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Interview de Guy Gavriel Kay
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Interview de Guy Gavriel Kay

ActuSF : Y'a-t-il des auteurs qui vous ont marqué lorsque vous étiez petit ?
Guy Gavriel Kay : Je lisais des livres en permanence lorsque j'étais plus jeune (lorsque je n'étais pas en train de faire du sport avec mes amis!) et je lisais de tout dans la bibliothèque. J'adorais les mythes et les légendes, la fiction historique, la S-F (je me suis mis à la fantasy plus tard, en fait). J'ai commencé à lire des « classiques » tôt: Dickens, Dumas, Hemingway, Scott Fitzgerald. En fiction historique, j'adorais les livres de Rosemary Sutcliffe sur l'Angleterre à l'époque romaine et les romans de Mary Renault sur la Grèce ancienne.

ActuSF : Qu'est-ce qui vous a poussé plus tard à écrire ?
Guy Gavriel Kay : Il me semble que j'ai toujours écrit, raconté des histoires. Mes premiers écrits publiés, les premières récompenses, étaient pour de la poésie. Plus tard, je me suis promis que lorsque j'aurais terminé ma formation d'avocat, avant de me mettre à travailler, j'essaierai de voir si je pouvais écrire un roman. Je suis parti en Crète, j'y ai passé un hiver à écrire, et suis rentré avec un roman terminé. Au final, je n'ai jamais exercé en tant qu'avocat, et j'ai écrit depuis lors.

ActuSF : Vous avez travaillé sur le Silmarillion de Tolkien. Qu'est-ce que cet auteur représente pour vous ?
Guy Gavriel Kay : Tolkien était un géant, la « figure paternelle » pour ma génération de lecteurs et d'écrivains de fantasy. Il a été l'inspiration de beaucoup, mais également l'ombre qui a intimidé ceux qui voulaient faire un travail « original » et pas seulement « encore la même chose ». Ce qui conduit à votre question suivante...

ActuSF : Et comment êtes-vous parvenu à vous détacher de son influence ?
Guy Gavriel Kay : En partie grâce à mon implication dans le Silmarillion. Etant aussi proche des notes et esquisses/plans, des erreurs et des faux départs, j'ai réalisé que même les génies font des erreurs, se perdent puis retrouvent leur chemin. Cela a été très rassurant pour moi. J'ai aussi senti, je suppose, qu'à cause de mon rôle dans le Silmarillion j'avais reçu « l'autorisation » d'essayer de montrer qu'il restait de la place pour faire des choses nouvelles avec les mêmes thèmes de fantasy et éléments mythologiques que Tolkien avait employés -cela donna naissance à Fionavar. Après cela, j'ai vraiment voulu faire quelque chose de très différent, et Tigane représente une tentative vers un travail plus basé sur l’Histoire. Cela devint également un autre moyen « d'échapper » à l'influence.

ActuSF : La Tapisserie de Fionavar contient de nombreux éléments clairement reconnaissables provenant de mythologies ou de contes celtiques, scandinaves, orientaux, voire du mythe arthurien. Comment sont venus les idées des différents éléments ? Pourquoi justement ceux là ?
Guy Gavriel Kay : Les éléments n'étaient pas planifiés précisément au départ. Je ne planifie jamais un livre avant de commencer. Je savais que je voulais travailler avec le triangle Arthurien ET je voulais que cela fasse partie d'une histoire, mais sans la dominer : l'histoire devait donc être très longue ! Une fois que j'ai trouvé le concept de Fionavar comme le « premier » des mondes que tous les autres « reflètent de manière imparfaite », il semblait évident que les mythes et légendes de notre monde seraient des versions distordues de celles de Fionavar, où elles se sont réellement produites. Cela s'accordait tout à fait à mon désir de travailler avec la mythologie sous de nombreuses formes différentes, y compris freudienne (il suffit de penser à l'histoire de Darien!).

ActuSF : L'implication de personnages pris « au hasard » dans la lutte pour la survie d'un monde qui n'est pas le leur est un thème fréquent en fantasy. Comment s'est fait le choix de ces personnages ? La définition de la manière dont ils réagiraient au premier des mondes ?
Guy Gavriel Kay : De nouveau, je n'ai pas planifié si précisément, je laisse mes personnages émerger et souvent me surprendre. Ce que je me suis assigné en tant qu'écrivain est de les rendre, eux et leurs motivations, aussi complexes que je peux, parce que j'en ai assez des comportements et des motivations simplistes dans les œuvres de fictions, et pas seulement en fantasy. Ainsi, par exemple, Paul va à l'Arbre de l'Eté, et Kevin fait ce qu'il fait pour des raisons pas particulièrement (ou pas complètement) héroïques, même si au final leurs actes le sont.

ActuSF : Le thème de l'échange de faveurs avec les divinités, sacrifice personnel contre survie d'un univers, est central dans La Tapisserie de Fionavar ?
Guy Gavriel Kay : L'un des thèmes centraux lorsque j'ai commencé la trilogie était « le prix du pouvoir »... Le fardeau et la responsabilité qui viennent avec le pouvoir (magique ou autre)... Cela s'applique aux hommes et aux femmes, voire aux dieux dans cette histoire. J'ai toujours détesté les livres où l'échelle est fixée sur un très large conflit, et où à la fin tout (tout!) finit bien et facilement. Si le conflit est réellement aussi étendu, il y aura des pertes. Je voulais que la Tapisserie reflète cela.

ActuSF : Vous laissez vous influencer lors de la rédaction par un effet que vous souhaitez obtenir auprès d'un futur lecteur ? Ou est-ce que l'histoire et les personnages s'imposent d'eux-mêmes ?
Guy Gavriel Kay : Presque entièrement la seconde alternative, mais cela est dû à ma nature obstinée ! Cela se complexifie avec le temps lorsque l'on a écrit de nombreux livres, et les lecteurs envoient des emails, postent sur des forums, posent des questions ou font des demandes à des conférences... Les écrivains d'aujourd'hui sont beaucoup plus en relation avec leurs lecteurs que jamais auparavant, il me semble, et cela a un impact. L’importance de cet impact varie d’un auteur à l’autre.

ActuSF : Comment évoqueriez-vous Les Lions d'Al Rassan pour quelqu'un qui ne l'a pas lu ?
Guy Gavriel Kay : Lisez le ? Plus sérieusement (j'essaie d'être sérieux, mais ma tendance naturelle me porte plutôt vers la plaisanterie!), Les Lions d'Al Rassan semble être celui de mes livres qui apparaît parler le plus fortement à de nombreux lecteurs à la fois du passé et du présent. C'est ce que j'ai VOULU que le roman fasse, c'est ce que je pense que la fantasy PEUT faire... Utiliser l'idée d'évasion dans la fantasy pour également amener le lecteur à des vérités centrales et plus proches de lui. Je l'ai écrit pour être une aventure qu'on ne peut pas reposer, pour faire rire et pleurer les lecteurs et les faire veiller la moitié de la nuit à lire... Et ensuite continuer à y réfléchir, longtemps après.

ActuSF : Vous avez fait essentiellement de la Fantasy. Pour quelle raison ce genre vous plait-il ?
Guy Gavriel Kay : Une partie de la réponse est au-dessus. Je pense que la fantasy est unique en ce qu'elle est capable d'être « universelle »... d'être de toutes les époques et n'importe laquelle et en même temps la nôtre. Le concept de conte de fées, de « il était une fois le troisième fils d'un bûcheron qui partit dans la forêt » fait de nous TOUS le fils de ce bûcheron (ou cette fille de pêcheur...). Et ainsi, l'histoire est à la fois à propos d'un royaume de fantaisie et à propos de nous-mêmes. En tant qu'auteur, je trouve cela excitant, et puissant.

ActuSF : Vous avez beaucoup de succès depuis quelques années. Comment vivez-vous ce phénomène, quels sont vos rapports avec les lecteurs ?
Guy Gavriel Kay : Comme je l'ai mentionné plus tôt, lorsque vous avez de plus en plus de succès, en particulier dans le monde d'internet d'aujourd'hui, de plus en plus de lecteurs semblent trouver un moyen de vous contacter. Je suis très chanceux dans le sens où il semble que j'aie des lecteurs exceptionnellement intelligents et réfléchis qui me donnent beaucoup à penser. Le site « autorisé » de Deborah Meghnagi, sur www.brightweavings.com est un endroit où une communauté de gens très bien s'est formée pour discuter de mon travail, et pour se distraire en discutant de sujets plus vastes. J'y passe de temps à autres, parce que j'ai promis à Deborah que je le ferais, et parce que j'apprécie vraiment les gens.

ActuSF : Sur quoi travaillez-vous en ce moment ? Quels sont vos projets ?
Guy Gavriel Kay : Je suis en France jusqu'en juillet pour travailler sur mon nouveau roman-je suis là depuis septembre dernier. J'espère pouvoir fournir un premier jet du livre pour la fin de l'année. C'est mon quatrième séjour dans le sud de la France et j'aime beaucoup être ici (bien évidemment). J'aimerais seulement que ma maîtrise de la langue soit meilleure, et j'apprécie le temps que vous consacrez à traduire mes réponses, et je remercie la patience de vos lecteurs.

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