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Interview de Gilles Francescano
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Interview de Gilles Francescano

Nous : Pourquoi avoir monté ArtEtFact ?
Gilles Francescano : L'idée première était de regrouper des illustrateurs pour fédérer un état d'esprit commun sur certaines actions. Par exemple la défense de l'illustration par le biais de l'étude des contrats. Au départ il y avait vraiment un aspect militant. Aujourd'hui on le met moins en avant dans notre discours parce qu'il vaut mieux induire une réaction que l'asséner à coups de poings. Donc on passe par des choses différentes pour montrer que les illustrateurs sont des artistes à la base et qu'ils se consacrent aux livres parce qu'ils le veulent bien et pas par nécessité. Ils ont le choix.

Nous : C'est défendre les illustrateurs…
Gilles Francescano : C'est à la fois les défendre et en faire la promotion, tout en les rendant accessible au grand public. Nous sommes les premiers lecteurs et les premiers fans de l'illustration. Mais je m'apercevais souvent que je ne connaissais pas l'artiste qui était derrière la couverture, s'il était vivant etc. Le rôle de l'association c'est montrer que ce sont des êtres humains normaux et que c'est un métier.

Nous : Cela fait quelques temps que l'association existe, est-ce que le message est bien passé ou est-ce qu'il y a encore beaucoup à faire ?
Gilles Francescano : Il reste bien sûr beaucoup de choses à faire mais la présence d'ArtEtFact est, je pense, déjà légitimé. Par exemple il y a eu la création d'un prix. C'était la première fois en France qu'une distinction pour l'illustration est donnée par un jury d'illustrateurs professionnels. Avec en plus une dotation de près de 2400 euros et pas seulement quelques bouquins... C'est bien pour mettre en lumière le travail d'un artiste. Et puis on remet ce prix pendant le festival des Utopiales. C'est une belle vitrine.


Nous : Quel a été votre rôle sur Terra Incognita…
Gilles Francescano : En fait on a assuré une aide logistique avec l'association mais c'est Chasseurs de Rêves qui a publié ce livre. ArtEtFact effectue une espèce de parrainage. Ce sont des initiatives qui nous font plaisir et tout simplement ce sont des supports qui manquent en tant que lecteurs. L'objet est fabuleux.

Nous : Autre événement, la sortie du recueil de François Rouiller, Après-demains. Cela signifie que les choses vont dans le bon sens ?
Gilles Francescano : Oui c'est positif bien entendu. Ca bouge en ce qui concerne la diffusion vers le grand public. Malheureusement ça ne bouge pas du côté des éditeurs. Et je ne pense pas que ça évoluera. Il y a des contraintes éditoriales qui font que s'il y a des économies à faire, ce sera d'abord sur les auteurs et les illustrateurs. On n'a pas encore de nouvelles de Presse de la cité ou de J'ai Lu pour nous dire, " depuis votre action, on augmente les tarifs des illustrations ". Ce jour là on pourra dire qu'il y a eu vraiment une évolution. Mais on en est loin.

Nous : Etre illustrateur est toujours une situation précaire…
Gilles Francescano : Effectivement, c'est toujours une situation difficile au niveau du travail et c'est pour ça que l'on ne peut pas en vouloir à un illustrateur d'être un petit peu virulent. Parce que c'est véritablement précaire. C'est vrai que les auteurs ne comprennent pas toujours nos revendications. En une semaine, l'illustrateur est payé plus que lui au prorata. Le seul problème c'est que l'on doit chercher du travail chaque semaine. C'est donc une tension assez vive.

Nous : Il manque vraiment des supports pour les illustrateurs ?
Gilles Francescano : Il existe d'autres débouchés. On sait dessiner donc on peut travailler surd'autres supports. Moi je travaille sur des effets spéciaux et sur deux trois autres trucs à côté. Hubert de Lartigue a fait ses pin-up's, Sandrine Gestin travaille sur le design d'un spectacle de magie... Mais ce sont des choses qui sont arrivées par l'illustration. Car l'avantage de faire une couverture, c'est la diffusion. C'est une image publiée à 3 , 4 ou 5 000 exemplaires. Même si elle est mal payée, elle estdiffusée. Donc ça amène une petite reconnaissance au niveau du public. Même si sur les tarifs, c'est un combat de tous les jours au cas par cas. Et si aujourd'hui Caza est payé pratiquement la même chose qu'un jeune illustrateur, c'est parce qu'il y a eu une tolérance des éditeurs. Et on ne peut pas les en blâmer, ils ont fait des économies sur le dos des autres. C'est une attitude humaine. Aujourd'hui c'est à ces jeunes illustrateurs de se battre et de dire tel tarif suffisait il y a quelques années à nous faire vivre une semaine, ce n'est plus le cas aujourd'hui.

Nous : Mais à part regarder les contrats et diffuser ce genre d'informations, de quels moyens disposez-vous ?
Gilles Francescano : Diffuser les images, rendre l'information accessible aux acteurs du secteur comme les bibliothèques ou les médiathèques. Sinon en terme politique, effectivement, nous n'avons pas de moyen. Il n'y a que le jour ou tous les illustrateurs de France seront dans l'association, ce qui peut arriver, que nous pourrons peut-être décréter une semaine de grève. Sinon on peut éveiller des discussions, sensibiliser des éditeurs. Certains sont d'ailleurs les donateurs du prix ArtEtFact, comme Bragelonne ou l'Atalante. Mais à part ça, il y a une ignorance complète et ce depuis les années 60. A l'époque il y avait une manne financière et beaucoup de travail fait avec les illustrateurs. Aujourd'hui il y a encore plus d'images mais gratuites. Parfois même certaines illustrations sont utilisées sans que l'auteur soit au courant.

Nous : Quel va être l'actualité à venir d'ArtEtFact.
Gilles Francescano : Nous allons nous re-concentrer sur l'édition d'un catalogue ArtEtFact regroupant tous les illustrateurs. Et puis nous ferons après des expos personnelles. Là il y a par exemple une exposition de Florence Magnin accessible aux médiathèques.

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