ActuSF : Comment avez-vous pris la direction de l'Atelier noir et de l'Atelier du futur ? Et qu'est-ce que cette maison d'édition ?
Gilles Vidal : J'ai rencontré il y a de cela trois ans et demi, à la faveur d'une collaboration que j'entretenais avec un éditeur (J.-M. Laffont pour ne pas le nommer), Jean-Pierre Van Geirt, un journaliste-écrivain, ancien grand reporter – notamment à Paris Match. À la défaveur, cette fois, d'une cessation d'activités de la susdite maison d'édition où il occupait une fonction directoriale, il a décidé peu de temps après, de se lancer tout seul dans l'aventure éditoriale, sous une forme originale : une édition essentiellement basée sur les livres téléchargeables. Nous nous sommes liés d'amitié, et j'ai publié plusieurs ouvrages chez lui, tout en m'occupant d'une partie des corrections des ouvrages choisis par ses soins. C'est quelqu'un de très pugnace, qui s'investit dans sa boîte quasi jour et nuit ! Et puis, de fil en aiguille, et comme j'avais de l'expérience dans ce domaine, il m'a proposé d'animer une collection de romans noirs, puis, un peu plus tard, une autre consacrée à la SF, au fantastique et à la fantasy.
ActuSF : Quelles sont les caractéristiques des éditions Atelier de la presse ?
Gilles Vidal : Comme je l'ai dit précédemment, l'idée de Jean-Pierre Van Geirt est de miser sur l'e-book, qui est en train de grandement se développer de par le monde, notamment aux Etats-Unis et dans plusieurs pays d'Europe. Son désir, également, de s'affranchir des contingences lourdes inhérentes à l'édition, à savoir les parts considérables qui sont prises par les acteurs diffuseurs-distributeurs sur le prix public des ouvrages, et ainsi, de pouvoir se permettre d'offrir à ses auteurs le double des droits touchés communément dans le milieu. Nonobstant, il est possible, bien entendu, d'acheter un livre papier « normal » ! D'ailleurs, il est toujours procédé à un tirage numérique papier de 200 exemplaires pour chaque titre publié – les tirages suivants se faisant selon la demande.
ActuSF : Quelle est la ligne éditoriale de votre collection L'Atelier du futur ?
Gilles Vidal : Elle embrasse une vaste palette : de la science-fiction pure et dure, jusqu'à la fantasy, en passant par le fantastique, le thriller fantastique… En fait, je réfute l'idée de « ligne »… Dans ces domaines, je me comporte un peu comme le lecteur « lambda » que je fus et que je suis toujours : c'est-à-dire que je me laisse séduire… ou pas ! Il faut que je sois « pris », « charmé », il faut que je sois entraîné par le besoin irrépressible de tourner la page « pour savoir », pour aller plus loin… Et alors, je ne lâche plus le livre jusqu'au bout ! Ça me rappelle quand j'étais ado et que j'avalais gloutonnement tout ce que je trouvais en bibliothèque : les Asimov, Silverberg, Bradbury, Van Vogt, etc., et qui me faisaient planer dans les hautes sphères…
ActuSF : Comment avez-vous choisi vos auteurs, et notamment Jean-Pierre Andrevon et Jean-Michel Calvez ?
Gilles Vidal : En ce qui concerne Jean-Pierre Andrevon (encore un auteur que j'ai lu avec avidité durant ma jeunesse, notamment dans la célèbre collection Présence du futur et chez Fleuve Noir !), j'ai eu la chance de le rencontrer et de le publier deux fois : d'abord en 1992, un polar (Incendie d'août), chez L'Incertain, une maison d'édition que j'ai fondée et dirigée aux côtés de mon ami Grégoire Forbin pendant plusieurs années, avant qu'hélas, après 70 titres publiés, nous ne fussions dans l'obligation de mettre la clef sous la porte… Puis plus récemment, dans la collection La Bartavelle noire, que j'ai un temps dirigée. Il était tout à fait normal que je lui demande de participer à cette nouvelle aventure ! Quant à Jean-Michel Calvez, que je connaissais de nom – pour ses titres publiés chez Fleuve Noir –, je dois remercier mon ami Thomas Bauduret (alias Patrick Eris), de m'avoir mis en rapport avec lui, et d'avoir ainsi eu la chance de lire – et d'accepter – son roman Le Miroir du temps.
ActuSF : Comment avez-vous décidé de l'éditer ? Qu'est-ce qui vous plaisait dans son livre ?
Gilles Vidal : Comme je l'ai dit plus haut, je « fonctionne » à l'envie, à l'instinct. J'ai lu son roman d'une traite ! Et l'ai très rapidement accepté ! C'est tout ce que j'aime dans la science-fiction (je pense, là, notamment, à Kim Stanley Robinson) : la belle écriture, l'intelligence, la créativité… Et bien sûr, l'intrigue, qui est rondement menée, qui donne envie de poursuivre la lecture, pour, à la fin, être surpris…
ActuSF : Le livre est également téléchargeable. Est-ce que cette version pdf marche bien ou est-ce que le papier a toujours autant d'importance pour les lecteurs ? Est-ce pour vous l'avenir de l'édition ?
Gilles Vidal : Le livre venant tout juste de sortir, je ne peux pas vous parler des ventes… que ce soit en version téléchargeable ou en version papier. Mais, pour en revenir à votre question, il est pour moi indéniable, que le papier ne disparaîtra jamais, car le lecteur aimera toujours – moi le premier –, toucher, « sentir » la peau d'un livre, le feuilleter, le détenir en tant qu'objet… Il n'empêche que je suis sûr que dans l'avenir, l'e-book prendra une grande part de marché. Et il y a pour moi plusieurs raisons : d'abord le coût ; un livre téléchargé revient trois fois moins cher, et vu le pouvoir d'achat actuel des gens, des jeunes notamment… Ensuite, donc, la possibilité de pouvoir « consommer » trois fois plus de livres ! Et, enfin, comme on peut le voir avec les tout derniers lecteurs portatifs, hyper légers et peu épais (bientôt des écrans ultra souples que l'on pourra même rouler seront disponibles – de la SF donc, concrétisée dans un proche avenir !), la possibilité de se trimbaler où bon nous semble en disposant d'une bibliothèque comportant une quantité vertigineuse de titres, à portée… d'yeux !
ActuSF : Vous êtes également auteur de nombreux livres. C'est facile de passer de l'autre côté de la barrière et de diriger à son tour des auteurs ?
Gilles Vidal : Comme je l'ai déjà dit au début de votre interview, j'ai démarré le travail d'éditeur il y a longtemps, 22 ans ! C'était en 1986, dans le cadre de la librairie que j'avais à l'époque à Paris, dans le XIIe arrondissement (La Grande fenêtre) : les éditions L'Incertain. Ensuite, j'ai été directeur de collection chez Le Castor Astral, puis chez Fleuve Noir fin des années 90 (collection Nuit grave), et encore plus récemment, La Bartavelle noire. Sans oublier que je suis correcteur depuis fort longtemps, notamment pour Pocket. Ce n'est donc pas un problème pour moi, bien au contraire ! D'ailleurs, je ne suis pas le seul dans ce cas… Peut-être même est-ce un « bonus », dans le sens que connaissant moi-même tous les affres que rencontrent les auteurs, suis-je en mesure de leur apporter un certain soutien, puis-je ménager leur susceptibilité, etc. Et puis, quel plaisir aussi que d'annoncer à un auteur que l'on a aimé son livre et que l'on accepte de le lui éditer, de lui donner donc un certain bonheur ! Ce même bonheur que j'ai éprouvé et que j'éprouve encore moi-même aujourd'hui lorsque ça m'arrive !…
ActuSF : Les jeunes auteurs ou les auteurs inconnus peuvent-ils vous envoyer des manuscrits ? Ont-ils leur chance ?
Gilles Vidal : Absolument ! La preuve : je viens de prendre le premier roman d'un jeune homme de 28 ans envoyé il y a quinze jours-trois semaines par mail ! Il s'agit d'Anthelme Hauchecorne, le titre de son livre La Tour des illusions. Un excellent roman fantastico-social. Et ne pas oublier qu'en même temps que Le Miroir du temps, j'ai publié La Mer des songes, d'Anaïs Cros, qui est une jeune auteure de fantasy d'à peine 25 ans pleine de talent. Je suis ouvert à tout. Mais il faut, bien entendu, que les textes soient de qualité, et… qu'ils me plaisent… car il est hors de question de publier n'importe quoi. Atelier de presse publie à compte d'éditeur !
ActuSF : Quels sont les prochains romans à paraître dans votre collection ?
Gilles Vidal : Les deux prochains titres devraient être La Tour des illusions d'Anthelme Hauchecorne, et Le Cœur inachevé Volume 1, Brouillard global, de Laurent Fétis, qui est un excellent auteur, confirmé, lui. Il a publié d'excellents romans à la Série noire Gallimard (notamment Le Chien froid, Innocent X, Puzzle, etc.) et, dernièrement Le Lit de béton chez Baleine noire. Un superbe thriller du futur qui tient en haleine le lecteur. Vivement la suite ! Ensuite, en vrac, Ce qu'il y avait derrière l'horizon, de Jean-Pierre Andrevon, Ronge, d'Yves Frémion, Le Chemin d'ombres, de Patrick Eris, et un nouveau roman de Jean-Michel Calvez, La Voie Rubis.
La chronique de 16h16 !