, un projet que j’ai depuis cinq ou six ans, se soit construit parallèlement à La Lune seule le sait : avec Johan Heliot, on a eu les mêmes idées au même moment.
ActuSF : Récemment y a-t-il un bouquin SF qui vous ait marqué ?
Fred Duval : Récemment pas vraiment, à part La Mère des tempêtes [de John Barnes, ndr] un bouquin cyberpunk sorti ces dernières années que j’ai lu presque pour le boulot et qui va très, très loin : il y a des scènes qui franchissent la limite de la pornographie, vraiment l’après Gibson. C’est Gess, le dessinateur de Carmen, qui me l’a recommandé, ou peut-être même offert. Il est intéressant de voir où en est le cyberpunk en 2000 mais je trouve que le livre a le défaut qu’avait déjà le cyberpunk à l’origine, bien que cela foisonne d’idées, l’intrigue est sacrifiée au profit de la technologie. Je trouve, bien que Gibson soit un auteur culte, que ses histoires n’étaient pas toujours super bien tenues, même dans Neuromancien , on se paume un peu par instants. Le dernier vrai roman de SF qui m’ait impressionné, Hypérion [de Dan Simmons, ndr], date un peu mais soit on ne m’a pas conseillé les bons, soit je ne me tiens pas assez au courant. Il faut dire que depuis quelques années je m’intéresse à autre chose. Pour faire évoluer les personnages, on peut s’inspirer de plein d’autres genres comme le polar. Ces vingt dernières années les grands auteurs ne sont pas forcément en SF, cette dernière n’a pas l’équivalent de James Ellroy par exemple.
ActuSF : Pour Travis, comment a évolué le travail au cours des sept albums avec Christophe Quet et pourquoi avoir confié le dessin du volume 6.2 à un autre dessinateur ?
Fred Duval : Moi j’écris, je découpe et Christophe Quet fait le storyboard c’est-à-dire la narration graphique. On travaille comme des gens qui ont déjà fait huit albums ensemble : on a besoin de se parler et en même temps on sait très bien ce que l’autre sait faire, on a des habitudes de travail et confiance dans le boulot. Chacun connaît son rôle, on ne se marche pas dessus, on fonctionne en complémentarité. On a une culture commune, mais notre collaboration est riche parce qu’elle n’est jamais « pépère » : je crois qu’aussi bien l’un que l’autre on se remet en question, on confronte nos idées.
A la fin du premier cycle de Travis, on a discuté de la suite avec Christophe et pour nous il était évident qu’on n’arriverait pas à l’équipe présentée à la fin du tome 5. Il nous paraissait aberrant de démarrer un tome 6 avec Travis et Vlad copains comme cochon. Il fallait que les deux personnages aient suivi chacun leur chemin. Travis étant pour le lecteur le personnage sur lequel on se posait le plus de questions, il fallait donc régler en premier lieu le cas Travis. D’ailleurs, cette présentation se terminera dans le tome 7. D’un autre côté il y avait Vlad. Au tout départ, j’avais proposé à Christophe que l’on continue de manière traditionnelle Travis et faire un one shot avec Vlad. On était donc partis là-dessus, mais chemin faisant quand j’ai commencé à vraiment travailler sur le tome 6 est venue l’idée de Vitruvia, des travaux publics, etc.. Toujours dans mes problématiques de point de vue, il me paraissait stupide d’avoir d’un côté Travis, qui va être confronté en France à un problème de travaux publics et de l’autre, Vlad qui se balade dans le monde entier, il pourrait très bien entrer dans l’histoire de Travis mais carrément par l’autre porte. A partir de ce constat, on a trouver un projet commun aux deux équipes qui se déroulerait en parallèle. De 46 pages, nous sommes donc passés à 92.
Dans le même temps, nous avons rencontré Ludwig Alizon qui avait fait une histoire courte de Carmen + Travis pour Pavillon Rouge qui a été incluse dans la compilation. Nous aimions beaucoup son style et puis tant qu’à décaler, autant avoir aussi un décalage graphique. Ainsi, Travis 6.1 serait la réalité et Travis 6.2 un décalage. Ce dernier peut s’interpréter comme la vie de Vlad en elle-même mais aussi comme une projection de Travis réfléchissant à ce que Vlad est en train de faire en même temps, cela donne un côté onirique et Istanbul donne le côté exotique.
ActuSF : Le tome 7 réunira les deux protagonistes et les deux intrigues ?
Fred Duval : Oui, le jeu entre la destruction et la construction, avec comme symbole la boîte de travaux publics, se résoudra dans le tome 7. La thématique sous-jacente du tome 6.1, c’est la destruction du Hameau avec Travis en tant qu’agent. Sa personnalité est en train de se détruire pour peut-être se reconstruire. La thématique du tome 6.2 c’est la reconstruction, celle de Vlad et de Pacman en tant qu’ex-agents, ex-mercenaires, ex de ce qu’on veut et celle d’Istanbul qui se reconstruit après un séisme. Ce sont des thèmes qui vont se rejoindre dans le tome 7. Le lieu principal du volume 7, sera le Hameau des Chênes mais il va y avoir des événements à Istanbul qui souderont les deux intrigues. L’album sera d’ailleurs assez dur.
ActuSF : Qui va le dessiner ?
Fred Duval : Ce sera Christophe. Topkapi c’était simplement une parenthèse, une sorte de parallèle. On a juste eu envie de faire une expérience, on s’est beaucoup amusé à découper 92 pages et à en confier la moitié à un autre dessinateur. C’était aussi une remise en question : Ludwig a dix ans de moins que nous, son dessin est plus manga et il travaille différemment. Il est nécessaire de se remettre en questions afin d’enrichir un univers, on l’a fait de manière assez radicale avec les histoires courtes de Carmen + Travis, il y avait la volonté de bousculer graphiquement l’univers.
2 Carmen + Travis
ActuSF : Justement, par rapport aux récits courts, il n’y a pas eu une petite déception…
Fred Duval : Déception du public, très certainement. On a pu le lire un peu partout sur Internet et dans la presse. Et de notre côté, une très grosse déception., évidemment, parce que la finalité des récits courts n’était pas de gagner de l’argent sur le dos des lecteurs - ça me paraît aberrant - mais de tenter des expériences, de proposer des choses un peu nouvelles, rigolotes. Déçus, oui, par la réaction des gens. Sans les récits courts il n’y aurait pas eu de tome 6.2 puisque c’est grâce à eux que l’on a rencontré Ludwig.
ActuSF : Il y aura un deuxième volume, avez-vous changé des choses ?
Fred Duval : On a continué le projet tel qu’il devrait être dès le départ. On collabore avec des jeunes auteurs qui n’ont jamais travaillé et avec des auteurs plus confirmés avec qui je ne peux pas envisager une coopération sur le long terme parce qu’ils ont déjà une série. Par exemple Damour qui fait Nash, je le connais depuis le début de Série B, bientôt 10 ans donc, j’aime beaucoup son dessin et je pense qu’il aime bien mon boulot mais nous n’avons jamais eu l’occasion de travailler ensemble, de son côté il a Nash et j’ai également beaucoup de séries en cours, je ne peux donc pas lui proposer un album de 46 pages. Une histoire courte, c’est un récit de 6-7 pages, un mois de travail pour un gars qui tourne bien et cela donne l’occasion de s’amuser. Pour le deuxième tome, on a fait attention à ce que les graphismes soient moins déroutants.
ActuSF : Oui, parce que le premier volume était vraiment éclaté graphiquement. C’était peut-être un parti pris ?
Fred Duval : C’était un parti pris, nous avons vraiment cru que les gens allaient suivre. J’ai lu des choses atroces, par exemple que Zemia ne savait pas dessiner. Ce gars-là, c’est une bête, il est demandé dans le dessin animé et il est pris pour dix ans. Avec cette expérience, nous avons vu les limites de nos lecteurs. Ce n’est pas évident de dire cela, je ne veux avoir de dédain pour les lecteurs, mais on s’est dit qu’il ne fallait pas jouer avec le feu, que les gens ne sont peut-être pas si ouverts que cela.
S’il y a certains bouquins sur lesquels j’ai des regrets, celui-là n’en fait pas partie. On en a beaucoup parlé parce que l’on est vraiment tombés de haut, on ne pensait pas avoir le succès d’un Travis ou d’un Carmen, mais tout de même. On savait que les récits courts étaient mal vus en France tout comme les nouvelles, les courts-métrages, il y a un blocage là-dessus. Cela fait dix ans que je bosse sur Carmen et Travis, 12 albums en tout, on ne m’a jamais reproché de prendre les gens pour des imbéciles, pourquoi je commencerais maintenant ? Pourquoi brusquement on basculerait dans le côté obscur de la Force ? On peut reprocher tout ce que l’on veut à Carmen et Travis sauf d’être des bouquins faits à la va-vite. On a toujours essayé de donner le meilleur de nous-mêmes.
3. Hauteville House
ActuSF : A propos d’Hauteville House comment est née l’idée de reprendre les personnages d’un grand roman feuilleton.
Fred Duval : Le steampunk est comme tout, il a ses codes. Dans ce genre uchronique qui tient à la fois du roman de SF et du récit historique, il y a toujours des petits jeux de clins d’œil qui instaurent une complicité avec le lecteur. Dans les grands romans de steampunk anglo-saxons, il y a toujours une référence aux grands poètes de l’époque victorienne. J’ai eu l’idée de faire la même chose mais en France et sous la IIIème République. Un pouvoir autoritaire en place, des gens qui le combattent, la logique mène à Victor Hugo puisqu’il incarne historiquement la résistance intellectuelle à Napoléon III. Après, c’est plus qu’une question de gratter l’os : à partir du moment où j’ai Hugo en chef de file de la résistance républicaine, j’ai pensé à Gavroche qui est l’un des personnages emblématiques de l’œuvre d’Hugo. Dans la perspective d’une uchronie, j’ai joué sur la réalité : Hugo a écrit Les Misérables à Guernesey puisqu’il a signé le bon à tirer en 1863. Je me suis ensuite amusé à me mettre dans la tête d’Hugo alors qu’il écrivait son roman et je le voyait bien s’inspirant des gens qui l’entourent. Là, débute la fiction : un agent et ami d’Hugo, dont le nom est Gabriel, porte le surnom Gavroche, le romancier lui pique son nom de code mais en même temps le fait mourir dans son roman. Pourquoi ? Peut-être parce que Gavroche incarne la résistance armée alors qu’Hugo, non-violent, incarne la résistance intellectuelle.
ActuSF : Pourquoi, dès le premier tome, les héros quittent le sol français pour de lointains pays ?
Fred Duval : La première raison est narrative : reprendre l’une des expéditions les plus connues de Napoléon III, celle au Mexique, permet de ne pas trop se noyer en explications puisque les gens savent en gros de quoi il est question, il suffit juste de resserrer un peu le contexte. La deuxième est purement technique : lorsque l’on a discuté du projet avec le dessinateur, Thierry Gioux, il m’a confié avoir envie de dessiner un western, il se trouve qu’en plus c’est un passionné du Mexique, parfois il y a des albums qui naissent d’idées graphiques.
ActuSF : Et comment s’est faite votre rencontre ?
Fred Duval : Thierry et moi nous nous connaissons depuis presque 20 ans. Normands tous les deux, on s’est croisés dans divers fanzines, puis on a été voisins par hasard à Rouen. Bien qu’il ait par la suite quitté la Normandie, nous sommes toujours restés en contact. On se s’est jamais vu pour le boulot, moi j’avais mes séries chez Delcourt et lui chez Glénat. Et puis, un jour il a eu envie de tenter l’expérience Série B pour se remettre en question. Et voilà comment le projet Hauteville House est né.
ActuSF : Hauteville House sera-t-elle une série-feuilleton sur le modèle de Carmen MC Callum et Travis ?
Fred Duval : Oui, Hauteville House sera également composée de cycles. Ce premier cycle devrait se terminer au troisième ou quatrième tome, pour l’instant rien n’est sûr. Il y a beaucoup de documentation qui s’est accumulée sur mon bureau et, bien que je sache comment l’histoire se termine, je vais peut-être avoir besoin d’un album supplémentaire. Pour Hauteville, je veux garder la densité qu’il y a dans le premier tome mais aussi garder de la place pour les scènes d’action, j’ai envie que la narration reste fluide, à la différence de certains Carmen ou Travis qui sont trop ramassés. Je me rends compte aussi que lorsque l’on a donné un style à une série, il ne faut pas en changer au milieu d’un cycle pour le confort du lecteur. En outre, je crois qu’il ne faut pas hésiter : il vaut mieux enrichir l’histoire plutôt que de la réduire. Si à la fin du tome 2 je me dis que j’aurais besoin de 50 pages au lieu de 46 pour raconter l’histoire, je trouverai une solution pour réduire un peu l’intrigue. Je ne vais pas meubler 40 pages de visite d’un temple, il faut quand même avoir quelque chose d’intéressant à dire aux gens ! A contrario, si je me rends compte qu’il me manque plus de 20 pages, là je construirai un tome 3 un peu plus développé pour avoir ma conclusion dans le 4.
ActuSF : Pour terminer, quels sont vos derniers projets ?
Fred Duval : Le tome 2 de Hauteville House est déjà bien avancé. Un site va d’ailleurs bientôt être en ligne, c’est officiel. Il est très beau mais l’adresse n’est pas encore définie.
Le septième tome de Carmen Mc Callum est prévu mais pas pour tout de suite, sa réalisation avance lentement au contraire du septième volume de Travis dont douze pages sont d’ores et déjà composées. J’ai également un nouveau projet de SF avec Ludwig Alizon, mais je ne peux pas en dire plus.
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